Ghana : le projet de développement du front de mer inquiète les artisans

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Par Stacey KNOTT - Accra (AFP)
Publié le 17 novembre 2018 - 10:09
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Des vendeurs de souvenirs place de l'Indépendance, sur le front de mer d'Accra le 15 juin 2018
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© CRISTINA ALDEHUELA / AFP/Archives
Des vendeurs de souvenirs place de l'Indépendance, sur le front de mer d'Accra le 15 juin 2018
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Comme toutes les grandes villes côtières de Rio De Janeiro à Nice ou Vancouver, la capitale ghanéenne Accra rêve de développer son front de mer et d'y attirer les plus grands investisseurs immobiliers.

Aujourd'hui, ce sont des bureaux du gouvernement, des habitations de fortune, un hôtel et le centre culturel qui s'étirent le long des 2,4 kilomètres de côtes de la ville.

Parmi les projets qui changeront cette physionomie, la "Route Marine" (Marine Drive Project), dirigée par le cabinet d'architecture de l'anglo-ghanéen David Adjaye, devrait coûter quelque 10 milliards de dollars pendant 10 ans de travaux, sur près de 100 hectares.

Le gouvernement assure que 150.000 emplois dans la construction ou dans l'hôtellerie pourraient être créés. Début novembre, le prince Charles, qui était en voyage dans ce pays d'Afrique de l'Ouest, s'est vu présenter les plans en grandes pompes par le président Nana Akufo-Addo.

Mais un groupe de 1.200 artisans, qui seront bientôt expulsés du site, ne l'entendent pas de cette oreille.

C'est le cas de Yussif Ayibesa, qui se tient devant le Centre culturel défraîchi et tente d'attirer les visiteurs vers son échoppe.

Il y vend des tambours, des peintures et des sculptures de bois depuis son installation à Accra en 2004. Yussif est pourtant un petit nouveau: la majorité de ses collègues sont là depuis plus de 30 ans.

Ils n'auront plus leur place au milieu des hôtels de luxe et immeubles vitrés remplis de bureaux, dont rêvent les riches habitants d'Accra.

"S'ils nous chassent d'ici, où allons-nous présenter la culture ghanéenne?", s'interroge le vendeur d'artisanat.

- Evictions -

Les projets d'urbanisme et les évictions de population qu'ils engendrent sont choses courantes dans les pays en développement, et particulièrement en Afrique.

L'Oakland Institute, un think-tank basé aux États-Unis, a recensé de nombreux cas, comme à Lagos, la capitale économique du Nigeria, où les quartiers informels laissent place aux projets de développement immobiliers pour la classe moyenne ou supérieure.

En 2010, alors que l'Afrique du Sud se préparait à accueillir la Coupe du monde de football, la mairie du Cap a expulsé des milliers de personnes, les relogeant à des dizaines de kilomètres du centre dans des baraques de tôle.

Le gouvernement du Ghana a assuré qu'il était en train de transférer ou d'indemniser les 5.000 personnes affectées par le projet Marine Drive. Il prévoit également la construction d'un nouveau centre culturel, qui devrait ouvrir ses portes d'ici deux ans, selon Akwasi Agyeman, directeur de l'agence nationale du tourisme.

"Nous voulons attirer les visiteurs des hôtels dans un nouvel endroit", a-t-il expliqué.

Mais comme souvent pour ce genre de promesses, les artisans n'ont eu aucune garantie sur le fait qu'ils pourraient s'y installer, et craignent que les prix des locations des échoppes soient bien au dessus de leurs moyens.

- Relogement -

Charles Kofi Appiah a travaillé toute sa vie dans ce marché artisanal d'Accra. Il y a 32 ans, il avait même participé aux travaux de construction des stands pour les vendeurs.

Depuis, la communauté des artisans n'a cessé de s'agrandir et l'on y vend de tout: des tissus traditionnels aux sacs en cuir en passant par des médicaments à base de plantes.

M. Appiah est président d'une des associations des vendeurs du marché et assure ainsi les négociations avec le gouvernement et les coordinateurs du projet.

Comme ses collègues, il craint de perdre tous ses revenus avec le déménagement du centre. "Les gens ne sauront plus où nous trouver", assure-t-il.

Il se réjouit des nouveaux plans d'urbanisme de la ville, mais a peur de ne pas y être impliqué et se sent déjà mis à l'écart des discussions.

Garba Abu Kassim, qui tient son échoppe non loin de là, ne trouve plus le sommeil. "La plupart d'entre nous ne sont pas contents, parce qu'on ne sait pas si on va pouvoir continuer à travailler comme on le fait maintenant", raconte-t-il. "Ça nous rend nerveux."

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