Eric Dupond-Moretti relaxé par la Cour de justice de la République, la majorité et Borne se réjouissent, l’opposition très critique

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France-Soir
Publié le 30 novembre 2023 - 12:07
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Dupond-Moretti relaxé
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F. Froger / Z9 pour France-Soir
Relax et souriant le ministre de la Justice...
F. Froger / Z9 pour France-Soir

FRANCE - Le ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti, a été relaxé par la Cour de justice de la République (CJR). Le délit de “prise illégale d’intérêts” pour lequel il était soupçonné “n’était pas caractérisé”. La décision a été prononcée mercredi 29 novembre 2023, en présence du garde des Sceaux. L’annonce de sa relaxe a suscité de vives réactions sur la scène politique. Si les personnalités de la majorité ont salué, ou “se réjouissent”, comme Elisabeth Borne, de la relaxe de Dupond-Moretti, des partis de l’opposition ont fustigé la “partialité” de la CJR, estimant que l’ancien avocat, reçu immédiatement après sa relaxe à l’Elysée par Emmanuel Macron, “aurait dû démissionner”.

Le parquet avait requis un an de prison avec sursis contre Eric Dupond-Moretti. Le procureur général exprimait sa “conviction” que le ministre de la Justice s’était bel et bien rendu coupable de prise illégale d’intérêts, lorsqu’il a ouvert des enquêtes administratives visant quatre magistrats contre lesquels il avait fait part de son hostilité et de ses critiques lorsqu’il était ténor du barreau.

“C’est ce que le droit dictait”

La défense du ministre a de son côté affirmé qu’il “n’était coupable de rien”, insistant sur l’enjeu de la décision de la Cour de justice de la République. “Une condamnation, même la plus basse, la plus ridicule, suffirait à entraîner sa démission”, ont-ils plaidé. Leur client encourait cinq ans d'emprisonnement, 500 000 euros d'amende, une inéligibilité et une interdiction d'exercer une fonction publique.

C’est la première fois qu’un garde des Sceaux en exercice est jugé par la CJR. Pourquoi Eric Dupond-Moretti était-il accusé de prise illégale d’intérêts ? L’affaire remonte à juin 2020, en marge d’un autre dossier lié à Nicolas Sarkozy. L’ancien président, accusé de corruption et de trafic d'influence dans une autre affaire, était sur écoute téléphonique depuis 2014. Les magistrats ont cependant réalisé que l’ancien chef de l’État était au courant de cette écoute et soupçonnent l’existence d’une “taupe” qui lui aurait vendu la mèche. Le Parquet national financier (PNF) lance alors “une enquête dans l’enquête” pour repérer cette taupe, passant au crible les factures téléphoniques d'une dizaine d’avocats du barreau, dont l'actuel ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti.

L’information est dévoilée par la presse et Dupond-Moretti s’en scandalise, dénonçant une “enquête barbouzarde”. Il décide de porter plainte. Son prédécesseur à la Justice, Nicole Belloubet, lance une “inspection de fonctionnement” sur l'enquête du PNF.

Dupond-Moretti retire sa plainte quelques jours après sa nomination au poste de garde Sceaux le 6 juillet 2020. L’ancien avocat ne suspend pas l’inspection lancée par sa Belloubet, malgré de nombreuses alertes sur le risque de conflit d'intérêts. A la fin de cette inspection, il ordonne une autre enquête administrative, ciblant cette fois-ci deux magistrats chargés de l’instruction et la cheffe du PNF aux moments des faits, Eliane Houlette. Il s’agit de la première affaire pour laquelle le ministère de la Justice a été mis en examen le 16 juillet 2021, par les magistrats de la Cour de justice de la République (CJR) pour “prise illégale d’intérêts”.

Mais celui qu’on surnommait “Acquittator” est mis en cause dans une seconde affaire. Celle-ci concerne un autre magistrat. Il s’agit d’Edouard Levrault, juge d’instruction actuellement détaché à Nice, mais qui exerçant à Monaco lorsqu’il a mis en examen un des clients d’Eric Dupond-Moretti. Le ministre de la Justice a lancé une procédure administrative contre le juge, justifiant sa décision par son “choc” devant les méthodes de Levrault.

Une fois la sentence prononcée, le ministre, qui a toujours rejeté les accusations de la CJR, a quitté la salle d’audience sans aucun commentaire. Son entourage décrivait ces derniers jours un homme “serein” et satisfait de s'être "expliqué, devant les juges, pour la première fois" depuis le début de ces poursuites judiciaires. L'une de ses avocats, Maître Jacqueline Laffont, a déclaré à la presse que cette décision était “ce que l’on espérait, c’est ce que le droit dictait”.

Soulagement chez la majorité, critiques dans l’opposition

Un avis partagé par des personnalités de la majorité. François Patriat, président du groupe Renaissance au Sénat, a dressé le bilan “au positif” de Dupond-Moretti à son poste ces trois dernières années, estimant qu’il “va en sortir plus fort” tout en souhaitant que Macron “le reconduise dans ses fonctions où il a toute sa place”.

https://x.com/Anarcoluchiste/status/1729893936800379296?s=20

Le député MoDem Bruno Millienne, estime que “justice a été rendue”. Il s’est félicité d’une “une très bonne nouvelle pour le pays et pour le fonctionnement de nos institutions”. Le député Renaissance, Mathieu Lefèvre, a regretté que l’honneur d’Eric Dupond-Moretti “ait été sali pour ceux qui réclamaient sa démission”, affirmant être “plus que jamais à ses côtés pour continuer à moderniser la justice de notre pays et à renforcer la réponse pénale”.

Dans l’opposition, la nouvelle a été accueillie avec beaucoup moins d’enthousiasme. Les députés de La France insoumise (LFI) ont réclamé la suppression de la CJR, “juridiction d’entre-soi systématiquement partiale”. Pourtant, estime-t-on, le procès a “fait la démonstration implacable de la culpabilité” d’Eric Dupond-Moretti.

Arthur Delaporte, porte-parole du groupe de députés du Parti socialiste, a également critiqué le fonctionnement de la CJR, “un organe obsolète instituant un traitement différencié qui n'est plus justifié”. “Des parlementaires qui jugent un ministre, cela renvoie à l’image de l’entre-soi”, dit-il, rappelant qu’Eric Dupond-Moretti “aurait dû démissionner de ses fonctions”.

Au Rassemblement national, c’est le porte-parole du groupe à l’Assemblée, Thomas Ménagé, qui a fait part de son “respect pour cette décision”, chargeant néanmoins le garde des Sceaux, “toujours politiquement coupable de la situation d’insécurité du pays et du laxisme”.

Au sommet de l’État, c’est la Première ministre qui a pris la parole pour “se réjouir” de la décision de la CJR. "La Cour de justice de la République a rendu sa décision et relaxé Eric Dupond-Moretti. Le garde des Sceaux va pouvoir continuer à mener son action au sein de l'équipe gouvernementale, au service des Français. Je m'en réjouis", lit-on. La présidence n’a pas fait de commentaire mais Emmanuel Macron a affiché son soutien à son ministre en le recevant à l’Elysée en fin d’après-midi.

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