Evasion fiscale - L'Etat prêt à accepter un accord avec Google, la victoire symbolique de l'arbitrage sur les juridictions nationales

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Jean-Yves Archer, édité par la rédaction
Publié le 26 juillet 2017 - 16:29
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Le stand de Google lors du Mobile World Congress de Barcelone, le 28 février 2017
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© LLUIS GENE / AFP/Archives
L'Etat préfère renoncer au combat juridique pour essayer d'obtenir un accord.
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Le tribunal administratif a jugé illégal le redressement fiscal que la France a imposé à Google, qui pratique à outrance l'optimisation fiscale en Europe. Plutôt que de poursuivre la bataille judiciaire avec ses arguments, le gouvernement a annoncé une "transaction" pour régler le différend fiscal. Jean-Yves Archer, spécialiste des finances publiques et dirigeant du cabinet Archer, décrypte pour "FranceSoir" en quoi cette décision, où le contribuable sera sans doute perdant, est l'incarnation d'un "deux poids, deux mesures" inquiétant.

Google 1 – France 0. Telle est la situation à l'issue du jugement du Tribunal administratif de Paris qui a débouté l'Etat et plus précisément l'administration fiscale qui demandait plus d'un milliard d'euros à Google au titre d'impositions diverses.

L'optimisation fiscale des GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) et d'autres grands groupes nord-américains représente un véritable défi pour l'ordonnancement fiscal européen. Echappant à la procédure de l'abus de droit, les multinationales ont des clients chez nous mais les profits sont taxés ailleurs, notamment en Irlande où le taux d'imposition est inférieur à ceux pratiqués sur le continentCe défi constitue un manque à gagner de plusieurs milliards pour la France mais les montages sont tellement habiles que la situation en droit, c'est-à-dire en phase contentieuse, est très délicate.

Ainsi, l'Etat n'a pas décidé de porter l'affaire devant le Conseil d'Etat mais comme l'a indiqué le ministre de l'Action et des comptes publics, Gérald Darmanin, une voie transactionnelle est recherchée au motif qu'un "bon accord vaut mieux qu'un mauvais procès". De prime abord, chacun mesure évidemment le deux poids deux mesures. Si un contribuable est poursuivi par l'administration et que celle-ci est insatisfaite du jugement de premier ressort, elle fait quasi-systématiquement appel de la décision estimée imparfaite. Ici, nous voyons –à l'inverse du droit commun– une sorte de dialogue de confessionnal entre les proches collaborateurs du ministre et l'entreprise incriminée.

Ce détour hors de la stricte application de la procédure judiciaire ne cesse de se développer. Lassées par l'éventuel aléa judiciaire et par les longues durées d'instance, les parties prenantes à un litige s'en remettent à des clauses arbitrales. Les travaux de la Chambre de commerce international rapportent que ces procédures sont en voie d'extension au fur et à mesure que les contrats réunissent, chaque jour davantage, des parties de nationalités différentes. Plutôt que de se ranger aux juridictions d'un pays, c'est le système de l'ADE  – "Alternative Dispute Resolution"- qui est choisi.

Dans la plupart des cas, les praticiens chevronnés du droit y voient une forme de contournement des voies usuelles de la justice au profit d'arrangements dont la célèbre affaire Tapie a montré les limites lorsqu'une des parties a une conception pour le moins singulière de l'indépendance –et donc de la neutralité– des arbitres.

Clairement, une transaction est toujours un procédé plus simple qu'une poursuite à l'infini de toutes les voies de recours. Mais, il faut prendre garde à ce qu'une curieuse privatisation de la justice ne masque de sérieuses imperfections. Ainsi, dans le traité de libre-échange CETA (entre l'Union européenne et le Canada) ou dans l'éventuel futur TAFTA (avec les Etats-Unis), il est prévu des clauses arbitrales qui laissent songeurs car la justice est avant tout une question régalienne et non une affaire d'arrangements entre pseudo-amis.

Dans le cas de Google, un protocole transactionnel sera probablement trouvé. Pas sûr que les contribuables de France y gagnent. Parallèlement, nul ne saurait oublier qu'une transaction ne s'impose qu'aux parties et qu'elle n'a donc qu'une mince valeur de précédent et non le poids certain et crédible d'une jurisprudence en bonne et due forme.

En clair, la France a tiré au plus droit en cherchant le dénouement amiable là où le respect du chemin procédural aurait probablement davantage servi ses intérêts et aurait eu valeur d'exemple.

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