Sortir de la cité pour aller au collège dans les beaux quartiers de Toulouse

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Par Marisol RIFAI - Toulouse (AFP)
Publié le 14 février 2022 - 19:43
Mis à jour le 15 février 2022 - 13:36
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L'adolescente Nour (g) rejoint son amie Nadej au pied de son immeuble pour prendre un bus à destination de leur collège, le 8 février 2022 à Bellefontaine, un quartier de Toulouse
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© Valentine CHAPUIS / AFP
L'adolescente Nour (g) rejoint son amie Nadej au pied de son immeuble pour prendre un bus à destination de leur collège, le 8 février 2022 à Bellefontaine, un quartier de Toulouse
© Valentine CHAPUIS / AFP

Il fait encore nuit sur les tours de la cité. Un groupe d'adolescents grimpe dans un bus. Direction: des collèges du centre de Toulouse, où un programme inédit fait sauter les barrières de la carte scolaire pour plus de mixité sociale.

"J'étais sous le choc quand j'ai appris que je devais aller au collège Emile Zola. C'est si loin de chez moi!", raconte à l'AFP Nadej, 12 ans, emmitouflée dans une doudoune noire.

Deux rentrées scolaires plus tard, la jeune fille au visage poupin a pris ses marques et rechigne moins à se réveiller avant l'aube: "Au moins j'apprends bien et ça me permettra d'avoir un bon métier plus tard".

Depuis 2017, plus de 1.100 élèves comme elle, de deux collèges de la cité populaire du Mirail, ont progressivement été redéployés dans onze établissements de secteurs favorisés de Toulouse, avec pour objectif d'encourager la mixité sociale.

Une stratégie "unique en France", résume Georges Méric, président PS du conseil départemental de la Haute-Garonne, à l'initiative du projet.

A peine arrivée au cours de technologie, son "préféré", Nadej, en classe de 5e, s'installe derrière un écran d'ordinateur à côté de deux camarades pour un exercice en groupe.

- "Emulation positive" -

"Entourés d'élèves plutôt en réussite, ces adolescents (issus du programme mixité) vont avoir tendance à se mettre dans la même dynamique", est convaincu le principal de l'établissement, Fabien Boscher, pointant une "émulation positive".

"Mais ils ne sont pas un bloc homogène, il n'y a pas un seul profil, et ils sont loin d'être tous en échec scolaire. Certains sont même excellents", tient-il à préciser.

Implantée aux pieds des tours du quartier Bellefontaine au Mirail, l'association "L'école et nous" alerte depuis des années sur "le problème de la mixité, quasi-inexistante, pas seulement dans les établissements scolaires, mais sur l'ensemble du territoire" de la cité.

"Le Mirail est une ville dans la ville. Les gens ont tout à proximité, ils vivent dans l'entre soi, ils n'ont même pas besoin de prendre le métro. Alors dire aux parents +votre enfant va faire plus de 30 min de bus+ a créé des remous au début", affirme Malika Baadoud, qui dirige l'association.

Les parents craignaient également que leurs enfants soient stigmatisés.

Mais "ils ont fini par reconnaître avec le recul que ça leur ouvrait de nouveaux horizons, même pour les stages de 3e!", dit-elle, se souvenant d'un élève qui l'a effectué chez le boucher du quartier faute d'être accepté ailleurs.

La responsable associative salue l'initiative du conseil départemental comme "radicale et courageuse".

- Copains de 07H00 à 17H00 -

Ce long combat pour le programme mixité, mené "avec obstination" par le conseil départemental avec le soutien de l'inspection de l'académie de Toulouse est, quatre ans plus tard, un "succès", estime M. Méric.

Les résultats scolaires en attestent: dans l'un des deux collèges du Mirail, fermés depuis, moins de 50% des élèves réussissaient au brevet.

"Pour la première génération de 3e à avoir participé au programme, le taux de réussite a été de 63%", se félicite le président de Haute-Garonne.

En outre, "33% des élèves de ces zones-là ont obtenu plus de 12 de moyenne au brevet alors qu'ils n'étaient que 4,6% auparavant", ajoute-t-il.

Selon M. Méric, "ce programme prouve bien que la mixité sociale est beaucoup plus efficace que d'empiler des possibilités d'éducation in situ dans les quartiers ghettoisés".

Mais pour Nadej, la mixité sociale s'arrête pour le moment aux portes du collège.

"J'ai des amis qui habitent au Busca (quartier huppé du centre-ville, ndlr), mais on ne va pas les uns chez les autres. Eux vivent comme dans les films, alors que nous, on habite dans un quartier", lance-t-elle, sourire en coin.

"Ce sont des copains 7h/17h", renchérit son amie d'enfance Nour el Houda, 12 ans, coiffée de deux épaisses tresses noires.

Vêtue d'un pantalon blanc patte d'éléphant, l'adolescente trouve que ses nouveaux camarades sont "différents et parlent souvent de choses bizarres: une fois j'ai eu un 12, pour eux c'était normal, alors que pour moi c'était beaucoup".

Selon M. Boscher, le responsable d'établissement de leur collège, l'idéal serait, à terme, une "absence de distinguo entre les élèves de la mixité et les autres".

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