Autour de Moscou, l'immobilier grignote forêts et vieilles datchas

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Par AFP
Publié le 16 avril 2017 - 14:22
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Viktor Karatchoun devant sa maison à Vostotchnaïa Perlovka, le 16 février 2017, dans la banlieue de
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© VASILY MAXIMOV / AFP
Viktor Karatchoun devant sa maison à Vostotchnaïa Perlovka, le 16 février 2017, dans la banlieue de Moscou.
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La spéculation immobilière fait rage dans la très prisée banlieue de Moscou. Mais face à l'appétit des promoteurs, prêts à raser des centaines d'hectares de forêts et des villages entiers, la résistance s'organise.

Le cas de Vostotchnaïa Perlovka, un village de datchas au nord-est de Moscou, est symbolique. Quand les autorités ont décidé de raser 600 maisons de ce district de Mytichtchi pour y construire de grands ensembles, la mobilisation des habitants a été immédiate.

"Je ne pourrai jamais déménager dans un immeuble en béton. Ici, j'ai une grande maison en bois, un jardin avec des pommiers. Je n'ai pas de problèmes de parking. Et mes enfants peuvent passer toute la journée en plein air", confie Viktor Karatchoun, un habitant de Vostotchnaïa Perlovka.

Il a publié sur internet une pétition protestant contre la destruction de son village par un promoteur local, Zemelnye Ressoursy, et elle a été signée par plus de 2.000 personnes. Mais ni cette pétition, ni les nombreuses lettres adressées aux autorités et plusieurs manifestations n'ont permis de changer la situation.

En 2014, les habitants du village ont porté plainte et une longue bataille juridique a suivi, jusqu'à ce que la Cour suprême reconnaisse finalement en décembre 2016 que les autorités locales n'avaient pas le droit d'autoriser cette construction.

La décision de la Cour suprême est toutefois arrivée bien tard, et le promoteur n'est tenu que de modifier son plan en construisant notamment des immeubles moins hauts que prévu.

"Si ce projet est réalisé, la densité de la population dans ce district va dépasser les 13.000 personnes par kilomètre carré, soit deux fois plus qu'à Hong Kong", déplore l'avocat Andreï Ioumachev, qui a défendu les habitants.

- Moscou dévore ses alentours -

Les autorités comme les promoteurs arguent de la nécessité de tels projets. "A Moscou, il ne reste pratiquement plus de terrains libres", confie Vladimir Voronine, qui dirige un grand promoteur immobilier russe, FSK Lider.

La demande est élevée car "la région de Moscou attire les habitants d'autres régions qui veulent gagner de l'argent et faire carrière dans la capitale", poursuit-il. Et l'afflux ne s'est pas tari avec la crise économique qui a frappé le pays en 2014, dans la foulée de la chute des prix du pétrole, selon M. Voronine.

Alors que Moscou est déjà surpeuplée avec ses 12 millions d'habitants, les nouveaux venus sont prêts à s'éloigner pour acheter. La région de Moscou, 18 fois plus vaste que la capitale mais peuplée de "seulement" sept millions d'habitants, est donc une cible idéale.

Quelque 8,8 millions de mètres carrés de logements y ont été construits en 2016, dont 5,5 millions pour de grands ensembles, selon les chiffres du ministère de la Construction de la région de Moscou.

Et l'urbanisation progresse. En 2011, le territoire de la capitale russe a été multiplié par 2,4: la mégapole a englouti 1.500 kilomètres carrés au sud-ouest de Moscou.

- Les forêts disparaissent -

A six kilomètres de Vostotchnaïa Perlovka, les habitants de Stroïtel luttent, eux, contre la destruction d'une forêt de 103 hectares, Tcheliouskinski, menacée par un projet de construction.

Ils accusent l'administration locale d'avoir illégalement vendu cette forêt à un promoteur immobilier moscovite, Novaïa Zemlia, qui veut y construire un nouveau quartier de 20.000 habitants.

"Nous nous sommes installés ici pour que nos enfants respirent un air frais. Dans cette forêt, chaque arbre nous est cher", s'insurge une habitante, Maria Tiabout.

En décembre, après plusieurs plaintes des habitants soutenues par des députés, le parquet local a mené une enquête et reconnu que la loi avait été violée. Mais Novaïa Zemlia, là non plus, n'a pas renoncé à ses plans et continue à détruire la forêt.

"Les promoteurs profitent des lacunes de la législation", estime l'écologiste Mikhaïl Kreïndline, de Greenpeace-Russie. Et la destruction d'espaces naturels au profit de projets de construction est de plus en plus fréquente dans le pays, déplore-t-il.

Car "la construction immobilière est un secteur qui rapporte beaucoup, pas seulement aux investisseurs mais aussi aux autorités locales. Même si l'on exclut la corruption, qui est fréquente, ces projets remplissent les budgets locaux avec des impôts", dit l'écologiste.

"Bientôt, les gens n'auront plus de place pour se promener, ni d'air frais pour respirer..."

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