La manipulation contre la démocratie. Quelle(s) solution(s) ? 

Auteur(s)
Marcel M. Monin*, pour France-Soir
Publié le 23 septembre 2023 - 11:00
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élection urne
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Loic VENANCE / AFP
Au moment du vote, lors deuxième tour de l'élection présidentielle, le 24 avril 2022.
Loic VENANCE / AFP

TRIBUNE/OPINION - On sait que la manipulation des esprits est utilisée par les fabricants et les vendeurs pour faire acheter leurs produits. Et qu’elle est utilisée en politique pour provoquer l’élection d’untel. Et pour obtenir l’obéissance des citoyens à n’importe quelle décision prise par les "politiques" en place.

Les techniques de manipulation sont étudiées et répertoriées. Notamment à l’usage de ceux dont la profession est de les utiliser. Sur ces questions, voir - et surtout lire - les nombreuses études, dont celles d’Edward Bernays, de Noam Chomsky…).

Toutes ces techniques visent à vicier le consentement. Or, dans le domaine politique, il n’existe pas - ou à peu près pas - de sanctions. Contrairement à ce qui existe en droit privé (les vices du consentement - dol, erreur, violence - et les mesures de protection de certains adultes) et en droit pénal (l’escroc s’expose à la prison et à devoir rembourser la personne qu’il a manipulée).

Dans de nombreux articles, dont les nôtres, on s’interroge sur le point de savoir comment les citoyens pourraient avoir accès à l’information dont la connaissance leur permettrait de voter "librement" et selon leurs intérêts. Citoyens dont le bulletin de vote ne serait pas - ou plus - dirigé de l’extérieur pour mettre en place des individus acceptant de se mettre au service de minorités (détentrices du pouvoir économique ), et qui gèrent à l’occasion leur train de vie. (Avec les effets inévitables, comme pendant la campagne actuelle des sénatoriales, où la "magouille" pour l’élection et la distribution à venir des postes au Sénat, semble, pour certains, l’emporter sur la démonstration de leur compétence et de leur dévouement).

Mais si l’on en reste là, la démarche est sans objet. Puisque justement les techniques de manipulation sont là pour éviter que les citoyens (comme les consommateurs) "aient toute leur tête".

Le jour où les circonstances le permettront, sous l’impulsion d’un catalyseur - comme de Gaulle - ou à l’occasion d’un sursaut de réflexion des citoyens (comme en 2005 ces derniers ne suivant pas Jacques Chirac pour la "Constitution européenne"…), il conviendra de mettre en place un système de sanctions visant à annihiler les effets de certaines manipulations.

Et visant à dissuader les manipulateurs de se livrer à leur art pour perturber le jeu normal des principes de la démocratie.

Applications concrètes.

Emmanuel Macron est sorti des urnes comme président de la République, après que des campagnes ont été organisées, qui ont "fabriqué" Mme Le Pen comme challenger, puis qui ont transformé cette dernière en "repoussoir". Deux fois de la même manière.

Imaginons qu’une juridiction ad hoc (non composée de politiciens ou d’obligés des politiciens) décide que ce genre d’élection est "nulle". Et condamne par exemple celui qui en a bénéficié, à rembourser les sommes dépensées par l’État (= en réalité par les citoyens qui ont été obligés de le faire) pour la campagne électorale. Solidairement, pourquoi pas ? avec les "manipulateurs" ayant travaillé "pour lui" à cette fin.

Il est probable que le fait pour certains individus (les politiciens, et leurs "aides") de risquer se retrouver "sur la paille", sans compter le risque de passer quelques années derrière les barreaux si la loi ajoute des sanctions pénales, aurait des effets dissuasifs.

On peut aussi imaginer que cette démarche soit également mise en œuvre lorsque le politicien en place fait accepter, toujours par l’usage de techniques de manipulation (rappel : qui sont répertoriées ; donc, qui sont aisément et "objectivement" identifiables), telle ou telle décision qui va ostensiblement dans le sens d’intérêts opposés à l’intérêt général ou à celui de la Nation. Comme l’intérêt de financiers qui peuvent vendre à des étrangers une entreprise fabriquant un produit essentiel pour la souveraineté de la Nation. Ou qui ont à vendre un produit à l’efficacité incertaine ou qui peut être dangereux pour la santé publique.

Alors, dira-t-on, vous allez nécessairement mettre en place un "gouvernement des juges" !

Pas du tout. C’est que les juges ont (eux aussi) un pouvoir de décision. Qui leur permet de résoudre le conflit qui leur est soumis. Qui peut être un conflit de normes dont l’une a été émise par le pouvoir politique : on admet que les gens du Conseil d’État (pour ne parler que de cette institution) jugent qu’un décret est illégal, que telle loi ne s'appliquera pas parce qu’elle est contraire à un traité.

Dans un autre domaine, on admet que les jurés des cours d’assises prennent position sur l’existence et la qualification de faits et en tirent les conséquences sur la liberté des individus qu’ils jugent coupables.

La seule question qui se pose, porte sur la composition de la juridiction : faut-il donner la compétence aux juridictions existantes ? Faut-il penser à créer une juridiction spécialisée ? 

Dans ce dernier cas, la composition retenue devra être expérimentée. Et la pratique de la juridiction devra être surveillée dans le temps, de manière à ce que l’objectif soit tenu. 

*Marcel-M. MONIN  est maître de conférences honoraire des universités.

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