En Provence, le traditionnel gâteau des rois remporte la couronne
Même dorure, courbe charnue, et pourtant aucun ne se ressemble: à Apt, en Provence, le boulanger Laurent Chaisse juge les galettes et gâteaux des rois sur "le visuel, le goût et la texture" à l'occasion d'un concours gastronomique de l'Epiphanie.
Cette année, à cause des restrictions sanitaires liées à la pandémie de Covid-19, le public n'est pas de la partie, mais la grande salle des fêtes de la petite ville du Vaucluse ne manque pas de vie: une dizaine de personnes s'activent entre les trois longues tablées servant de présentoirs aux pâtisseries reines du mois de janvier.
Vainqueur du prix du meilleur gâteau des rois un an plus tôt, Frédéric Portigliatti place chaque dessert sur une balance, s'assurant qu'ils correspondent au cahier des charges du concours.
Un malencontreux gâteau a déjà été éliminé, pour ne pas avoir un poids compris entre 340 et 450 g. Sa farce et sa parure de fruits confits, ses airs de couronne, n’ont pas suffi à le garder en lice.
Après la pesée, le jury, constitué d’un professionnel et d’un amateur aux papilles expertes, déguste les réalisations des 25 artisans et des 13 apprentis concourant à la 13e édition de l'Epiphanie du Vaucluse, organisée par le Groupement des artisans boulangers et pâtissiers.
En France, deux grandes écoles s'affrontent, selon les régions: la galette de pâte feuilletée, fourrée ou non de frangipane, et le gâteau des rois provençal, brioche garnie de fruits confits.
A Apt, même si le concours récompense les deux catégories, on donne la préférence à la brioche car en Provence-Alpes-Côte-d’Azur, "on suit la tradition", certifie Laurent Chaisse, un des organisateurs.
Il précise qu'"une bonne brioche est aérée. Elle doit avoir bien levé et donc son jour n’est pas trop apparent. Si les fruits confits ont macéré dans l’alcool, c'est un autre monde".
Frédéric Portigliatti confirme également l’importance de la garniture réalisée souvent avec "du melon ou des écorces d'orange".
Cette année, les artisans ont innové "avec de l'angélique (une plante vivace), très locale. L’ananas et le kiwi (confits) sont également tendances en ce moment", glisse Sylvain Girardeau, commercial d’Apt union, entreprise spécialiste en fruits confits, qui en produit 10.000 tonnes par an.
- "Lien social" -
Fête chrétienne qui tombe le premier dimanche de janvier, l'Epiphanie ou fête des Rois, célèbre la visite des Rois Mages à l'enfant Jésus. Ce jour-là, on partage la galette à l'intérieur duquel se cache une fève ou une figurine de céramique. Le chanceux qui la trouve devient "roi" ou "reine".
"On ne mange pas simplement un gâteau", explique Jean-Pierre Poulain, sociologue de l’alimentation au CNRS, à propos de l'engouement toujours vivace pour cette pâtisserie ancienne.
"C’est une tradition qui forme un rituel et crée du lien social. Celui qui est roi doit faire un contre-don, ce qui conduit à un autre partage. On parle aussi d’insertion au sein d’un groupe, avec la main innocente, celle du plus jeune, qui distribue les parts", ajoute-t-il.
Raisons pour lesquelles la consommation de gâteaux des rois dans le Vaucluse ne semble pas avoir baissé, malgré la hausse de 30% du prix du beurre, entre septembre et décembre 2021, selon le Centre national interprofessionnel de l’économie laitière (Cniel).
La saison représente pour certains professionnels "30 % de leur chiffre d’affaires rien que le mois de janvier", précise Thierry Despeisse, président du Groupement professionnel des artisans boulangers pâtissiers du Vaucluse.
Remporter un concours représente un coup de pouce. Le vainqueur de l'édition 2021, Frédéric Portigliatti, a ainsi gagné des clients originaires "des Bouches-du-Rhône, mais aussi du Japon".
Cette année, dans la catégorie "gâteau des rois", le pâtissier Denis Petit et son apprenti Mathis Vincent, de Coustellet, dans le Luberon, ont remporté le premier prix.
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