Des enregistrements détenus par un oligarque ukrainien impliquent-ils Joe et Hunter Biden dans un scandale de corruption ?

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Gilles Gianni, France-Soir
Publié le 16 juin 2023 - 13:00
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Ted Cruz
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Capture d'écran par photographie, séance du Comité sénatorial US de la magistrature
Lors de l'audience, le sénateur Ted Cruz a interrogé Paul Abbate de façon particulièrement musclée.
Capture d'écran par photographie, séance du Comité sénatorial US de la magistrature

SOUPÇONS - Lors d'une audience du Comité sénatorial américain de la magistrature (1), datée du 13 juin 2023, le sénateur du Texas Ted Cruz a interrogé Paul Abbate, le directeur adjoint du FBI à propos de l’existence de 17 enregistrements audios portés à la connaissance de l'agence de renseignement. Ces derniers, initialement en la possession d'un oligarque ukrainien, impliquent Joe Biden et Hunter Biden dans une affaire internationale de pots-de-vin, selon Cruz et un autre sénateur, Chuck Grassley (Iowa).

Transmis au FBI par un lanceur d’alerte (2), les enregistrements auraient trait à des discussions tenues entre le président des États-Unis et son fils, avec l’oligarque Mykola Zlochevsky, co-fondateur du groupe pétrolier et gazier Burisma et homme politique ukrainien.

10 millions de dollars

Selon les informations échangées et portées à la connaissance du FBI, 5 millions de dollars auraient été reçus respectivement par les deux membres du clan Biden. Le refus de l’agence américaine de livrer davantage de détails quant aux conditions de cet éventuel transfert d’argent exaspère le sénateur Cruz.

D’après lui, le FBI, dont il regrette “la politisation” ne fait pas le nécessaire pour mettre à disposition du public les “preuves de corruption”. “Si les allégations (de corruption) sont fausses”, déclare le sénateur, le seul en capacité “de le prouver est Biden”, en exigeant que les documents soient rendus publics.

Le sénateur regrette avec véhémence que les élus démocrates n’appuient pas sa demande et que les médias “couvrent l’affaire”. Il attaque vigoureusement le comportement du FBI qui, “dans une hubris illimitée”, pense ne pas avoir “à rendre de compte au peuple américain”.

“Je n’aborderai pas ce sujet”, a répondu d’une manière laconique Paul Abatte, impassible face aux requêtes du sénateur dans le cadre d’une audience relative à la surveillance du renseignement étranger. De fait, le directeur adjoint du FBI a botté en touche à l’ensemble des questions du sénateur.

Joe, Hunter et Mykola

Quels sont les liens entre Zlochevsky et Biden père et fils ? En avril 2014, Mykola Zlochevsky nomme Hunter Biden au conseil d’administration de Burisma Holdings. En tant que directeur, ce dernier émarge à 80 000 dollars par mois.

Alors que les manifestations d’Euromaïdan viennent juste d’avoir lieu en Ukraine et ont provoqué l’éviction du président pro-Russe Viktor Ianoukovitch, le propriétaire de Burisma, député, puis ministre de l’Écologie et des Ressources naturelles entre 2010 et 2012, cherche des appuis à l’Ouest.

Une habitude qu’il a prise depuis 2002, date de la fondation de Burisma dont le siège social est à Chypre, au gré des variations politiques de la scène ukrainienne et de ses affaires : racheter les multiples exploitations pétrolières étatiques héritées de l’ex-URSS à bas prix afin de les privatiser et les faire fructifier, y compris par le truchement de montages financiers complexes et aventureux. Deux d’entre elles, Esko-Pivnitch et Pari, rachetées par Zlochevsky, se trouvent domiciliées au Delaware (États-Unis), sorte de paradis fiscal et fief des Biden, sous le nom de Sunrise Energy Resources.

Dans le cadre d’un business éminemment (géo)politique et cauteleux, la constitution d’un réseau fait espérer une forme de protection, par exemple contre des poursuites judiciaires entamées contre le groupe Burisma et la personne de Zlochevsky pour blanchiment d’argent et corruption. 

Hunter Biden n’est pas le seul à être recruté en ce sens. L’un de ses amis (3), Devon Archer, manager du cabinet d’affaires Rosemont Seneca Partners basé à Washington, intègre lui aussi le conseil d’administration. Aleksander Kwasniewski, ancien président de la Pologne, rejoint Burisma en 2014. Cofer Black, un ancien officier de la CIA, entre de même au conseil d’administration en février 2017 (quelques mois après le départ de Hunter Biden). Selon le Wall Street Journal, ce dernier aurait eu un rôle prépondérant dans le but de “persuader les procureurs ukrainiens” de cesser certaines poursuites dirigées contre les activités de Burisma.

Quand Biden se vantait d'avoir exigé le renvoi d'un procureur ukrainien

De son côté, Joe Biden, alors vice-président des États-Unis, soutient les aspirations réformistes pro-occidentales d’une partie du peuple ukrainien dans le but de favoriser les échanges politiques et stratégiques entre les États-Unis et l’Ukraine. Entre 2014 et 2016, selon ses propres dires, il se déplace une douzaine de fois sur le sol ukrainien.

En février 2015, un procureur fraîchement nommé Viktor Shokin récupère le dossier d’une enquête pour des faits de corruption, ouverte contre Burisma Holdings. Zlochevsky est sur la sellette. Joe Biden intervient directement auprès de la présidence d’Ukraine tenue par Petro Porochenko dans le but de faire limoger le procureur et de ménager l’employeur de son fils. 

Lors d’une conférence au sein du Council on Foreign Relations (CFR) en 2018, Joe Biden raconte, dans un langage fleuri et sans retenue, comment il a obtenu la tête de Shokin, en conditionnant à sa requête la promesse d’un milliard d’aide américaine.

Les enregistrements se composent de 15 sources audios de discussions entre Hunter Biden et Mykola Zlochevsky et de 2 autres, discussions entre Joe Biden et l’oligarque ukrainien. En la possession de Zlochevsky, leur utilité - présumée - pour le propriétaire de Burisma apparaît comme un potentiel moyen de pression sur le Président des États-Unis.

Alors que Donald Trump est assailli de diverses procédures judiciaires, Joe Biden pourrait lui aussi se retrouver dans la tourmente. La confirmation du contenu des enregistrements déclencherait sans délai une demande d'impeachment de la part du camp républicain.

Notes : 

(1) Le Comité sénatorial américain de la magistrature est l'un des comités les plus anciens, les plus importants et influents du Congrès.

(2) Tous deux ont fondé en 2013 BHR Partners, un fond d'investissement contrôlé par la Bank Of China Limited. 

(3) Son identité, évoquée sur les réseaux sociaux, reste à être confirmée.
 

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