Jugé pour avoir inventé une agression djihadiste, l'instituteur relaxé

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La rédaction de FranceSoir.fr avec AFP
Publié le 12 février 2016 - 19:46
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Une allégorie de la Justice.
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L'instituteur a été jugé pour "dénonciation de crime imaginaire".
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Après avoir affirmé s'être fait agressé par un djihadiste dans sa classe, avant de reconnaître qu'il avait tout inventé, un instituteur de banlieue parisienne a été relaxé ce vendredi pour vices de procédure.

Il avait affirmé avoir été agressé par un djihadiste dans sa classe, puis avoué avoir tout inventé, avant de revenir sur ses aveux: un instituteur de banlieue parisienne jugé pour "dénonciation de crime imaginaire" a été relaxé ce vendredi 12 février pour vices de procédure. Le tribunal correctionnel de Bobigny a annulé les procès-verbaux des auditions menées par les policiers, lors desquelles le prévenu, hospitalisé sous morphine sans avoir pu demander la présence de son avocat, avait déclaré le jour même avoir tout inventé et s'être automutilé pour dénoncer l'insuffisance des mesures de sécurité à l'école.

Ces aveux, sur lesquels l'enseignant d'Aubervilliers, en Seine-Saint-Denis, était revenu dix jours plus tard, ont été jugés "non spontanés" par le tribunal, qui a frappé ainsi l'ensemble de la procédure de nullité. L'instituteur de 45 ans, en poste depuis 22 ans dans la même école maternelle, avait raconté, dans un premier temps, avoir été attaqué au cutter, au matin du 14 décembre, dans sa classe par un homme se réclamant du groupe djihadiste État islamique (EI, Daech en arabe) qui lui aurait lancé: "C'est Daech, c'est un avertissement".

"On m'avait fait changer de version car j'étais sous morphine, mais je le maintiens: j'ai bien été agressé", a réagi le prévenu à l'énoncé du jugement. "J'espère reprendre mon boulot dès que j'irai mieux", a ajouté l'instituteur, suspendu depuis les faits par l’Éducation nationale pour quatre mois. "C'est une décision logique, fondée en droit, car les procédures n'ont pas été respectées", s'est félicité son avocate Noémie Saidi-Cottier, qui avait soulevé de nombreuses irrégularités lors du procès fin janvier.

À l'audience, l'enseignant aux cheveux blancs noués en queue de cheval avait posément répété sa version initiale, mais sans réussir à convaincre le procureur de la réalité de son agression. Le prévenu avait ainsi décrit par le menu comment, avant l'arrivée des élèves, il avait été attaqué "par derrière", alors qu'il était assis à son bureau en train de faire des découpages avec un cutter, par un homme "cagoulé et ganté, en combinaison de peintre tachée".

Un "scénario irrecevable" qu'une enquête de police "fouillée" n'avait pas permis de corroborer: aucun riverain, pas même le gardien de l'école présent à cette heure matinale dans l'école, n'avait aperçu le mystérieux agresseur en tenue de peintre, avait souligné le procureur. Deux à trois mois de prison avec sursis et 1.000 euros d'amende avaient été requis contre lui. L'enseignant risquait jusqu'à six mois de prison et 7.500 euros d'amende, ainsi que la révocation de l’Éducation nationale, en cas de condamnation.

Le parquet, qui a dix jours pour faire appel, avait reproché au prévenu d'avoir créé un "traumatisme inhumain" chez les parents d'élèves, alors que le pays était sous le choc des attentats du 13 novembre à Paris et Saint-Denis. La saisine du parquet antiterroriste suivie de la visite sur place de la ministre de l'Éducation Najat Vallaud-Belkacem avait amplifié le retentissement de l'affaire qui intervenait peu de temps après la profération par l'EI de menaces contre le corps enseignant.

En mars 2012, un enseignant d'une école juive, ses deux enfants et une élève avaient été tués par le djihadiste Mohamed Merah à Toulouse. Cette agression présumée n'est pas sans rappeler l'affaire dite du RER D. En juillet 2004, une jeune femme "fragile" déclarait avoir été victime d'une agression à caractère antisémite. L'enquête avait révélé qu'elle avait tout inventé, jusqu'à se dessiner elle-même une croix gammée sur le ventre.

 

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