Les agents du MI6 britannique utilisent l’IA pour “identifier” et “perturber” le flux d'armes vers la Russie, affirme leur patron

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France-Soir
Publié le 21 juillet 2023 - 10:30
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Photo de Chris Yang sur unsplash.com
"L’IA ne remplacera pas le 'besoin en espions humains', affirme Richard Moore, chef du MI6.
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ESPIONNAGE - Si l’essor de l’intelligence artificielle (IA) devait menacer de nombreux emplois, les espions, eux, n’ont visiblement pas de quoi s’inquiéter. L’IA ne remplacera pas le “besoin en espions humains”, affirme Richard Moore, chef de l’agence de renseignement britannique, communément appelée “MI6”. Dans un rare discours prononcé mercredi 19 juillet 2023 à Prague, capitale de la Tchéquie (République tchèque), il a révélé que ses agents exploitaient déjà l’intelligence artificielle pour “compromettre la livraison d’armes à la Russie”. Le diplomate a appelé l’Occident à rattraper son “retard sur ses rivaux dans la course à l'IA”, particulièrement la Chine. 

Il s’agit du second discours de Richard Moore depuis sa prise de fonction à la tête du MI6 en 2020. Peu de détails concernant cette agence ou ses opérations sont dévoilés et son chef est le seul responsable identifié publiquement en raison de son poste. Tout comme en 2021 lors de son premier discours, M. Moore a de nouveau abordé l’intelligence artificielle.  

L’Occident “lent à comprendre l’impact de l’IA” 

"L'IA va rendre l'information infiniment plus accessible et certains ont demandé si cela mettrait les services de renseignement comme le mien en faillite (...) En fait, c'est probablement le contraire qui est vrai”, a-t-il déclaré. Pour le patron du MI6, cette intelligence, inefficace quand il s’agit d’obtenir une information non publique, ne peut remplacer “les caractéristiques uniques” des agents. “L'IA parcourt l'open source mais il sera encore plus utile de cibler, avec une mouche (espion, ndlr) bien lancée, les secrets qui se trouvent au-delà de la portée de ses filets”.  

Ces “caractéristiques uniques” permettent ainsi aux espions “placés aux bons endroits d’influencer les décisions au sein d’un gouvernement ou d’un groupe terroriste”. Richard Moore plaide pour l’exploitation de l’IA et de son potentiel au lieu de parler d’un “remplacement des agents”. À ce propos, le diplomate britannique a révélé que ses agents “combinent leurs compétences avec l'IA et des données en masse pour identifier et perturber le flux d'armes vers la Russie utilisé contre l'Ukraine”. 

Mais l’évolution de cette technologie doit être, de son avis, au cœur des préoccupations des espions occidentaux. “Ils devront se concentrer davantage sur la surveillance de l’utilisation malveillante de l’IA par des États hostiles (...) Nous serons de plus en plus chargés d'obtenir des renseignements sur la manière dont [ces derniers] utilisent l'IA de manière dommageable, imprudente et contraire à l'éthique". 

Des “États hostiles” par rapport auxquels l’Occident est “en retard dans la course à l’IA”, poursuit-il, et le MI6 a “l’intention de gagner cette course avec ses alliés, pour maîtriser l’utilisation éthique et sûre de l’intelligence artificielle”. Un reproche déjà exprimé lors de son premier discours, en novembre 2021, lorsqu’il a critiqué un Occident “lent à comprendre l’impact perturbateur de l’IA”, à l’opposé de ces rivaux qui “versent de l’argent et de l’ambition”.  

“Coopérer” pour réduire l’incertitude liée à “l’avancée de l’IA” 

Richard Moore a nommément évoqué la Chine, qui constitue avec la Russie “l’un des deux axes stratégiques les plus importants” pour le MI6. Pékin tente déjà de réguler l’intelligence artificielle pour devenir, d’ici 2030, le leader mondial de cette technologie. “La Chine se concentre sur le contrôle de l’information (...) et bénéficie de volumes colossaux de données. Plus vous en avez, plus vous pouvez rapidement enrichir les outils d'intelligence artificielle”, explique-t-il. En plus des données locales, “les autorités chinoises aspirent à récolter des données à l’étranger. Elles ne sont pas très préoccupées par les questions de vie privée ou de sécurité des données individuelles. Ils se concentrent sur le contrôle de l'information et empêchent la révélation de vérités compromettantes”, explique-t-il. 

La deuxième puissance économique mondiale est également dans le viseur des États-Unis, qui espèrent contre-carrer la démarche chinoise de la réglementation de l’IA, y compris au sein de l’UNESCO. Washington a exprimé en juin son intention de réintégrer cette agence onusienne pour ralentir la Chine et son influence dans la normalisation de l’intelligence artificielle. Les États-Unis se sont d’ailleurs alliés à l’Union européenne pour mettre en œuvre un "code de conduite" commun, afin d’éviter que des standards chinois ne soient adoptés à travers le monde.  

Richard Moore a néanmoins fait part dans son discours de son “optimisme” sur la “volonté” de l’Occident en général et le MI6 en particulier de “coopérer” avec ces “États rivaux”, dont la Chine. “Nous ne pouvons pas, en toute honnêteté, être sûrs où l'avancée de l'IA nous mènera, mais nous pouvons nous lancer dans un esprit d'optimisme avec une volonté de coopérer (...) Le projet de règlement chinois sur l'IA souligne l'importance de la véracité, de l'exactitude, de l'objectivité et de la diversité. Je peux seulement dire que nous sommes d'accord. Faisons de ces belles paroles une réalité et non un slogan”, a-t-il conclu. 

L’IA a aussi suscité les craintes chez les Nations Unies (ONU). Le Secrétaire général, Antonio Guterres a appelé, le 7 juillet dernier, à mettre en place des garde-fous de façon urgente, à travers “une entité” de l’ONU. "Il est clair que l'IA va avoir un impact sur tous les aspects de notre vie". "L'IA générative a un potentiel immense pour faire le bien et le mal à large échelle", a-t-il déclaré.  

En mars dernier, des centaines de personnalités du monde de la tech, dont le milliardaire Elon Musk, ont appelé, dans une pétition, à un moratoire sur la recherche autour de l’intelligence artificielle, après la prolifération de plusieurs outils comme ChatGPt et GPT4.

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