Carine Bianucci, une enfant des quartiers Nord devenue super-flic

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Par Julie Pacorel - Martigues (AFP)
Publié le 07 mars 2019 - 10:46
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Carine Bianucci le 6 mars 2019 à Martigues
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© GERARD JULIEN / AFP
Carine Bianucci le 6 mars 2019 à Martigues
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A Martigues (Bouches-du-Rhône), la brigadière-chef Carine Bianucci, 47 ans, à la tête d'une équipe de 75 personnes, s'est donné pour mission de lutter contre toutes les formes de violence: femmes battues, enfants harcelés, personnes âgées escroquées...

Dans son bureau de l'hôtel de police, cette blonde énergique qui tient à la dénomination de "brigadier-chef" reçoit un coup de fil d'un principal de collège: une jeune fille lui a confié être frappée par son père à coups de ceinturon. Carine Bianucci ordonne à ses collègues d'aller aussitôt chercher la victime afin de l'interroger puis de la faire examiner à l'hôpital. "Il faut agir vite car on ne sait pas ce qui peut se passer quand elle rentre chez elle", explique la policière, "toujours au taquet" comme elle dit.

Une heure plus tard, l'adolescente intimidée arrive entre quatre policiers, son cartable sur le dos, puis apparaît soulagée lorsqu'elle s'asseoit face à Mme Bianucci qui l'accueille avec un chocolat chaud et lui parle doucement, avec empathie : "Tu peux tout nous dire, il ne faut rien cacher mais rien exagérer non plus, juste la vérité".

La violence, Carine Bianucci l'a côtoyée très tôt dans la cité de la Castellane à Marseille où a grandi Zidane et où s'est installée sa famille au début des années 80. Sa mère, femme au foyer, a élevé seule ses sept enfants. "Je suis une enfant de la CAF [ndlr: Caisse d'allocations familiales] comme on dit", plaisante-t-elle.

Carine est l'aînée, une jeune fille "introvertie, fragile" qui se fait voler son porte-monnaie à 6 ans en allant faire des courses pour sa mère, puis son vélo, avant de connaître les insultes et les agressions des garçons.

"J'ai appris à courir vite, à prendre rapidement les bonnes décisions", raconte-t-elle, avec l'accent marseillais. Elle se passionne pour la boxe, jusqu'à un niveau national. "C'est là que j'ai commencé à côtoyer des policiers qui m'ont dit que j'avais le profil", poursuit la pétulante policière, devenue mère de deux enfants.

- "Traitez-moi comme un mec!" -

A l'Ecole de police à Marseille, Carine débarque dans un univers masculin (4 filles pour 400 garçons). Elle prend ses marques "très rapidement" grâce à sa fougue et sa bonne humeur, assure-t-elle. "L'humour gras, ça ne me dérange pas, je leur ai dit +traitez-moi comme un mec+".

Aujourd'hui la police est très féminine "mais on a toujours besoin de grands gaillards pour les interventions musclées", glisse-t-elle du haut de son mètre 63.

Elle est nommée finalement au commissariat de Martigues où elle est "aspirée" pendant treize ans par des enquêtes. "Des meurtres, des viols, des incestes, j'en ai vu passer. Avec cette expérience, aujourd'hui, je veux agir avant que ça n'arrive", affirme-t-elle.

Chaque semaine, elle parcourt Martigues en tenue, arme à la ceinture, de collèges en associations de quartier ou foyers de personnes âgées. Elle monte des saynettes avec des acteurs pour expliquer aux "petits vieux comment ne pas se faire escroquer", ou encore parle avec des ados "porno et pratiques sexuelles".

"C'est une stratégie de partenariat avec les médecins, les acteurs scolaires, les services sociaux, qui est payante", salue un de ses collègues.

"Elle a conquis le coeur de tous, grâce à sa personnalité hors du commun !", s'enthousiasme Thierry Le Cavorzin, principal du collège Henri Vallon où Mme Bianucci est intervenue à plusieurs reprises. "A tel point que des équipes du Conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance nous ont demandé d'assister à ses interventions", explique encore le principal.

Ce mercredi, il a demandé à la police d'envoyer une patrouille à la sortie de son établissement. Une mère s'inquiétait des menaces reçues par sa fille par "un groupe de jeunes qui l'avait avertie qu'ils l'attendraient pour en découdre".

Au commissariat, Mme Bianucci travaille aussi à l'accueil des publics "fragiles". Une femme battue passe sept fois devant le commissariat avant d'oser porter plainte, dit-elle. "Quand on sait ça, il faut absolument empêcher celles qui entrent de ressortir, en formant les agents à l'accueil de ces femmes".

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