Bioéthique : selon la loi Jardé, l'IHU-Méditerranée n'a pas fait "d'essai clinique sauvage". "Nous, on a soigné nos malades." Entretien avec le Professeur Philippe Brouqui

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RP, GG, France-Soir
Publié le 11 août 2023 - 17:00
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Philippe Brouqui
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France-Soir
Philippe Brouqui expose les raisons pour lesquelles la tribune publiée par le Monde, à propos d'un prétendu "essai thérapeutique sauvage" est infondée et rappelle le contenu de la loi Jardé.
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DÉBRIEFING - Le 28 mai 2023, Le Monde publiait une tribune intitulée "Recherche clinique à l’IHU de Marseille : 'En l’absence de réaction des institutions, les graves manquements constatés pourraient devenir la norme'. Co-signée notamment par les professeurs Mathieu Molimard (Société française de pharmacologie et de thérapeutique), Alain Fischer (président de l’Académie des sciences) et l'épidémiologiste Dominique Costagliola, celle-ci soutenait l'opinion que "certains essais cliniques menés pendant la pandémie de Covid-19 par l’IHU Méditerranée Infection n’ont pas respecté le cadre juridique" en la matière et appelait "les pouvoirs publics à réagir". Selon cette tribune et ses signataires, un "grand essai thérapeutique sauvage" se serait déroulé à l'IHU. 

Mais est-ce vrai ? Le professeur Philippe Brouqui, praticien hospitalier et chef du pôle Maladies Infectieuses et Tropicales à l'Assistance Publique - Hôpitaux de Marseille (APHM) répond par la négative. Après avoir publié cette semaine un communiqué (repris à la fin de cet article, ndlr) titré "La cohorte des 30.000 patients Covid-19 n'est pas de la recherche sur la personne humaine", le professeur explique avec clarté et pédagogie dans ce Débriefing pour France-Soir, pourquoi cette accusation relayée par Le Monde n'est pas recevable, ni sur le plan du droit, ni sur le plan intellectuel, scientifique et médical. (lire la suite en dessous de la vidéo)


"La cohorte des 30.000 patients Covid-19" correspond aux 30.000 patients pris en charge par l'IHU-Méditerranée et les équipes du professeur Raoult, dans le cadre de l'exercice d'une médecine d'urgence, comme elle a pu être précisée par la déclaration d'Helsinki, qui détaille ses principes éthiques. Alors que la pandémie commençait, un traitement ayant montré des signes d'efficacité contre le Sars-Cov-2, réduisant notamment la charge virale du virus, a été proposé aux malades qui souhaitaient le recevoir.

Non, il n'y a pas eu d'essai sauvage à Marseille, mais avant tout du soin : "Ce n'est pas une recherche sur l'homme" qui a été menée et "il faut bien connaître la réglementation" avant d'accuser un établissement public de la recherche et de médecine dont la seule "intention est de soigner", rappelle le professeur Brouqui. Au cœur du débat apparaît l'interprétation de la loi Jardé.

Relire la loi Jardé

Il s'agit de la loi qui encadre la Recherche impliquant la Personne Humaine (RIPH), auparavant appelée "loi bioéthique". Elle définit ce qui est ou non de la recherche. Et l'un de ses alinéas, le n°3, est très précis : "Ne sont pas des recherches impliquant la personne humaine au sens du présent titre les recherches ayant une finalité d'intérêt public de recherche, d'étude ou d'évaluation dans le domaine de la santé conduites exclusivement à partir de l'exploitation de traitement de données à caractère personnel (...)" 

Par conséquent, il s'agit bien d'une étude sur des données collectées au cours du soin des patients et non pas d'une recherche impliquant la personne humaine telle que prévue par cet alinéa n°3 de l'article R1121-1 de la loi Jardé. Ces données ont été par la suite anonymisées et compilées sous le contrôle d'un huissier, puis disposées sur deux serveurs internationaux de façon transparente (l'un aux États-Unis, l'autre en Chine). Des téléchargements ont déjà eu lieu de la part d'autres chercheurs et scientifiques : ces résultats sont étudiés.

Si cette attaque rejoint le bataillon des attaques et critiques infondées portées contre l'IHU-Méditerranée, qui n'ont pas vu leur propos résister à l'examen des faits, celle-ci est portée à tort au sein de l'opinion publique. De fait, elle nuit à l'image de la recherche publique française. Le professeur Philippe Brouqui lance sans équivoque à ce sujet : "Qu'on nous fiche la paix, qu'on arrête de nous harceler et qu'on nous laisse faire notre travail. Nous, on a soigné nos malades. Ces derniers sont reconnaissants et leur témoignage nous est important."

  • Le communiqué du Pr Philippe Brouqui : 
Communiqué1Communiqué2

 

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