Sarkozy-Macron à fleurets non mouchetés

Auteur(s)
Alain Tranchant
Publié le 01 novembre 2023 - 12:32
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Sarko Manu
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Ludovic Marin / Pool / AFP
N'est pas Clemenceau qui veut : "Les cimetières sont pleins de gens irremplaçables, qui ont tous été remplacés"...
Ludovic Marin / Pool / AFP

L'AVIS TRANCHANT D'ALAIN - Depuis l'élection d'Emmanuel Macron en 2017, à la faveur du retrait de François Hollande, puis de la disqualification de François Fillon, les contacts plutôt bons entre l'ancien président de la République, Nicolas Sarkozy, et l'hôte de l'Elysée, ont souvent fait l'objet d'applaudissements dans le camp présidentiel, de réserves ou de critiques à peine voilées dans les rangs du parti Les Républicains.

La relation entre les deux hommes vient pourtant de souffrir de la parution des mémoires de l'ancien chef de l'Etat, Le temps des combats, et des déclarations de l'actuel lors du conclave du 30 août réunissant les chefs des partis politiques représentés à l'Assemblée nationale.

Sarko a-t-il envoyé son livre à Macron ?

Dès ses propos liminaires, Nicolas Sarkozy évoque l'appui qu'il a apporté à Emmanuel Macron. Il écrit d'abord qu'il est de son "devoir de demeurer libre pour contribuer à ouvrir des débats qui pourraient se révéler utiles pour l'avenir de la France", et illustre sa pensée : "J'ai d'ailleurs usé de cette liberté lors de la dernière élection présidentielle pour soutenir la candidature de l'actuel président de la République (...). Je ne regrette pas cette décision. Je la renouvellerais même, si j'avais à le faire".

Ensuite, le mémorialiste devient moins aimable : "Mais je veux préciser et expliquer, car je ne l'ai pas fait jusqu'ici, qu'elle ne valait pas adhésion ‘fanatique’ à tout un bilan - celui du quinquennat précédent -, qu'elle ne marquait pas un enthousiasme enflammé pour la personne du président sortant, qu'elle n'attendait surtout aucune réponse et bien sûr aucun avantage en retour."

N'étant pas dans le secret des dieux, je ne saurais dire si le président des années 2007-2012 a fait parvenir Le Temps des combats au président en fonction depuis 2017. Ce que je sais, en revanche, c'est que, comme il était à prévoir, des propos sur les douze heures de la réunion-marathon du 30 août ont fatalement été étalés dans le domaine public.

Le Temps des combats a-t-il été envoyé à l'Elysée ?

Était-ce une "réponse" à son prédécesseur ? Toujours est-il qu'Emmanuel Macron a déploré la révision constitutionnelle initiée par Nicolas Sarkozy en 2008, limitant la durée du mandat présidentiel à deux mandats de cinq ans successifs. Dans un langage peu châtié - c'est le moins que l'on puisse dire ! - M. Macron a purement et simplement qualifié cette disposition constitutionnelle de "funeste connerie", puisque le compte à rebours de son départ était engagé dès sa réélection.

Quelques jours plus tard, sur France 5, Nicolas Sarkozy a commenté sans aménité les propos de celui pour qui il a voté en 2022 : "L'argument selon lequel on n'a plus de pouvoir parce qu'on ne peut pas se représenter, quel argument curieux. Dans ce cas-là, il y a toujours un dernier mandat. Dans ce cas-là, vous mettez le président à vie.”

N'est pas Clemenceau qui veut, et Emmanuel Macron semble ignorer que "les cimetières sont pleins de gens irremplaçables, qui ont tous été remplacés". Au total, il est clair que l'on a connu des débats plus courtois, et il est certain que le peuple français n'est sûrement pas disposé à assurer au locataire de l'Elysée un statut d'empereur à vie.

La "funeste connerie", pour reprendre les mots d'Emmanuel Macron, c'est d'avoir pensé qu'il lui suffisait d'en faire et d'en dire le moins possible pour s'assurer une majorité confortable de députés à l'Assemblée nationale en juin 2022. Si le subterfuge a fonctionné lors de la présidentielle - guerre en Ukraine, centaines de milliards dispersés durant la période Covid et multiplication des candidatures aidant - il en est allé différemment aux élections législatives.

Avec la proportionnelle, des chefs de partis députés à vie

En fait, l'expérience en cours d'une majorité dite relative montre à l'envi qu'il n'est pas possible pour un pouvoir exécutif de diriger le pays à sa guise sans une majorité absolue de députés, élus pour soutenir de leurs votes au Palais Bourbon l'action du gouvernement. C'est la preuve que les institutions de la Ve République reposent tout autant sur le scrutin majoritaire, qui ne figure pas dans la Constitution, que sur les dispositions constitutionnelles elles-mêmes. Bien imprudents pour l'avenir, et bien mal inspirés sont ceux qui voudraient instaurer la représentation proportionnelle, ou altérer le scrutin majoritaire en instituant une dose de proportionnelle. 

L'ancien et l'actuel chefs de l'Etat se rejoignent pourtant sur ce dernier point. Tous deux ont préconisé cette dose de proportionnelle qui aurait aussi pour conséquence de rendre les chefs et les sous-chefs de partis députés à vie, puisqu'ils figureraient évidemment en tête des listes présentées pour la répartition des sièges à la proportionnelle. Leur position sur le mode de scrutin législatif est d'autant plus surprenante que Nicolas Sarkozy a pu bénéficier des avantages du scrutin majoritaire en 2007, et qu'Emmanuel Macron est confronté quotidiennement, depuis juin 2022, aux inconvénients d'une Assemblée nationale de type représentation proportionnelle, sans véritable majorité.

Il faut se rendre à l'évidence : la représentation proportionnelle est vraiment une mystique.

Alain Tranchant est ancien délégué départemental de mouvements gaullistes en Vendée et Loire-Atlantique et président-fondateur de l’Association pour un référendum sur la loi électorale. 

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