Le renseignement américain contredit Trump sur sa politique étrangère

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Par Francesco FONTEMAGGI et Paul HANDLEY - Washington (AFP)
Publié le 29 janvier 2019 - 20:42
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Le chef du renseignement américain Dan Coats et la directrice de la CIA Gina Haspel mardi 29 janvier 2019 lors de leur audition au Sénat américain sur leur évaluation annuelle des grandes menaces mond
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© SAUL LOEB / AFP
Le chef du renseignement américain Dan Coats et la directrice de la CIA Gina Haspel mardi 29 janvier 2019 lors de leur audition au Sénat américain sur leur évaluation annuelle des
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En dressant son tableau annuel des grandes menaces mondiales, le renseignement américain a contredit mardi Donald Trump sur des axes majeurs de sa politique étrangère, de la Corée du Nord à l'Iran en passant par le retrait de Syrie.

La diplomatie souvent impulsive du milliardaire républicain a déjà ébranlé de nombreux alliés des Etats-Unis depuis son arrivée à la Maison Blanche il y a deux ans. Auditionnés par le Sénat, les chefs des grandes agences du renseignement ont apporté mardi de l'eau au moulin des ses détracteurs.

Le décalage est net au sujet des négociations avec la Corée du Nord, présentées par le président américain comme un des grands succès diplomatiques de la première moitié de son mandat.

"Nos évaluations continuent de montrer qu'il est peu probable que la Corée du Nord abandonne toutes ses armes nucléaires", ses missiles et "ses capacités de production", écrit le directeur du renseignement Dan Coats dans un rapport transmis au Congrès américain.

Malgré la suspension des essais nucléaires et balistiques "depuis plus d'un an" et "le démantèlement réversible de certaines parties des infrastructures", "nous continuons à observer des activités non compatibles avec une dénucléarisation totale", ajoute-t-il.

Une analyse à des années-lumière de l'autosatisfecit du président juste après son sommet historique du 12 juin à Singapour avec Kim Jong Un. "Il n'y a plus de menace nucléaire de la part de la Corée du Nord", avait-il claironné.

Cette conclusion hâtive avait déjà été relativisée par son administration, mais celle-ci continue d'affirmer que le dirigeant nord-coréen s'est engagé en faveur d'une "dénucléarisation définitive et entièrement vérifiée" de son pays.

Or Dan Coats relève qu'à Singapour, le numéro un de Pyongyang n'a évoqué noir sur blanc qu'une "dénucléarisation complète de la péninsule coréenne", une formulation incluant l'exigence que les Etats-Unis mettent fin à leurs déploiements et exercices militaires dans la région.

- L'EI reste une "menace" -

Depuis, les négociations se sont enlisées. Selon le chef du renseignement américain, le régime juge toujours les armes nucléaires "indispensables" à sa "survie", et n'est donc prêt qu'à des "mesures de dénucléarisation partielle" en échange de "concessions-clés", notamment la levée des sanctions.

Les mises en garde du renseignement arrivent à un moment crucial: Donald Trump et Kim Jong Un doivent se retrouver vers la fin février, probablement au Vietnam, pour un deuxième sommet déterminant pour la suite du processus.

"D'ordinaire, un président confronté à des analyses du renseignement qui contredisent la politique de la Maison Blanche aurait été inquiet, ou alors satisfait de connaître d'autres opinions", a commenté sur Twitter l'ex-diplomate Aaron David Miller.

"Aujourd'hui, cela risque de provoquer une guerre avec la communauté du renseignement ou des accusations de déloyauté", a-t-il ajouté, rappelant de précédents différends au sujet des ingérences russes dans l'élection de 2016 aux Etats-Unis, minimisées par Donald Trump malgré les conclusions de ses agences.

Une autre crise nucléaire fait l'objet d'une analyse gênante pour la diplomatie américaine: selon la directrice de la CIA Gina Haspel, l'Iran respecte toujours "techniquement" l'accord conclu en 2015 pour l'empêcher de se doter de la bombe atomique, dont les Etats-Unis se sont pourtant retirés l'an dernier.

Et si "les Iraniens envisagent" dernièrement de "prendre leurs distances" avec ce texte, a-t-elle noté, c'est en raison de l'absence de retombées économiques, Washington ayant rétabli des sanctions draconiennes contre Téhéran après son retrait, qui avait suscité la colère des alliés européens des Etats-Unis.

L'annonce impromptue du retrait des soldats américains de Syrie, en décembre, a également semé un certain désarroi chez les alliés européens et kurdes des Etats-Unis, ainsi que dans les rangs républicains du président. Motif invoqué par Donald Trump: les jihadistes du groupe Etat islamique (EI) ont été vaincus.

Là aussi, l'analyse du renseignement diffère largement.

L'EI "contrôle encore des milliers de combattants en Irak et en Syrie", a estimé Dan Coats. "Si on a éliminé le +caliphat+" mis en place par l'organisation jihadiste, "à l'exception de quelques petits villages, nous ne devons pas sous-estimer les capacités des groupes terroristes, notamment l'EI", a-t-il insisté.

Selon lui, "l'EI continuera à représenter une menace pour les Etats-Unis" -- une mise en garde lourde de sens pour un président qui a fait de la "protection des Américains" le maître-mot de sa politique étrangère.

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