Lanceurs d'alerte : l'Assemblée nationale s'apprête à poser les fondements d'une protection

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La rédaction de FranceSoir.fr
Publié le 07 juin 2016 - 21:25
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Les députés dans l'hémicycle.
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©François Guillaut/AFP
La gauche et même une partie de la droite soutiennent le texte sur les lanceurs d'alerte.
©François Guillaut/AFP
Les députés votent ce mardi 7 juin sur la création d'un statut de "lanceur d'alerte" dans le cadre de la loi Sapin II. De nouvelles protections devraient leur être apportées.

Avec pour toile de fond les affaires des Panama Papers ou des Luxleaks, les députés doivent doter mardi les lanceurs d'alerte d'un cadre protecteur en France, une avancée via la loi Sapin II, soutenue par la gauche et critiquée par certains à droite.

Antoine Deltour, qui avait fait fuiter des documents sur les pratiques fiscales de multinationales et attend de connaître la décision de la justice du Grand Duché, Irène Frachon, qui avait démontré la nocivité du Mediator, ou Hervé Falciani, à l'origine du scandale HSBC: ces lanceurs d’alerte "ont agi dans l’intérêt général", a affirmé Michel Sapin.

A l'unisson de plusieurs députés, qui ont salué le courage de ces "éveilleurs de conscience", le ministre des Finances a souligné qu'ils "ont pris des risques et en souffrent aujourd’hui dans leur vie quotidienne".

"Harcèlement, intimidations, mise au placard, licenciement" font partie de ces risques, a pointé la porte-parole des socialistes sur ce texte Sandrine Mazetier, rappelant le cas de Stéphanie Gibaud, lanceuse d’alerte dans l’affaire UBS devenue sans emploi et exposée à des poursuites judiciaires. "L’État français m’a abandonnée", avait notamment déploré l'ancienne cadre de la banque suisse.

39% des salariés qui gardent le silence le font par peur des représailles, selon un sondage réalisé pour l'ONG Transparency International France.

Le projet de loi sur "la transparence, la lutte contre la corruption et la modernisation de la vie économique" a jeté les bases d'un statut pour les lanceurs d'alerte, complété en commission à l'Assemblée après un récent rapport du Conseil d'Etat, divers exemples européens (Grande-Bretagne notamment) mais aussi des échanges avec les ONG.

"Notre pays connaît de longue date des obligations de signalement au sein des services publics et des entreprises. Mais ce n’est que très récemment qu’il s’est doté de règles ayant pour objet de protéger les lanceurs d’alerte contre les risques de représailles", via des "textes épars et incomplets", relève dans son rapport le socialiste Sébastien Denaja, plaidant pour "une protection générale et effective".

C'est le Défenseur des droits qui interviendra pour les lanceurs d'alerte victimes de discriminations, en vertu d'une proposition de loi organique PS qui sera examinée en fin de semaine.

Dès lundi soir, les députés ont reprécisé la définition du lanceur d'alerte, qui "révèle ou témoigne, dans l'intérêt général et de bonne foi, d’un crime ou d’un délit, de manquements graves à la loi ou au règlement, ou de faits présentant des risques ou des préjudices graves pour l’environnement, la santé ou la sécurité publiques".

Aux élus de gauche s'inquiétant mardi qu'Antoine Deltour en soit exclu, le ministre s'est voulu rassurant sur la "volonté" du gouvernement, tout en excluant un périmètre trop large. "Si la définition doit être reprécisée, elle le sera", selon le rapporteur.

La définition actuelle prévoit aussi que le lanceur d'alerte "exerce son droit d’alerte sans espoir d'avantage propre ni volonté de nuire à autrui".

Pas de rémunération donc sur le modèle américain des "chasseurs de primes" et exclusion des dénonciations calomnieuses.

Les parlementaires doivent aborder mardi la confidentialité des données, la protection contre les représailles professionnelles ou l'avance des frais de procédure.

Le secret des affaires, les nouvelles obligations de recueil des alertes à la charge des entreprises, des peines pour les auteurs de représailles sont aussi au menu d'amendements des groupes parlementaires.

Certains socialistes, notamment Yann Galut, défenseur de longue date d'"une protection globale" des lanceurs d'alerte, les élus Front de gauche, des écologistes critiques du gouvernement, sont en pointe pour aller plus loin.

L'UDI insiste pour concilier protection et "devoir de loyauté et de discrétion des salariés".

Quant aux députés LR, ils ne veulent pas "encourager en quelque sorte les dénonciations sans que les garanties de protection soient suffisantes pour leurs auteurs", selon leur orateur Olivier Marleix.

Loin de "l'équilibre" vanté par la majorité, le chef de file LR Christian Jacob a lancé que "tout le monde pourra s'improviser lanceur d'alerte, avec frais pris en charge".

 

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