Un passage en force des taxis volants au-dessus de Paris ?

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Corine Moriou*, pour France-Soir
Publié le 16 février 2024 - 13:48
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Patrice Vergriete ministre des Transports Taxis volants
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Ludovic Marin / AFP
Patrice Vergriete, nouveau ministre des Transports, imposera-t-il une hélistation sur la Seine en dépit de l’avis défavorable de l’enquête publique ?
Ludovic Marin / AFP

MONDE - A l’issue d'une enquête publique, un avis défavorable à la création d’un vertiport sur la Seine a été rendu. Mais le nouveau ministre des Transports pourra donner, ou non, son feu vert à l’expérimentation des taxis volants.

Les circuits touristiques en taxis volants au-dessus de la capitale sont sur la sellette. Ils dépendent de la création d’un vertiport, sorte d'aérodrome miniature sur la Seine. Mais cette "hélistation" au niveau de la Cité de la mode et du design a du plomb dans l’aile.

En effet, le 2 février, le commissaire enquêteur Jean-François Lavillonnière a rendu un avis défavorable sur l’installation d’une plateforme d’atterrissage et de décollage sur une barge flottante amarrée quai d’Austerlitz. Il considère que "les gains potentiellement apportés par le projet ne justifient pas les inconvénients qui seront supportés pendant l’expérimentation".

A partir du vertiport, ADP (Aéroports de Paris) et son partenaire Volocopter avaient prévu l’expérimentation des eVtol, engins à mi-chemin entre le drone et l’hélicoptère, à l’occasion des Jeux olympiques de Paris. Une vitrine d’exception permettant de faire le buzz dans le monde entier.

Dans ses conclusions, le rapport de l’enquête publique diligentée fin 2023 souligne que ces "vols commerciaux ne constitueront pas d’alternatives aux modes actuels, ni ne participeront à une décongestion du trafic." Il met en exergue "la consommation énergétique et les nuisances non nulles pour les populations survolées ou les milieux naturels", ainsi qu'un "transport élitiste" et s'inquiète d'une augmentation des "risques sécuritaires".

"Nous considérons cet avis comme une bonne nouvelle, même si l’Etat peut faire un choix différent", note Françoise Brochot, présidente d’Advocnar, l’association de défense contre les nuisances aériennes, vent debout contre ce nouveau mode de transport.

En décembre 2023, FranceSoir s’était fait l’écho de la colère des associations environnementales.

France Nature Environnement (FNE) se réjouit de cette première étape, mais il ne s’agit pas d’une victoire définitive. Aussi, elle invite à signer la pétition : "Non aux taxis volants énergivores et bruyants, non à l’expérimentation d’ADP".

Une tempête d’oppositions politiques

L’avis du commissaire enquêteur n’est que consultatif. Le nouveau ministre délégué aux Transports, Patrice Vergriete, pourra donner, ou non, le feu vert. Lourde responsabilité ! D’aucuns estiment qu’il ne franchira pas le pas.

On imagine mal que l’ancien maire de Dunkerque, figure de la gauche de la Macronie, osera affronter l’opposition d’Anne Hidalgo et du Conseil de Paris qui, en novembre, a voté à l’unanimité contre ce projet.

A moins qu’Emmanuel Macron ait imposé au ministre une feuille de route non négociable...

"Dans ce projet de taxis volants, il n’y a rien qui va, avait fustigé Dan Lert, adjoint EELV à la Mairie de Paris en charge de la transition écologique. C’est un gadget inutile, polluant, réservé aux ultra-privilégiés."

Dès septembre, l’Autorité environnementale (AE) avait jugé l’étude d’impact "incomplète", et avait demandé à ADP de revoir sa copie, mettant en cause la pollution sonore et visuelle et la consommation énergétique

Toutefois, ce contexte défavorable ne signe pas forcément la fin du projet d’expérimentation des taxis volants prévue de mai à décembre 2024.

Il ne porte, en effet, que sur l’installation d’un vertiport, au pied de la gare d’Austerlitz, qui aurait permis aux eVtol de rallier l’héliport d’Issy-les-Moulineaux avec, en prime, une vue imprenable sur la Seine et les monuments de la capitale.

Deux autres routes aériennes ne sont pas remises en question. L’une d’Issy-les-Moulineaux à l’aérodrome de Saint-Cyr. La seconde, de l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle au Bourget.

Ce sont les VoloCity, construits par la société allemande Volocopter, qui auraient l’exclusivité de réaliser ces transports expérimentaux de voyageurs. Sous réserve que ces engins volants aient reçu la certification de l’AESA, l’Agence de l’Union européenne pour la sécurité aérienne (AESA).

Un passage en force avec la loi JO

Exit les circuits touristiques en taxis volants au-dessus de la capitale en 2024 ? Les Parisiens peuvent-ils dormir sur leurs deux oreilles ?

Rien n’est moins sûr. Le 5 février dernier, Damien Cazé, directeur général de la Direction générale de l’aviation civile (DGAC), a reçu les représentants de l’Union française contre les nuisances des aéronefs (UFCNA).

Il a confirmé que les deux arrêtés ministériels portant restriction de l’exploitation de l’héliport d’Issy-les-Moulineaux étaient en cours de modification. En clair, les nouveaux textes pourraient autoriser les circuits touristiques au-dessus de la capitale.

"Si c’était le cas, nous nous y opposerons et nous serons prêts à aller devant le juge administratif", assure Dominique Lazarski, vice-Présidente de l’UFCNA. 

Et si la réglementation n’était pas modifiée dans les délais impartis ?

Un passage en force serait possible, fait remarquer un proche du dossier : "Avec la loi du 19 mai 2023 relative aux JO, des dérogations pourraient être accordées. L’héliport d’Issy-les-Moulineaux pourrait donc organiser des vols au-dessus de la capitale afin de transporter des personnalités politiques, des VIP, des sportifs, mais uniquement pendant les JO."

Nul doute que les expérimentations pourraient donc bien avoir lieu en 2024. Mais qu’entend-on par "expérimentation" ?

"Il faudrait qu’un comité d’experts indépendants établisse un cahier des charges indiquant les domaines d’expérimentation", souligne Gilles Leblanc, président de l’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA). Que veut-on tester ? Le bruit, la pollution, la sûreté de la population survolée, la sécurité des conducteurs sur la route ?"

Le collège de l’ACNUSA s’inquiète que les autorités organisatrices des transports publics ne soient pas consultées : "La situation n’est pas la même à Paris, dans la Creuse, sur la Côte d’Azur, dans les DOM. Cela suppose des réponses différentes selon les territoires", fait remarquer Gilles Leblanc.

La toute-puissante DGAC pourrait-elle être dessaisie de ce dossier, les taxis volants étant considérés comme un nouveau mode de transport urbain pour les communes survolées ?

Corine Moriou est journaliste indépendante, grand reporter.

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