"Jungle" de Calais : que font les "No border" au quotidien ?

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La rédaction de FranceSoir.fr avec AFP
Publié le 04 mars 2016 - 12:48
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Le démontage des abris dans la partie sud de la jungle de Calais.
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©Philippe Huguen/AFP
Au quotidien, les "No border" aident les réfugiés en les informant sur leurs droits.
©Philippe Huguen/AFP
La présence des "No border" dans la "Jungle" de Calais alimente de nombreux fantasmes. Mais que font réellement au quotidien ces militants d'extrême-gauche prônant l'abolition des frontières et accusés par les autorités d'instrumentaliser les migrants?

La rumeur les dit partout, mais on ne les voit guère: la présence des militants "No border" dans la "jungle" de Calais alimente beaucoup de fantasmes. Si leur présence y est apparemment limitée, leur influence est réelle. Jeudi 3 mars, quatrième jour du démantèlement du secteur sud du bidonville: des bénévoles et militants associatifs mêlés à des réfugiés kurdes et iraniens sont regroupés dans le "Hashram kitchen" cerné par des policiers. Tous disent vouloir s'opposer à la destruction de cette cuisine communautaire. Bien malin celui qui peut dire s'il y a parmi eux des "No border", ces radicaux de l'ultra-gauche prônant l'abolition des frontières et accusés par la police d'instrumentaliser les migrants.

"S'ils sont là, aucun d'entre eux ne parlera à la presse, c'est l'une de leurs caractéristiques", explique Maya, figure de l'association locale L'Auberge des migrants. "On reconnaît les No border à leur air révolté, leur look révolutionnaire. Ils sont aussi capables de braver la loi". Combien sont-ils sur la "jungle"? "Une douzaine grand maximum, mais ils tournent pas mal". "Ils ont fait plein de bonnes choses à Calais pour les migrants. Ils leur parlent beaucoup, surtout de politique. Mais leur influence sur le camp est minime", assure cette égérie de la "jungle". Le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, a dénoncé mardi 1er "l'activisme d'une poignée de militants No border" pour empêcher le démantèlement de la zone sud.

"No Border, c'est un concept, une étiquette dont tout le monde joue", analyse une employée d'une ONG. Selon elle, ils alimentent leur propre mythe en jouant les clandestins. D'autres bénévoles se transforment à la nuit tombée en No border, estime-t-elle. "Il y a deux catégories de No border", relève un autre bon connaisseur de la "jungle": "les militants purs et durs, et les sympathisants, souvent des associatifs travaillant sur le camp". "Le noyau dur compte une quinzaine de personnes, 12 ou 13 Britanniques. Les autres sont des Français". Des Néerlandais ou des Allemands passent de temps en temps. "La plupart semblent issus de milieux aisés, tous sont très politisés. Ils ont souvent le soutien ou la sympathie de volontaires d'autres associations. Les relations avec les ONG, parfois accusées d'être +à la solde de l'Etat+ sont plus difficiles".

Au quotidien, ils aident les réfugiés, en leur fournissant des informations sur leurs droits. Ils les poussent parfois à la violence, tentent de les mobiliser pour des manifestations en ville ou dans le centre de Calais, selon la même source. "Au moins à deux reprises, les No border ont provoqué des mouvements de centaines de migrants vers le port ou la gare TGV en leur disant que le dispositif policier y avait été allégé". Leurs manifestations suscitent l'hostilité des Calaisiens, souligne un hôtelier. "Ils sont unanimement rejetés par les habitants de la région, qui font bien la distinction avec les réfugiés".

Proches des Iraniens, "ils ont la sympathie de pas mal de migrants, mais pas des leaders communautaires, qui connaissent leur jeu", indique une source dans le camp. "Ils ne sont pas aussi méchants qu'on veut le croire", juge Tom Radcliffe, de l'organisation Help Refugees. "Ils font parfois des choses stupides, en relayant des informations inexactes. Certains sont très jeunes et immatures. Leurs actions peuvent être contre-productives".

Les No border gravitent autour de leur "Information center", un baraquement installé derrière l'église éthiopienne. Il faut montrer patte blanche pour y pénétrer. Sur des panneaux de bois, des tracts en anglais, arabe, pashtoune et farsi appellent à ne pas évacuer le "secteur sud" du camp, ou à dénoncer les "violences racistes et policières".

Il suffit de quelques minutes devant le centre pour dissiper une grande partie du mystère et confirmer de visu qui sont les "No border" de Calais: une rouquine anglaise à bonnet violet, un trentenaire au type méditerranéen vêtu d'une épaisse doudoune noire de marque, un costaud à dreadlocks et pantalon imperméable. Effectivement, ils ne sont pas très nombreux. Mais ils sont incontestablement de bons experts de l'agitprop. Jeudi 3 à la mi-journée, une dizaine d'Iraniens se présentent, la bouche cousue avec du fil et des aiguilles, devant une forêt de caméras. Gros titres assurés. Les réfugiés aux lèvres mutilées venaient de sortir de "l'Information center". Mise en scène manifestement réussie pour les No border.

 

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