La liberté de la presse se dégrade dans l'Union européenne

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La Maison de l'Europe à Paris, édité par la rédaction
Publié le 28 mai 2019 - 16:27
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Un journaliste porte un tshirt où l'on peut lire "le journalisme n'est pas un crime", à Yangoun, en Birmanie, le 28 août 2018
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© YE AUNG THU / AFP/Archives
Les violences verbales et physiques à l'encontre des journalistes dans l'Union européenne ne cessent d'augmenter.
© YE AUNG THU / AFP/Archives

Les violences verbales et physiques à l'encontre des journalistes dans l'Union européenne ne cessent d'augmenter, allant parfois jusqu’au meurtre. Depuis 2017, quatre journalistes ont ainsi été tués. Même si l'UE reste la zone où la liberté de la presse est la plus respectée, Reporters Sans Frontières (RSF) rapporte que c'est aussi celle connaissant la plus forte dégradation. Quelles solutions peut apporter l'Union européenne pour endiguer ce phénomène?

La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, dans son article 11, protège la liberté d’expression et d’information. Ainsi, ce texte assure que "La liberté des médias et leur pluralisme sont respectés". On constate pourtant qu’au sein de l’Union européenne la liberté de la presse se dégrade. RSF indique d'ailleurs que, même si l’UE reste la première zone dans le monde en matière de liberté de la presse, c’est aussi celle où l'on observe la plus forte dégradation (+1,7%). A l’instar de la Slovaquie et de Malte qui depuis 2017 chutent dans le classement, passant respectivement de la 17ème à la 34ème et de la 45ème à la 77ème place, notamment à cause des journalistes tués.  

Au sein ce classement, on constate également une grande disparité avec un écart considérable entre le premier et le dernier Etats membres. En effet, la Finlande se trouve à la 2ème place alors que la Bulgarie se situe en 111ème position, ce qui correspond à la zone rouge. Il faut toutefois préciser que la majorité des Etats membres (21) se trouvent dans les zones "bonnes" ou en "situations satisfaisantes".

> D’où proviennent ces dégradations?

Dans plusieurs Etats membres, le journalisme est devenu une profession à risque, notamment pour les journalistes d’investigation ou d’opposition. Ces derniers sont victimes de discours hostiles et haineux, et reçoivent des menaces verbales et physiques tant de la part de politiques, d’hommes d’affaires que de citoyens.

Depuis 2017, quatre journalistes ont été tué au sein de l’UE : Kim Wall (Danemark, 2017), Daphné Caruana Galizia (Malte, 2017), Jan Kuciak et sa fiancée (Slovaquie, 2018) et Lyra McKee (Irlande du Nord, 2019). Les meurtres de Daphné Caruana Galizia et de Jan Kuciak sont liés à leurs différents travaux d’investigation sur des détournements de fonds européens.

Ainsi, plusieurs journalistes qui travaillent sur la corruption voient leurs recherches entravées par des menaces mais aussi par la justice. Cela a été le cas des journalistes indépendants Attila Biro (Bulgare) et Dimitar Stoyanov (Roumain) qui ont été mis en détention plusieurs heures. Ils enquêtaient, à ce moment-là, sur des détournements de fonds européens en Roumanie et Bulgarie. Dans son rapport sur la protection des journalistes, le Conseil de l’Europe parle "d’impunité" de la justice qui, soit ne fait rien pour protéger les journalistes dans l'exercice de leur travail soit, pire, entrave elle-même leurs investigations.

Voir - RSF s'inquiète pour la liberté de la presse dans les démocraties

Le manque de pluralisme empêche aussi les journalistes de travailler correctement. Dans certains cas, les médias sont aux mains d’une personne ou d’un petit groupe d’oligarques proches du pouvoir. C’est le cas de la Bulgarie, où 80% des médias sont détenus par Dylan Peevksi ou de la Hongrie où certains journaux ont été rachetés par des proches de Viktor Orban, le Premier ministre.

Ces atmosphères délétères, causées par les stigmatisations des médias et les possibles ingérences augmentent le phénomène d’autocensure. Les journalistes se sentent menacés et, pour éviter de mettre en danger leur entourage et eux-mêmes, préfèrent se taire.

> Que peut faire l’Union européenne?

L’Union tente de rappeler à l’ordre les Etats membres sur l’importance de la liberté de presse et appelle à protéger les journalistes. Mais que fait-elle concrètement ?

En 2009 a été créé la Charte européenne pour la liberté de presse, signée par 48 journalistes de 19 Etats membres. Mais elle est restée lettre morte.

A la suite des meurtres de journalistes, plusieurs initiatives ont été créées: le "projet Daphné" regroupe des journalistes internationaux qui enquêtent sur son décès et poursuivent son travail. Le centre d’investigation Jan Kuciak a été formé pour travailler sur les affaires de corruption. A titre symbolique, plusieurs parlementaires européens appellent à former un "Prix Daphné Caruana Galiza" pour récompenser les journalistes d’investigation d’exception et à renommer le programme de stages d’investigation au nom de Jan Kuciak.

Lire aussi - Malte: le travail de Daphne Caruana Galizia repris par 45 de ses collègues

En avril, le Parlement européen a adopté la directive sur les lanceurs d’alerte. Ces derniers sont indispensables au travail des journalistes et au bon fonctionnement de la démocratie. La directive préconise que les lanceurs d'alerte ne sont pas obligés de dénoncer d’abord en interne mais peuvent le faire en "externe". Ils ne peuvent pas non plus être licenciés ou sanctionnés du fait de leurs révélations. De plus, la charge de la preuve est inversée c’est-à-dire que l'organisme ou la personne visée doit prouver qu'elle n'exerce pas de représailles contre le lanceur d'alerte.

Deux plateformes ont aussi été créées pour promouvoir la liberté de la presse et des médias et lutter contre les violations. Tout d’abord, le Centre européen pour la liberté de la presse et des médias (ECPMF), soutenu par la Commission européenne, a pour missions d’évaluer les violations contre la liberté et d'observer le maintien du pluralisme médiatique. Ce centre apporte aussi une aide juridique aux journalistes menacés. Ensuite, le Science Media-hub (ESMH) a quant à lui été soutenu et émerge d’une idée du panel du Parlement européen pour le futur de la science et technologie. Il s’agit de faire rencontrer les politiques, les médias et les scientifiques pour échanger des informations vérifiables, réfléchir aux transformations des médias et lutter contre la désinformation.

L’état de la liberté de la presse doit être pris au sérieux par l’UE car c'est aussi le reflet de l’Etat de droit qui est en jeu, comme le rappelle l'article 2 du traité de l'Union européenne. Outre les violences, la désinformation constitue aussi un frein pour les journalistes et la confiance des citoyens dans les médias. Ces derniers sont donc menacés par plusieurs éléments. Heureusement, des idées émergent pour créer des médias européens et améliorer leur qualité. Il en existe qui s'intéressent exclusivement aux informations européennes: le journal Politico Europe (anciennement European Voice), la plateforme Euractiv ou encore l'agence d'information Agence Europe qui publie le "Bulletin quotidien Europe".

(Centre d’Information Europe Direct de la Maison de l’Europe de Paris)

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