Réchauffement climatique : dans le Roussillon, des vendanges toujours plus précoces

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Par Alexandre PEYRILLE - Rivesaltes (France) (AFP)
Publié le 13 août 2020 - 14:38
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Vendanges à Espira-de-L'Agly, dans les Pyrénées-orientales, le 12 août 2020
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© Lionel BONAVENTURE / AFP
Vendanges à Espira-de-L'Agly, dans les Pyrénées-orientales, le 12 août 2020
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"On vendange de plus en plus tôt, et ça m'inquiète. C'est la première fois de ma vie que je vendange un 5 août", confie Pierre Ruelle, après la pesée d'une remorque de muscat dans les Pyrénées-Orientales.

"Là c'est très précoce. Nous récoltons depuis la semaine dernière dans des vignes que nous vendangeons habituellement entre le 15 et le 20 août. Et tous les cépages sont en avance, c'est clairement un effet du changement climatique", constate Jean-Pierre Papy, le patron de la cave coopérative Arnaud de Villeneuve de Rivesaltes, qui produit du vin doux naturel, des AOC Côtes du Roussillon et IGP Côtes catalanes.

Chaque année, les vendanges dans la vallée de l'Agly, inondée de soleil 300 jours par an, sont les premières de France. D'abord les cépages de vin blanc sec. Selon le ministère de la Transition écologique, "en moyenne, les vendanges ont lieu 18 jours plus tôt qu'il y a 40 ans" en France et l'avancée de la date des récoltes est "un marqueur efficace du réchauffement climatique"

Dans une de leurs parcelles à Espira-de-l'Agly, village voisin de Rivesaltes, Cécile et Jean-Marie Dereu, s'affairent en compagnie d'une vingtaine de vendangeurs sous un ciel nuageux, qui leur donne un répit après des jours de canicule.

"C'est la première fois que je vois une chose pareille, et je suis dans les vignes depuis l'âge de 17 ans. Quand j'étais jeune, on commençait les vendanges en septembre. J'ai envie de prendre ma retraite mais, dans ma famille, personne ne veut reprendre, les jeunes ils préfèrent rester dans des bureaux plutôt que de faire un travail de force", peste Jean-Marie Dereu, issu d'une famille de vignerons.

Coiffé d'un bandeau, malgré ses 68 ans, il travaille sept jours sur sept, et s'inquiète du rendement de ses vignes.

"C'est une année en dessous de la moyenne, on a eu tellement de pluie au printemps, catastrophique, on a été dévastés par le mildiou (un champignon). Normalement, la Tramontane souffle et ça sèche les vignes, mais cette année, pas de vent. Et maintenant, c'est presque la sécheresse. Cette année, on va perdre de l'argent", dit-il en montant sur son tracteur.

- Météo "atypique" -

Sur certaines parcelles, il n'y a presque pas de raisin à récolter en raison du mildiou. "On a des conditions climatiques atypiques cette année", résume Jean-Pierre Papy, qui anticipe 13% de baisse de chiffre d'affaires en 2020.

La hausse des températures est telle qu'il aimerait pouvoir irriguer les vignes, en prélevant de l'eau dans les nappes phréatiques de la vallée de l'Agly, selon lui abondantes.

La température parfois caniculaire du mois d'août complique la tâche des vignerons qui doivent livrer un raisin le plus frais possible. Les vendanges à la machine se déroulent de nuit, et les parcelles sont récoltées dès le lever du jour, entre 07h00 et 12h00, pour éviter que le grain ne monte en température.

Dans son laboratoire à Rivesaltes, l’œnologue Anne Tixier observe le bouleversement "perturbant" du rythme des vendanges, et s'attend à ce que la hausse des températures soit "préjudiciable" pour la production viticole.

"On va voir remonter des cépages d'Espagne et faire du vin en Angleterre", dit-elle en goûtant les premiers jus de raisin du millésime 2020 de muscat petit grain, avec l'arôme citronné habituel.

L'évolution climatique l'invite à la réflexion. Doit-on continuer d'utiliser les mêmes cépages? Faut-il recourir à des cépages hybrides?

"On constate une avancée des vendanges depuis 30 ans, on ne peut pas nier les effets du changement climatique. C'est inquiétant, il faut avoir une réflexion pour les années à venir, il faudra peut-être envisager d'autres cépages pour s'adapter à l'évolution climatique".

Pierre Ruel, un des plus de 200 vignerons de la coopérative, installé à Salses-le-château, ne sait plus sur quel pied danser, tant l'horizon est incertain. "Ce serait plus rentable de vendre les vignes que de les travailler", déplore-t-il. Mais même à 70 ans, la passion continue de le pousser à poursuivre l'exploitation de ses vignes.

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