Covid 19 : Le Maroc, réveil du lion de l'atlas ?

Auteur(s)
Chadi Rhanja Benamor et FranceSoir
Publié le 02 mai 2020 - 14:49
Mis à jour le 04 mai 2020 - 11:53
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Maroc Lion de l'atlas
Crédits
S Scholz Wendy Corniquet de Pixabay
Covid 19 : Le Maroc, réveil du lion de l'atlas ?
S Scholz Wendy Corniquet de Pixabay

ANALYSE : La crise du COVID19 permet au monde d'ouvrir les yeux sur les divers modèles de gestion. En ces temps de crise, bien des gouvernements se sont laissés dépasser par le coronavirus et par ses répercussions peu prévisibles. Le Maroc s'en sort bien mieux que certains et devient même un modèle.

Le Maroc impressionne non seulement la communauté internationale, mais aussi les Marocains. Cette gestion est due à deux facteurs: les expériences étrangères et le facteur temps d'un côté, de l'autre la modernisation et digitalisation des institutions marocaines qui étaient silencieusement en cours. Le COVID19 a permis de lever le voile sur les différentes actions menées par le Maroc.

Le facteur temps et la réponse furent rapides: la majorité des pays qui peinent à gérer le COVID19 n'ont pas eu, ou pris, le temps de bien se préparer. Au Maroc, le danger du COVID19 a été ressenti en observant la propagation du virus en Italie. Les vols en provenance de l'Italie et des pays les plus touchés étaient contrôlés, chose impossible à faire au sein de l'Union Européenne puisque les frontières sont ouvertes. Au moment où COVID19 a envahi l'Europe, le Maroc a décidé de fermer ses frontières et de gérer la pandémie en interne.

Le social est le moteur de la solidarité ! À la différence des pays vivant des tensions internes, des vidéos d'agents d'autorités et d'hommes en uniforme furent transmises à la population. 

Un quadrillage du pays par le Makhzen (bureau du ministère de l’Intérieur) composé des Mkadems de quartier (chefs de quartier en tous genres) a permis de faire passer le message même dans les campagnes, de vérifier si le message était bien passé. Les Mkadems de quartier expliquaient les règles du confinement et donnaient les autorisations de sorties. Les récalcitrants se sont frottés aux autorités (police et armée à Casablanca).

Les Marocains ont compris qu'ils étaient UN et que l'agent d'autorité est avant tout un citoyenAu-delà des mesures de chômage partiel, il y a eu des aides aux plus démunis et aux travailleurs indépendants et du secteur informel. Des associations, des célébrités ont pris en charge des familles en difficulté, ainsi que des agents d'autorité venant en aide aux personnes qui ne pouvaient pas payer leur loyer. Le Maroc a montré son côté humain et solidaire.

Le financement de la crise a été sans compromis: pour financer les mesures prises et équiper les nouvelles unités hospitalières créées, le Roi Mohammed 6 avait annoncé la création d'un fonds appelé à réunir 1 milliard d'euros. En quelques jours, 3 milliards ont été réunis avec la contribution des établissements publics, des grandes entreprises, des fortunes, des hauts fonctionnaires, des personnalités publiques et des citoyens.  De plus, différentes initiatives privées ont été lancées: achat d’équipements pour les hôpitaux, campagnes de solidarités ou aussi des associations qui ont rempli leur rôle d'acteur citoyen.

Une information et médiatisation simple et claire sans polémique. Le Maroc a pris le choix de la transparence, de ne pas donner de faux espoirs et de tout simplement exposer la situation comme elle est. Les médias, au cœur de la stratégie communicative, ont laissé de côté la polémique.

Seuls le ministre de la Santé, de l’Economie et des finances, de l’Industrie se sont exprimés, les autres ministères ont été priés de ne pas communiquer. Pour montrer l’exemple, le premier ministre lui-même s’est très peu exprimé. Les remontées d’informations sur la réalité du terrain se sont faites par les hauts fonctionnaires qui en ont référé directement au palais royal et au Makhzen. L’information n’étant pas diluée, le roi et son cabinet avaient tout de suite un point réel de la situation.

Les équipements médicaux identifiés comme le souci à résoudre. En un temps record, le nombre de lits de réanimation fut doublé, financé par le fonds COVID19.  La production nationale de masques, de blouses et les appareils a permis l’autonomie du Maroc en cette période d’enchère et pénurie mondiale. De plus, des unités hospitalières ont été montées en quelques jours; par exemple un hôpital militaire à Benslimane et encore un hôpital de 700 lits à la foire de Casablanca. Toutes ces mesures proviennent de l’évaluation réelle des stocks et d’une information juste de la situation. Une fois les cartes en main, la filière textile a été immédiatement réquisitionnée. Toute autre production a été interdite. La vente libre des masques a été ouverte le 5 avril 2020. Les prix ont été fixés par décret le 2 avril à 2 euros les 10 masques. Le fonds COVID a permis de plafonner ces masques à 0,80 centimes les 10. Un autre point intéressant est le partenariat public-privé: la distribution des masques dans les épiceries a été confiée entre autres, dans les régions reculées, à la Centrale Laitière Danone, qui comme Coca Cola dans les pays en voie de développement, possède un excellent réseau de distribution au Maroc (sans doute le meilleur).

Le conseil de veille économique a pris plusieurs mesures afin de soutenir l'économie nationale et de rassurer le tissu économique:
- Le report d'échéances de crédit et de leasing,
- Le chômage partiel,
- Le report des déclarations et paiement de l'impôt,
- Le report de paiement des cotisations sociales,
- Des lignes de crédit avec une garantie d'état.

Les entreprises au cœur du dispositif permettent de produire et d’innover: au cœur de la pénurie mondiale de masques, les entreprises de textile marocaines appuyées par le Ministère de l'Industrie ont pu fabriquer 5 millions de masques par jour, respectant les normes internationales.  D’autres ont conçu des appareils respiratoires en faisant le choix de la coopération internationale avec des appareils pour le Maroc, le Brésil et le Portugal. Cela permet des prix bas à moins de 200€ par appareil. D'autres entreprises se sont spécialisées dans la désinfection par portique pour équiper les hôpitaux et les établissements publics. Enfin, il y a celles qui ont pu innover avec le MIDADMasque Intelligent de Détection Automatique à Distance du COVID19.

Le Maroc a mis en place, à l’image des Etats Unis avec la procédure accélérée de Moderna Therapeutics, un système accéléré express de brevets. Le masque intelligent est dans sa phase de tests et parle d’une première production avec un investisseur marocain dans les deux ou trois semaines à venir et une industrialisation prévue pour le mois de septembre, selon les résultats des tests.

La force du Maroc est d’avoir conservé, pour son marché intérieur trop petit et son marché africain plus grand mais moins rentable, une industrie. Ce qui n’est plus toujours le cas en France. Enfin, le Maroc n’est plus « européo-dépendant ». Les accords avec les Etats-Unis, la Russie, la Chine, le Moyen Orient font qu’en cas de besoin, le pays peut se tourner vers des partenaires diversifiés.

L'éducation et maintien des cours ont tenu compte des inégalités: les établissements scolaires et universitaires assurent des cours à distance. La question d'inégalité a été traitée en amont car bien des gens n'ont pas les outils ou accès à internet: les cours sont diffusés à travers une chaîne publique.

Le Maroc de l’après se prépare dès maintenant avec la prise de conscience des changements importants qui arrivent et vont continuer dans le monde. Bien des changements vont affecter le prochain monde des relations internationales aux comportements régionaux. Avoir engagé le débat sur l’après coronavirus est d’une grande lucidité car il permet à l’intelligence collective de prendre sa place dans l’élaboration du monde d’après. Anis Birou évoque les pistes suivantes comme étant importantes dans le débat collectif: le stratégique sectoriel, la santé, une école sans murs, la recherche scientifique et l’innovation, le rôle du télétravail, la cohésion sociétale, la lutte contre la précarité, la réhabilitation du service public et pour finir la politique.

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