Le référé-liberté pour défaut d'identification des forces de l'ordre rejeté par le Conseil d’État dans une décision prudente

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Laurence Beneux, France-Soir
Publié le 05 avril 2023 - 21:30
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AFP/Archives - BERTRAND GUAY
Le Conseil d'Etat a adopté une décision prudente.
AFP/Archives - BERTRAND GUAY

Lundi 3 avril 2023, se tenait une audience devant le Conseil d’État saisi en référé-liberté par la Ligue des droits de l’homme (LDH), l’Association des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT), le Syndicat de la magistrature (SM) et le Syndicat des avocats de France (SAF).

Ces organismes demandaient que soit enjoint au ministère de l’intérieur de prendre des « mesures renforcées » afin que toutes les forces de l’ordre encadrant les manifestations portent visiblement et lisiblement le matricule permettant de les identifier individuellement.

Le non-respect, par de nombreux membres des forces de l’ordre, de l’obligation de porter ce numéro référentiel des identités et de l’organisation (RIO), mettrait en échec des enquêtes initiées suite à des plaintes pour un usage disproportionnée de la force ou d’autres comportements répréhensibles.

Le ministère de l’intérieur et des outre-mer, qui s’opposait vivement à ce qu’une telle injonction lui soit faite, a obtenu gain de cause : les associations et syndicats requérants ont été déboutés. 

Le juge des référés constate bien que différentes pièces au dossier démontrent que « l’obligation de porter un numéro d’identification n’a pas été respectée en différentes occasions par des agents de la police nationale pendant l’exécution de leurs missions, en particulier lors d’opérations de maintien de l’ordre ». Mais il souligne aussi que les autorités hiérarchiques des fonctionnaires donnent des « instructions régulières (…) quant à l’obligation pour les agents de porter sur leur uniforme leur numéro d’identification ».  

Il reprend par ailleurs l’argument du ministère de l’intérieur qui a expliqué durant l’audience qu’il y avait d’autres dispositifs visuels permettant d’identifier les fonctionnaires intervenants. Un argument qui a été vivement critiqué par maître Patrice Spinosi qui oppose que cela équivaudrait à soutenir que cette obligation légale ne sert à rien.  

Le magistrat conclut cependant que le « défaut éventuel de port du numéro d’identification ne fait pas échec aux enquêtes et poursuites devant être engagées dans le cas de faits de nature à porter atteinte aux libertés fondamentales qui peuvent être invoquées par les requêtes. »  

Et le juge des référés rappelle aussi que s’il peut être saisi « de la carence de l’administration à faire respecter des obligations auxquelles ses agents sont soumis, il ne saurait ordonner à bref délai de prendre des mesures de sauvegarde en référé (…) que dans le cas où la carence est caractérisé et conduit, par elle-même, à ce que soit portée une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. »  

Il estime qu’il « n’apparait pas, en l’état de l’instruction, que les manquements constatés au port du numéro d’identification traduiraient une carence suffisamment caractérisée à faire respecter l’obligation en cause, de nature à porter par elle-même une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale » justifiant une injonction à l’encontre du ministère de l’intérieur.  

Autrement dit, le magistrat accorde au ministère de l’intérieur, que le non-port du RIO par nombre d'agents ne démontre pas une incapacité à faire respecter la réglementation, importante au point que des libertés fondamentales seraient mises en péril. 

On le voit, le juge marche sur des œufs. Il rejette les requêtes, en prenant soin cependant de préciser qu’il ne se prononce pas pour autant sur « la fin de non-recevoir opposée par le ministère de l’intérieur non plus que sur la condition d’urgence ». Dit autrement, si la carence de l’administration à faire respecter l’obligation du port du RIO n’est pas suffisamment « caractérisée » à ce jour, au point de porter une atteinte « grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale », il pourrait en être autrement demain, et dans ce cas, l’urgence d’une injonction pourrait être reconnue.

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