Les États membres de l’UE ne parviennent pas à un accord sur la reconduction pour 10 ans de l’autorisation du glyphosate de Monsanto, la France s’abstient lors du vote

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France-Soir
Publié le 16 octobre 2023 - 14:01
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En plus de son désherbant Roundup, Monsanto cultive également un OGM en Europe, le maïs MON810.
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MONDE - Les États membres de l’Union Européenne ne sont pas parvenus à un accord vendredi 13 octobre 2023, lors du vote de la Commission à Bruxelles sur le renouvellement de l’autorisation du glyphosate pour une période de 10 ans. L'herbicide controversé, commercialisé par la société américaine Monsanto, divise la communauté. Comme annoncé, le Luxembourg et l’Autriche ont voté contre la proposition de la Commission. La France, qui espère amender le texte et dont la position était scrutée par les syndicats et les associations environnementalistes, sanitaires et sociales, s’est abstenue. Le prochain vote aura lieu en novembre, a annoncé la Commission.

Le glyphosate, commercialisé sous la marque Roundup, est un herbicide utilisé pour éliminer les mauvaises herbes dans les cultures agricoles et les espaces publics. Le produit est depuis de nombreuses années au cœur de procès, de controverses et de débats en raison de ses impacts sur la santé humaine. Aux États-Unis, la Cour suprême a débouté Monsanto, filiale du groupe allemand Bayer, condamnée à verser 25 millions de dollars à un retraité atteint d’un cancer du sang après avoir utilisé le fameux désherbant.

Pourtant, le Roundup est toujours autorisé en Europe. La controverse sur les conséquences de son usage provient surtout des résultats mitigés des différentes études menées jusque-là. A titre d’exemple, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a classé en 2015 le glyphosate comme un "cancérogène probable" pour les humains, sur la base “des études cas-témoins d'exposition professionnelle conduites en Suède, aux États-Unis et au Canada qui ont montré des risques accrus de lymphome non hodgkinien". L’agence onusienne considérait ces preuves comme “limitées”, à l’opposé des experts qui les considèrent suffisantes pour alerter sur un effet cancérogène chez l'humain.

Aucun “domaine critique de préoccupation”

Les conclusions de l’OMS ont été corroborées en 2021 par l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), qui évoque “l’existence d’un risque accru de lymphomes non hodgkiniens”.

L’avis de la commission d'indemnisation des enfants victimes d'une exposition prénatale aux pesticides (Cievep), qui a traité le cas du jeune Théo Grataloup, atteint d’une atrésie de l’œsophage que sa mère attribue à une exposition prénatale au glyphosate, est tout aussi spéculatif. Le fonds d’indemnisation des victimes de pesticides (FIVP) “retient la possibilité de lien de causalité entre la pathologie de l'enfant et l'exposition aux pesticides durant la période prénatale” de sa mère, lui ouvrant droit à une indemnisation.

Mais la décision de Bruxelles de prolonger l’autorisation du glyphosate se base surtout sur les conclusions du rapport de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), publié en juillet. Le glyphosate ne présenterait pas de "domaine critique de préoccupation", estime-t-on. L'autorisation en cours du glyphosate, initialement d'une durée de cinq ans, a été prolongée en 2017, puis encore d'un an en décembre 2022.

La proposition de la Commission a suscité les réticences de nombreux pays de l’UE et n’a pas obtenu la majorité requise pour être adoptée. Comme annoncé, le Luxembourg et l’Autriche ont voté contre. La Belgique, les Pays-Bas et l’Allemagne, où se trouve le siège de Bayer, maison-mère de Monsanto, se sont abstenus.

Il s’agit également de la position de la France. “On a dit, depuis le début, que la proposition de la Commission telle qu’elle est formulée, dix ans sans conditions, ne correspondait pas à la trajectoire souhaitée par France depuis plusieurs années, à savoir restreindre les usages là où il y a des alternatives pour faire en sorte qu’il y ait moins de glyphosate”, a expliqué le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau.

Mercredi, le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, affirmait que les “négociations étaient toujours en cours” et que “la France pesait de tout son poids pour que la copie européenne puisse tenir compte des remarques françaises”

Les syndicats appellent à reconduire l’autorisation

L’objectif de Paris est explicite : “sortir du glyphosate”. La position, qui remonte à 2017, a vite été relativisée en 2019 par le président Emmanuel Macron. “Peut-on dire qu'il n'y aura plus de glyphosate dans cinq ans ? C'est impossible. Je ne vais pas vous mentir, ce n'est pas vrai. Si je vous disais ça, je tue complètement certaines filières", avait-il déclaré.

C’est aussi l’approche pour laquelle plaide la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), syndicat majoritaire proche de l’agro-alimentaire. Dans une lettre ouverte adressée au chef de l’Etat, le président de l’organisation, Arnaud Rousseau, a appelé l’État à voter en faveur d’un prolongement de l’homologation du glyphosate pour “préserver une agriculture plus respectueuse des sols en évitant le plus possible les labours”.

A l'opposé, des associations somment Emmanuel Macron de soutenir l’interdiction du glyphosate, car le Président peut “soit protéger l’environnement et la santé (…), soit prendre la responsabilité de permettre sa propagation dix ans supplémentaires dans toute l’Union européenne”, lit-on dans un communiqué commun de plusieurs organisations, dont Foodwatch France, WeMove Europe et Générations Futures.

La Commission, de son côté, rappelle que “les États membres auront la possibilité de restreindre l’utilisation au niveau national ou régional s’ils l’estiment nécessaire pour protéger la biodiversité”.

En plus de son désherbant Roundup, Monsanto est la seule entreprise à cultiver un OGM (organisme génétiquement modifié) en Europe, son maïs MON810, autorisé en 2017 par l’Union européenne pour une durée de 10 ans. “Privilège” que la société américaine obtient à travers les puissants lobbyistes de l’agence d’influence FleishmanHillard, dont les pratiques - comme le fichage de personnalités européennes et françaises pour lequel l’agrochimiste a été condamné - sont parfois controversées.

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