"Flexi" et "sécurité" : la réforme El Khomri marche-t-elle sur ses deux jambes ?

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La rédaction de FranceSoir.fr avec AFP
Publié le 19 février 2016 - 10:33
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Emmanuel Macron, Manuel Valls et Myriam El Khomri.
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"Dans l'état, j'aurai du mal à le voter", a déclaré le patron du PS Jean-Christophe Cambadélis.
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La réforme du droit du travail portée par Myriam El Khomri, dont les contours se précisent mais ne sont pas encore définitifs, sera-t-elle l'avènement de la "flexisécurité à la française" vanté par François Hollande? Voici les détails du projet présenté mercredi au Conseil d'Etat, et qui est loin de faire l'unanimité, ou peut-être contre lui, à gauche.

La réforme du droit du travail doit consacrer, selon François Hollande, la "flexisécurité à la française", mais le projet, soumis mercredi 17 au Conseil d'Etat, marche-t-il sur ses deux jambes: flexibilité des entreprises et sécurité des salariés? Et peut-il passer sans 49-3?

> Quelle souplesse pour les entreprises?

Le projet de loi, qui passera le 9 mars en conseil des ministres, répond à plusieurs demandes patronales. Mesure la plus emblématique: le texte donne la primeur aux accords d'entreprises dans l'aménagement du temps de travail, au détriment des branches professionnelles. Celles-ci ne pourront plus, par exemple, empêcher les entreprises d'abaisser la majoration des heures supplémentaires de 25% à 10%.

C'est un "changement de philosophie important", admet la ministre du Travail, Myriam El Khomri. Cela répond à l'impératif, fixé par François Hollande, de donner plus de souplesse aux entreprises pour s'adapter à la conjoncture. Réclamée par le Medef, cette mesure n'est pas défendue par l'ensemble du patronat. L'UPA, notamment, craint une pénalisation des plus petites entreprises, où des accords ne pourront pas être signés faute de représentation du personnel.

Le gouvernement accède également à deux revendications patronales sur les licenciements. Tout d'abord, le plafonnement des indemnités prud'homales en cas de licenciement abusif: ce plafond variera de 3 à 15 mois de salaire selon l'ancienneté de l'ex-salarié. Jusqu'ici, les juges attribuaient traditionnellement un mois de salaire par année d'ancienneté. Cette mesure, qui fait l'unanimité syndicale contre elle, répond à une demande de "prévisibilité" du patronat, mais une centaine de chercheurs y voient "une forme d'autorisation de licencier sans motif". Le projet de loi précise aussi les critères de licenciement économique, pour limiter les risques d'invalidation. Le président du Medef, Pierre Gattaz, réclamait une telle mesure, qui enverrait un "signal fort" de nature à redonner confiance aux entreprises pour embaucher.

Enfin, le texte instaure des référendums d'entreprises déclenchables par des syndicats représentant plus de 30% des salariés pour valider des accords minoritaires. Cette mesure doit éviter les blocages lorsque les syndicats contestataires sont majoritaires dans une entreprise.

> La réforme sécurise-t-elle davantage les travailleurs?

La création du compte personnel d'activité (CPA) est la principale mesure de sécurisation des salariés. Il réunira, à partir du 1er janvier 2017, les comptes personnels de formation (CPF) et de prévention de la pénibilité (C3P). Le CPA doit "protéger les actifs" en attachant les droits sociaux à la personne, et non au statut. Au-delà de l'assemblage de droits existants, le texte les étend, en plus des actifs du privé déjà couverts, aux fonctionnaires et aux indépendants.

Le projet de loi donne aussi droit, pour les jeunes décrocheurs, au nombre d'heures de formation nécessaire à l'acquisition d'un premier niveau de qualification et, pour les anciens du service civique, à 20 heures de formation.

Également pour les salariés, le texte sanctuarise, en préambule du code du travail, une série de 61 "principes essentiels" du Code du travail, déterminés par la mission Badinter, comme les 35 heures, le Smic et le CDI.

Mais il ne s'agit pas de droits nouveaux.

Le texte est-il acceptable pour la majorité?

A peine dévoilé, le projet de loi hérisse déjà de nombreuses personnalités socialistes, à commencer par le premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis. "Dans l'état, j'aurai du mal à le voter", a-t-il déclaré jeudi. "Ce texte-là, pour l'instant, ne montre pas son équilibre entre une flexibilité et une sécurité", a-t-il ajouté, jugeant "discutable" la réforme des licenciements économiques.

Le texte "ne passe pas" non plus pour Benoît Hamon. Selon le député PS, "ce ne sera pas une affaire de quelques frondeurs face au gouvernement, il y aura sur ce projet de loi des débats extrêmement intenses".

Myriam El Khomri est consciente que les débats seront "nourris", mais elle ne perd pas espoir de "convaincre les parlementaires de l'ambition de ce projet de loi". En cas d'échec, le gouvernement prendra "ses responsabilités", en utilisant, comme pour la loi Macron en 2015, l'article 49-3 de la Constitution, qui permet d'adopter une loi sans vote, en engageant la responsabilité du gouvernement.

 

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