Macron : les institutions, sujet tabou !

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Alain Tranchant pour France-Soir
Publié le 23 janvier 2024 - 15:11
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Assemblée
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N.J. / France-Soir
La quasi-simultanéité de l'élection présidentielle et des élections législatives a entraîné la désuétude du droit de dissolution de l'Assemblée nationale.
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TRIBUNE - Drôle de conférence de presse du président de la République, en soirée, le 16 janvier à l'Elysée. Même si les chaînes de télévision les plus importantes avaient été mobilisées, il serait très étonnant que cette rencontre avec les journalistes reste dans les mémoires...

Un "grand rendez-vous avec la nation" avait été annoncé par Emmanuel Macron en décembre ; on n'est jamais mieux servi que par soi-même ! Et c'est à un simple exercice d'autosatisfaction sans contradiction que le peuple français a eu droit. L'hôte du palais de l’Elysée a pu dérouler, sans être importuné par des questions dérangeantes, un plaidoyer pro domo en forme de discours de politique générale relevant normalement d'un chef de gouvernement.

Tour à tour, c'est ainsi un Premier ministre, un ministre de l'Education nationale (le théâtre au collège), un ministre de la Santé ("chaque médecin doit voir plus de patients"), un ministre du Travail ("que les branches réembauchent davantage", comme si l'emploi se décrétait !), un ministre de l'Intérieur (excusant les émeutiers de juillet, les malheureux s'ennuyaient !), un ministre de la Culture ("la culture pour tous") qui sont apparus dans son discours. En somme, le Président sait tout et fait tout, le gouvernement fait le reste ! Après la suppression du septennat et plus de vingt ans de pratique du quinquennat, il est patent que la réduction de la durée du mandat présidentiel a changé la nature même de la fonction.

Désuétude du droit de dissolution

La Ve République n'est plus la Ve République. Nous entrons à pas comptés dans un régime présidentiel de fait, où la quasi-simultanéité de l'élection présidentielle et des élections législatives a déjà entraîné la désuétude du droit de dissolution de l'Assemblée nationale, pourtant attribué en propre au président de la République depuis 1958. C'est parce que la démocratie est le régime des crises, et pour leur apporter une issue démocratique, que les constituants ont attribué au président de la République la faculté d'en appeler à l'arbitrage du peuple par la dissolution ou le référendum. Certes, il demeure un Premier ministre - son existence est inscrite dans le marbre constitutionnel - mais son rôle est de plus en plus réduit à la portion congrue. En régime présidentiel, où le poste de Premier ministre n'existe pas, le Président concentre la totalité du pouvoir exécutif. Face à lui, se trouve le pouvoir législatif. Ne disposant pas de la possibilité de dissoudre la Chambre issue, elle aussi, du suffrage universel, le Président se trouve contraint de négocier avec elle. Etrange ressemblance avec l'ambiance politique lors du vote de la loi immigration.

Curieusement, et sans que cela ne soulève la réprobation de son public d'un soir, Emmanuel Macron avait pris soin d'indiquer, en commençant à répondre aux interventions des journalistes, qu'il n'était pas question de parler des institutions. S'il n'a pu échapper à une question sur le référendum, en revanche aucun intervenant n'a évoqué le sujet de la dissolution de l'assemblée du palais Bourbon, comme si l'absence de majorité et les contorsions des ministres allant à la pêche aux voix des opposants ne posaient aucun problème.

Comme si la souveraineté du peuple ne s'exerçait pas dans les urnes

Contraint de reconnaître que "les élections européennes seront un moment de vérité", M. Macron est alors apparu en chef de parti. Il est vrai qu'à moins de cinq mois du scrutin du 9 juin, les estimations des instituts de sondages ne sont guère favorables à la liste de l'ex-République en marche. Les attaques du Président contre le Rassemblement national, la nomination et la composition du nouveau gouvernement, les déambulations de son Premier ministre, son déplacement avec Rachida Dati le surlendemain à Clichy-sous-Bois, attestent d'une inquiétude grandissante à la perspective de ce scrutin de mi-mandat qui pourrait bien rendre problématique la fin du quinquennat. Le pouvoir est donc entré ouvertement en campagne électorale ...

S'affranchissant de l'injonction présidentielle, un journaliste a donc interpellé l'hôte de l'Elysée sur le référendum. Alors que la Constitution, dans son article 3, alinéa 1, énonce que "La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum", M. Macron a d'abord répondu qu'il avait "beaucoup innové" avec le grand débat, les conventions citoyennes, la réforme du Conseil économique, social et environnemental, les rencontres de Saint-Denis. Comme si la souveraineté du peuple ne s'exerçait pas dans les urnes, et exclusivement dans les urnes...

Le Président a ensuite indiqué à l'insolent journaliste que sur l'élargissement du champ du référendum "il n'y avait pas de consensus". En somme, il n'est pas opposé à un recours au peuple, mais à la condition que le peuple réponde "oui". Curieuse conception de la démocratie, en totale contradiction avec la volonté des constituants de 1958, pour qui l'appel au peuple ne peut pas être sans conséquences sur le maintien au pouvoir en cas de réponse négative. Ainsi, quand le peuple lui a répondu "non" lors du référendum du 27 avril 1969, alors qu'il disposait d'une majorité plus que confortable à l'Assemblée nationale et qu'il avait encore trois ans et demi de mandat à effectuer (tiens donc, M. Macron est dans la même situation aujourd'hui !), le général de Gaulle s'en est allé dignement, laissant le plus beau des exemples, lui qui avait été accusé de forfaiture et même de dictature...

24 % d'opinions favorables dans le baromètre de janvier du "Figaro Magazine"

Enfin, à propos de l'organisation d'un référendum de l'article 11 de la Constitution qui permet au président de la République, "sur proposition du gouvernement pendant la durée des sessions ou sur proposition conjointe des deux assemblées", de "soumettre au référendum tout projet de loi portant sur l'organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent...", le chef de l'Etat a répondu laconiquement : "Je le ferai, je n'ai pas d'annonces aujourd'hui sur ce sujet". Constatons que, sur la réforme des retraites, M. Macron a rejeté toute idée d'en appeler à la décision du peuple français. Et notons aussi que les sujets ne manquent pas sur lesquels le président de la République peut revenir devant le peuple et remettre en jeu son mandat. Au demeurant, ce n'est pas la première fois qu'il parle du référendum sans y recourir. Et, évidemment, le Président n'est pas sans connaître son niveau de popularité : 24 % d'opinions favorables dans le baromètre de janvier du Figaro Magazine...

Au lendemain de cette intervention télévisée qui n'a, semble-t-il, guère convaincu les Françaises et les Français, des commentateurs n'ayant pas connu la République gaullienne ont déclaré qu'"Emmanuel Macron avait joué au général de Gaulle avec cette conférence de presse". Je les invite à se reporter aux Discours et messages de Charles de Gaulle, parus aux éditions Plon. Ils y trouveront le texte intégral de ses conférences de presse. Ils verront qu'elles avaient une tout autre allure et que de Gaulle n'évoluait pas au même niveau que son lointain successeur. En ce temps-là, le président de la République traçait les grandes orientations, allait à l'essentiel et ne s'égarait pas dans les détails, laissait le gouvernement agir. La France était gouvernée, l'autorité de l'Etat respectée, les budgets équilibrés. Notre pays n'était pas endetté. Indépendant, sa voix libre portait dans l'univers. 

Alain Tranchant est ancien délégué départemental de mouvements gaullistes en Vendée et Loire-Atlantique et président-fondateur de l’Association pour un référendum sur la loi électorale.

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