Pédocriminalité : l'Eglise examine les financements possibles pour indemniser les victimes

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Par Karine PERRET - Paris (AFP)
Publié le 17 décembre 2021 - 22:21
Mis à jour le 18 décembre 2021 - 11:16
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Depuis que l'épiscopat a accepté de recourir aux biens de l'Eglise, les diocèses examinent différentes pistes de financement, à court et à long termes. 
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© GEORGES GOBET / AFP/Archives
Depuis que l'épiscopat a accepté de recourir aux biens de l'Eglise, les diocèses examinent différentes pistes de financement, à court et à long termes. 
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Comment abonder le fonds d'indemnisation des victimes de pédocriminalité ? Depuis que l'épiscopat a accepté de recourir aux biens de l'Eglise, les diocèses examinent différentes pistes de financement, à court et à long termes.

La Conférence des évêques de France (CEF) exclut d'utiliser les dons des fidèles pour abonder ce fonds dit Selam (Secours et lutte contre les abus sur mineurs). Elle a annoncé en novembre qu'elle le financerait plutôt en se dessaisissant de biens immobiliers et mobiliers. Et commencerait par piocher dans les réserves de sécurité des diocèses.

Le fond doit être doté de 20 millions d'euros dans un premier temps, début 2022. Et dans chaque diocèse, les économes examinent des sources de financement.

- Biens de l'Eglise -

Les biens immobiliers sont d'abord "des églises construites après 1905, des salles paroissiales, des salles de patronage", rappelle Ambroise Laurent, secrétaire général adjoint chargé des finances à la CEF. Les églises et bâtiments annexes construits avant la loi de 1905 de séparation des Eglises et de l'Etat appartiennent aux communes et les cathédrales à l'Etat.

Ce patrimoine est utilisé mais "à certains endroits, ça se dépeuple et des églises ne sont plus utilisées. Il faut regarder ce qu'on peut vendre", dit-il.

Les diocèses tirent également des revenus des immeubles de rapport (maisons, appartements, hôtels particuliers, souvent reçus en legs), logés dans une société civile (SCI) ou une association immobilière. En outre, ceux qui ont du patrimoine financier, le placent dans des actions, des obligations, ou des fonds commun de placement.

"Au total, sur les revenus tirés des biens immobiliers - en dehors des églises et annexes - et des biens mobiliers, on constitue des réserves de sécurité. C'est, selon les diocèses, quelques mois à une ou deux années de fonctionnement", selon M. Laurent.

Ce sont d'abord dans ces réserves que l'épiscopat entend piocher, souligne-t-il.

- Premier versement -

Ce que confirme le diocèse de Caen-Bayeux - au deux-tiers rural - qui indique qu'il va abonder le fonds à hauteur de "70.000 euros", "issus de ses réserves propres".

"Pour le premier versement, nous avons assez de réserves", affirme lui aussi l'économe du diocèse de Paris, Jean Chausse à l'AFP. Dans ce diocèse, qui pèse pour environ 10% des ressources financières de l'Eglise de France, la première contribution "pourrait être d'environ 2 MEUR".

Ils seront déduits des quelque 9 MEUR de revenus locatifs perçus chaque année - qui servent habituellement à subventionner les oeuvres de charité ou à entretenir les bâtiments d'usage.

Le diocèse de Paris affirme en effet posséder, entre autres 72 SCI, des associations propriétaires, ou encore des organismes de gestion de l'enseignement catholique (Ogec). Il a acquis essentiellement grâce à des legs, des biens immobiliers - tels des hôtels particuliers dans des beaux quartiers - évalués, dans une enquête récente de France Inter, au total à au moins 700 millions d'euros, une "fourchette" que confirme M. Chausse.

- Vendre des biens ? -

A plus long terme, si le nombre de demandes de réparation de victimes s'avère important, la cession de biens immobiliers sera envisagée.

Le diocèse de Créteil a annoncé que la résidence de l'évêque - un pavillon acheté il y a dix ans - serait mis en vente et un "logement plus modeste" recherché. De quoi permettre de "réaliser rapidement un premier versement", a-t-il indiqué.

Le diocèse de Caen confie être "en train d'évaluer quelques biens, deux appartements qui n'ont pas d'utilité pastorale".

Avant de vendre de l'immobilier, "on peut céder des oeuvres d'art dans les sacristies" ou imaginer des "montages financiers", détaille Jean Chausse, au diocèse de Paris.

Dans la capitale, les trois quarts du parc immobilier ne génèrent pas de revenus, étant utilisés pour les missions du diocèse ou la solidarité - 28 églises, 50.000 m2 de presbytères, 90.000 m2 d'écoles catholiques. Il ne s'agit donc pas de "brader" cette partie du patrimoine. Mais "s'il faut vendre des biens, nous le ferons. Nous n'avons aucun tabou", dit Jean Chausse.

"Si l'Eglise voulait envoyer un message très fort, le plus simple serait de vendre l'hôtel particulier de l'archevêque, dans le cossu 7e arrondissement, un hôtel particulier d'une valeur de "40 M d'euros", qui provient d'un legs de plus de 100 ans d'une riche donatrice, rappelle-t-il. "On ne s'interdit rien". Selon lui, l'ancien archevêque Michel Aupetit, qui a récemment démissionné, "n'avait rien contre".

Et une cession du siège de la CEF avenue de Breteuil à Paris ? "Ce n'est pas d'actualité immédiate", affirme Hugues de Woillemont, porte-parole de la CEF. Mais à moyen terme "pourquoi pas ? C'est une question ouverte."

- Un emprunt ? -

Là encore, tout dépendra du nombre de victimes demandant réparation. "Ce n'est pas sûr qu'on en ait besoin", souligne M. Laurent. "Si jamais il y a un afflux de demandes, on se réserve la possibilité d'aller souscrire un emprunt".

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