Macron, "Roy de la République" et le "Suicide français" !

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Jean-François Tacheau, pour FranceSoir
Publié le 28 mars 2022 - 14:00
Mis à jour le 29 mars 2022 - 22:10
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Emmanuel Macron salue la foule le 27 juillet 2019 lors d'un passage à Bormes-les-Mimosas (sud)
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© GERARD JULIEN / AFP/Archives
Salut Manu !
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TRIBUNE — Ce n’est pas pour faire écho à l’ouvrage du polémiste Eric Zemmour, candidat à l’élection présidentielle, ni pour appuyer sa candidature, que cette tribune porte un tel titre. L’objet est de pousser un cri d’alarme qui repose sur des analyses différentes.

L’identité française ne repose pas sur une appartenance religieuse, ni même sur des bases ethniques, mais essentiellement sur l’État de droit, qui nous permettait d’afficher la devise « Liberté, Égalité, Fraternité » induisant nécessairement le non-alignement.

Or, l’évolution du droit, depuis 2015 au moins, et la politique étrangère du pays, le conduisent nécessairement vers une impasse, des soubresauts qui promettent d’être d’une extraordinaire violence, et peut-être vers une certaine forme de guerre civile.

Notre économie est non résiliente. Les revenus médians des Français sont bas. Nous avons fait le choix de la mondialisation, de la mise en concurrence, et de l’écrasement des prix, en doublant l’ensemble de contraintes extraordinaires, écrasant encore notre compétitivité, avec une nécessaire assurance sociale, les obligations environnementales, et des contraintes administratives et techniques. Certains statisticiens, inconditionnels du système capitaliste, argueront que nos sociétés n’ont jamais été aussi riches. Mais, ils ignorent les dépenses incompressibles que chaque ménage doit effectuer pour rester socialement viable (logement, transports, véhicules, numérique, internet, téléphonie, assurances). Et, les ménages qui dégagent des marges susceptibles de leur permettre la construction d’un capital ne sont proportionnellement pas si nombreux.

Les options levées par l’actuel Président de la République pour gérer la crise ukrainienne nous conduisent nécessairement à une catastrophe économique, comme le démontre Charles Gave, catastrophe à laquelle nous ne saurons pas faire face puisque nous ne sommes pas équipés d’institutions qui peuvent nous permettre d’amortir le choc à venir. Le sentiment d’appartenance à une collectivité ne peut être maintenu, si celle-ci se trouve mise sous tension, que si les droits restent au moins apparemment garantis. Et, ce sentiment d’appartenance est appelé à voler en éclats, s’il apparaît que s’est substituée à l’État de droit, une certaine forme de clientélisme, aggravant les injustices. Et, s'il apparaissait que les options levées par l’actuel Président obéissent davantage à une stratégie électorale qu’à une tentative de défendre les intérêts français, il me paraît certain qu’il serait absolument impossible de maintenir un minimum de cohésion.

Dans la gestion de la crise ukrainienne, une donnée fondamentale est totalement ignorée par la presse. C’est celle qui est relative au pic de production pétrolier, et au pic gazier. D’après l’Agence internationale de l’énergie, le pic des pétroles conventionnels a été passé en 2008, et celui de l’ensemble des pétroles devrait être passé en 2025. Les États-Unis auraient passé leur pic gazier en 2001, et l’Europe aurait passé le sien en 2010. Ce qui fait que le gaz et le pétrole russes sont absolument incontournables.

Lire aussi : L'éco-prédation ne connaît pas la crise

Il ne fait pas de doute que l’économie russe est également plus résiliente que l’économie européenne, et que si nous devions nous détourner de la Russie, celle-ci finirait par vendre l’essentiel de ses ressources et matières premières à la Chine, à l’Inde, et potentiellement à tous les pays ne faisant pas partie de la mouvance occidentale. Si le prix de l’énergie devait être beaucoup plus cher pour les Européens que dans n’importe quel pays du monde, il leur serait potentiellement impossible de maintenir une industrie digne de ce nom, et leur agriculture pourrait également être confrontée à de sérieux problèmes de rentabilité, et de production.

D’après certains ingénieurs agronomes, nos sols sont morts ou totalement dégradés. Et notre production de céréales dépend totalement des engrais qui sont fabriqués à partir du gaz naturel. Il ne semble pas qu’il soit possible de maintenir le niveau actuel de production avec des engrais naturels (fumier).

Dès lors, il ne fait aucun doute que nous devrions assister à une hausse significative des prix des biens de première nécessité, alors même que les revenus médians sont bas. Et je doute que les ménages français les plus fragiles puissent encaisser durablement une dégradation drastique de leurs conditions de vie, alors même que l’arbitraire se substitue progressivement à l’État de droit.

La justice reconnaît elle-même qu’elle est sous tension. Les magistrats attirent l’attention des pouvoirs publics sur leurs conditions de travail dégradées, qui entravent leur capacité à rendre des décisions bien construites, et bien pesées, dans des délais raisonnables. Que ce soit pour un divorce, une rupture abusive des relations d’affaires ou pour une infraction pénale, les délais d’instruction qui courent sur plusieurs années la décrédibilisent totalement.

Il n’y a pas que les magistrats et le justiciable qui se plaignent de cette dégradation, mais globalement tous les auxiliaires de justice, et notamment les huissiers de justice, qui ont vu les éléments constitutifs de leur droit de propriété (compétence territoriale limitée, numerus clausus, monopole étendu) disparaître du jour au lendemain, sans contrepartie, alors que ceux-ci constituaient la garantie du justiciable à une certaine indépendance.

Par la loi de 2015, dite « Loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économique », ou « Loi Macron », qui est passée seulement grâce à l’usage répété du 49-3, les pouvoirs publics ont plongé les huissiers de justice dans une forme de guerre économique, l’aggravant artificiellement par une baisse de leurs tarifs, alors que le marché était déjà tendu ; aujourd’hui, un sondage effectué par l’Union nationale des commissaires de justice fait apparaître que seul 6 % d’entre eux sont confiants dans l’avenir, que 85 % d’entre eux songent ou veulent quitter leur profession (40,6 % d’entre eux la quitteraient s’ils pouvaient le faire) ; et, que cette loi qui était censée favoriser l’installation des plus jeunes est perçue comme un obstacle à leur installation (à 84,9 %). Ajoutons que le revenu annuel du premier décile est descendu à près de 3 000 euros, et que cette réforme n’a pu être faite qu’en ignorant le droit de propriété, et les situations légalement acquises, qui font partie des principes généraux du droit.

Cette réforme n’a pas été pas sans conséquences non plus pour le justiciable, puisque dans ces conditions, les huissiers de justice (qui deviendront prochainement des commissaires de justice) se transforment peu à peu en « bras armé » des créanciers, alors que leur rôle devrait consister à exécuter les décisions de justice de manière aussi humaine que possible. Signalons qu’à cette fin, ils ont proposé à la Chancellerie la mise en œuvre d’un titre exécutoire négocié susceptible d’être obtenu à la suite d’une sommation, mais que le projet dort sur le bureau du Directeur des affaires civiles et des sceaux depuis mai 2021.

Cette dégradation du droit va de pair avec la progression d’une certaine forme d’arbitraire, comme l’a brillamment démontré Muriel Fabre-Magnan, professeur de droit à Paris I, dans sa tribune publiée dans Figarovox, le 21 décembre 2021, « L’État de droit est-il malade du Covid-19 ? » Pour elle, il paraissait totalement inacceptable que l'on puisse imposer une obligation vaccinale déguisée à des mineurs de 12 ans alors que ce « vaccin » était dépourvu d’avantages pour cette population, mais non pas de risques, y compris sur le long terme. Elle arguait surtout que l’hyper-présidentialisation du régime s’accompagnait d’un effacement progressif des contre-pouvoirs, dérive déjà signalée par William Boudon dans une tribune publiée dans le journal Le Monde le 12 avril 2020 : « Le Conseil d’État se dévitalise alors que celui-ci devrait être l’ultime bastion des libertés. » Celui-ci s’était ému des rejets en cascade des requêtes introduites par diverses associations humanitaires qui s’offusquaient de restrictions nouvelles en matière de libertés publiques.

On voit donc qu’un homme seul détermine la politique de la Nation, et prend le risque de l’affaiblir économiquement parlant, mais qu’en plus, les institutions susceptibles de le freiner ou de rétablir les Français dans leurs droits sont défaillantes. Et, le risque d’un éclatement de la société française, qui était déjà perceptible à l’époque des Gilets jaunes, s’aggrave par les positions très contestables sur le plan du droit et de leurs finalités en matière de politique étrangère, et l’absence de débat préalable sérieux à la campagne électorale qui est ouverte pour l’accession à la magistrature suprême.

En effet, s’il est bien normal que les Français soient émus par l’invasion de l’Ukraine et le cortège d’horreurs qui accompagne tous les conflits, il paraît surprenant que la France se tienne aux côtés du président Zelensky, qui, s’inscrivant dans la continuité politique de son prédécesseur, poursuit une guerre aux populations russophones, commencée en 2014.

Les violations du cessez-le-feu (accords de Minsk) n’ont pas cessé depuis 2014, et elles ont été multipliées au moins par dix à partir du 16 février 2022, dans la région de Luhansk, comme en témoignent les rapports de l’OSCE. Ce qui pourrait permettre de faire remonter la date des hostilités au 16 février, et changer, peut-être et seulement peut-être, le rapport d’agression…

Alors, du point de vue russe, il ne fait aucun doute que l’Occident lui interdit la défense des russophones, même sur leurs marches, et alors même que leurs intérêts vitaux sont en cause, ce qui ne peut que détourner la Russie de l’Europe au profit de l’Asie et de la Chine en particulier.

Lire aussi : Ukraine : sortir de la propagande de guerre et résoudre la crise en deux temps trois mouvements

Et, se tenir sans réserve aux côtés de Zelensky paraît d’autant moins légitime que le New-York Post semble valider les allégations russes relatives à la présence de laboratoires biologiques en Ukraine, financés par les Américains ; que celui-ci viole les conventions de Genève en faisant parader des prisonniers russes devant les médias pour des séances de repentir ;  et qu’il invite à une polarisation du conflit, en pressant les sociétés françaises de quitter la Russie, alors qu’au contraire, il est indispensable de maintenir un maximum de liens en vue d’accélérer un processus de paix (ce qui nous permet de saluer au passage la résistance du groupe Mulliez). Ce processus pourrait d’ailleurs être impulsé par la France d’autant plus facilement que l’héroïque résistance des Ukrainiens non-russophones (puisqu’il ne s’agit pas d’un peuple unifié, mais artificiellement divisé par l’Otan) semble avoir mis en difficulté l’appareil militaire russe.

La seule chose qui semble entraver une prise de position française divergeant de celle des Américains, favorable à une normalisation de la situation aussi bien pour les Ukrainiens (atlantistes) que pour les russophones, c’est l’affaire Alstom. En effet, on imagine bien un refus de cession des anciennes activités nucléaire d’Alstom (indispensables à l’exercice de la souveraineté nationale) par General Electric à EDF, si nos options diplomatiques divergeaient, ce qui serait pour le moins gênant pour le Président actuel qui a appuyé cette vente (qui n’aurait jamais dû être faite), aux conditions de General Electric, une société américaine. Pourtant, c'est le seul moyen pour nous de maintenir des relations durables avec la Russie, et de pérenniser notre accès à leurs matières premières.

L’option du refoulement, avec l’OTAN et aux côtés de Zelensky, permet également à Emmanuel Macron « d’enjamber la présidentielle » comme l’argue le Président du Sénat, M. Larcher, et le dispense de débattre. Elle lui a permis notamment de se déclarer à un jour de la clôture, avec en appui, des parrainages nécessairement adressés à un homme qui n’était pas candidat, sauf pour ceux qui seraient parvenus au Conseil constitutionnel entre le 3 et le 4 mars, sans que personne ne s’interroge vraiment sur la validité d’un tel procédé. Est-il permis de présenter une personne qui n’est pas candidate alors que les candidats déclarés ont le plus grand mal à rassembler lesdites présentations ? Ce processus qui a singulièrement raccourci la campagne, et probablement empêché les petits candidats d’obtenir les parrainages qu’il leur aurait fallu pour entrer dans la course (Taubira & Asselineau), a forcé François Bayrou à ouvrir une banque du parrainage pour que cette élection ne ressemble pas à une farce.

Et dans ce contexte, même le scandale McKinsey ne semble pas empêcher Emmanuel Macron de devenir le "Roy de la République", alors même que l’affaire Fillon paraît bien légère comparativement parlant. La posture de « protecteur des Français » lui confère bien des avantages.

En tout cas, espérons que ce potentiel nouveau roi ne précipitera pas le suicide français, et que s’il est « élu », il saura proposer aux Russes une porte de sortie honorable, et qu’il œuvrera à la restauration, en France, de l’État de droit. Et rappelons que selon l’article 16 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, « toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de constitution. »

À bon entendeur, salut !

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