L'affaire Cahuzac devant le Conseil constitutionnel

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La rédaction de FranceSoir.fr avec AFP
Publié le 07 juin 2016 - 11:39
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Jérôme Cahuzac.
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©Benoît Tessier/Reuters
Le scandale Cahuzac est l'un des plus importants du quinquennat Hollande.
©Benoît Tessier/Reuters
Le Conseil constitutionnel examine en audience publique ce mardi les questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) posées par l'ex-ministre du Budget Jérôme Cahuzac et par le riche marchand d'art Guy Wildenstein, poursuivis pour fraude fiscale. Les Sages doivent déterminer si les deux hommes seront seulement jugés pour blanchiment ou également pour fraude fiscale.

Quand un casse-tête juridique se superpose au plus grand scandale politique du quinquennat: le Conseil constitutionnel examine ce mardi 7 l'affaire Cahuzac, et plus généralement l'articulation entre répression fiscale et sanction pénale. Les "Sages", qui veillent au respect de la Constitution, examineront en audience publique à 9 heures les questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) posées par l'ex-ministre du Budget Jérôme Cahuzac et par le riche marchand d'art Guy Wildenstein, jugés tous deux pour fraude fiscale. Les procès des deux hommes ont été suspendus en attendant que le Conseil constitutionnel, qui a joint ces deux affaires distinctes, ne tranche. La décision est attendue une dizaine de jours après l'audience, à laquelle les fraudeurs présumés ne sont pas tenus d'assister. Dans tous les cas les procès reprendront, le 5 septembre pour M. Cahuzac.

Mais aux "Sages" de dire si les deux hommes et les autres personnes poursuivies seront jugés aussi pour fraude fiscale, c'est-à-dire pour avoir omis de déclarer certaines sommes. Ou s'ils seront jugés seulement pour les délits plus graves, par exemple le blanchiment, en l'occurrence le recours à des montages financiers sophistiqués. Pour les avocats de Jérôme Cahuzac et de Guy Wildenstein, il serait contraire aux droits fondamentaux que pour la seule fraude fiscale, leurs clients soient à la fois condamnés par un tribunal, éventuellement à de la prison, et sanctionnés par le fisc. Les époux Cahuzac, tous deux poursuivis, ont déjà accepté un redressement fiscal majoré, de 2,3 millions d'euros. Les héritiers Wildenstein, poursuivis pour une fraude beaucoup plus vaste, pimentée de rancoeurs familiales, se voient réclamer plus de 500 millions d'euros.

Pour simplifier, peut-être grossièrement: condamner tous ces prévenus en plus au pénal violerait, selon leurs avocats, le principe "non bis in idem" ("pas deux fois pour la même chose"). Lequel principe a été affirmé avec éclat par le Conseil constitutionnel lui-même, en 2015, dans une affaire boursière concernant le groupe EADS. Cela avait à l'époque fait grand bruit, surtout dans le petit monde des avocats d'affaires, sans commune mesure toutefois avec ce que serait une décision similaire dans le cas de Jérôme Cahuzac.

Ses aveux début avril 2013 sur son compte caché, après des mois de dénégation et alors que cette étoile montante du gouvernement pourfendait publiquement la fraude fiscale, constituent le plus grand scandale politique du quinquennat. C'est sur un terrain miné que s'engagent donc les membres du Conseil et leur nouveau président, Laurent Fabius, confronté à sa plus retentissante affaire depuis sa prise de fonctions début mars. Les avocats en sont bien conscients, qui répètent à l'envi que le droit ne saurait être guidé par l'indignation publique.

"Nous donner raison ne signifie pas que la fraude fiscale ne sera plus poursuivie", explique Me Hervé Temime, conseil de Guy Wildenstein, pour qui il est temps de mettre fin à une situation "aberrante" dans laquelle la justice et l'administration fiscale se font en quelque sorte concurrence. "Je compte sur l'indépendance du Conseil constitutionnel", glisse-t-il. Son client se serait sans doute bien passé de voir son affaire jetée dans la même lumière médiatique que celle de l'ancien ministre, dont l'arrivée au tribunal en février dernier, cerné de micros et caméras, avait presque tourné à l'émeute.

Plus largement, ces deux affaires posent la question du recours à la "QPC". Cet instrument, créé en 2008 pour favoriser l'accès de chaque citoyen aux droits garantis par la Constitution, est parfois soupçonné de détournement par les justiciables qui peuvent se payer les services des meilleurs procéduriers. "Je vois poindre un usage dilatoire de la QPC", disait récemment le Garde des Sceaux Jean-Jacques Urvoas. Catherine Champrenault, procureur général près la cour d'appel de Paris, pointait en février dans Le Figaro le risque de "guérilla procédurale" associé à cet instrument. Pour éviter de bouleverser les calendriers de tribunaux déjà surchargés, elle suggère que les QPC soient posées à la fin des enquêtes ou informations judiciaires, avant le début des procès.

 

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