A Saint-Ouen, un café pour "se réapproprier" un quartier miné par le deal

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Par AFP
Publié le 10 juin 2017 - 20:02
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Photo prise le 1er juin 2017 de la devanture du Joli Mai, un café ouvert par les habitants pour "se
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© Myriam LEMETAYER / AFP/Archives
Photo prise le 1er juin 2017 de la devanture du Joli Mai, un café ouvert par les habitants pour "se réapproprier" un quartier de Saint-Ouen miné par le deal
© Myriam LEMETAYER / AFP/Archives

"Ca tourne ! Ca tourne !" Les cris des guetteurs rebondissent d'une rue à l'autre, annonçant l'arrivée de la police. Sans égards pour les écoliers qui font leurs devoirs à quelques mètres, dans un café ouvert par les habitants pour "se réapproprier" un quartier de Saint-Ouen miné par le deal.

Derrière les baies du café donnant sur le petit carrefour du 8-Mai-1945, les enfants ne prêtent guère attention au manège des "choufs", ces gardiens de la tranquillité du deal dans l'un des sept principaux points de vente de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis).

Voisine de Paris et desservie par le métro, la ville de 50.000 habitants est un haut-lieu de la vente d'herbe et de résine de cannabis en Ile-de-France. Et le secteur du 8-Mai-1945 "reste très actif malgré les enquêtes diligentées", constate une source judiciaire.

Un guetteur tourne en Vélib'. D'autres sont calés sur des chaises. Leurs habitudes ont à peine changé depuis l'ouverture en début d'année du Joli Mai, un café né de la mobilisation de parents d'élèves de l'école voisine.

En novembre 2015, une grenade fumigène est découverte par la police dans un arbre devant l'école Alexandre-Bachelet, les démineurs sont appelés, les élèves confinés pendant une heure. C'était la "cerise sur le gâteau", se remémore Andrea Pécoul, l'une des neuf membres du conseil d'administration de l'association à l'origine du Joli Mai.

L'angoisse des parents se mue en sursaut : ne pas fuir, mais "se réapproprier" ce quartier de petites copropriétés et de maisons de ville, déserté par les commerçants malgré la proximité de la mairie.

"Ce sont les vieilles méthodes des dealers d'occuper un espace, de le rendre glauque en faisant fermer les établissements afin qu'ils soient les seuls à tenir le terrain", déplore le maire UDI William Delannoy, qui n'attendait "que ça, qu'on fasse revivre la place du 8-Mai".

L'édile remet à l'association les clés d'une ancienne brasserie dont le patron s'était trouvé dépassé face au trafic et rachetée par la municipalité afin d'éviter qu'un "ponte du deal" ne s'en empare.

- Eviter les recrutements -

L'ouverture, prévue à l'automne 2016, est retardée quand une partie du faux plafond s'effondre, sous l'effet d'une fuite venant de l'appartement du dessus.

"Et dire qu'on pensait que le problème ça allait être les dealers !" rigole Matthieu Peignoux, également membre de l'association.

Le Joli Mai est au rez-de-chaussée d'un immeuble délabré, cible des marchands de sommeil et susceptible de servir de planque aux trafiquants.

"J'habite dans le quartier depuis six ans, je ne pensais pas que ça existait à côté de chez moi", glisse le bénévole, estimant que leur venue a eu le mérite d'assainir certains appartements insalubres.

Mais leur mission s'arrête là, insistent les fondateurs du Joli Mai : ils n'entendent pas chasser ni même gêner le trafic, juste "recréer de la vie", un lieu ouvert, proposant ateliers poterie, soirées jeux ou soutien scolaire.

"L'objectif est avant tout social", répète Andrea Pécoul, qui aspire à l'"égalité des chances" pour les enfants du secteur.

Ce jour-là, huit écoliers font leurs devoirs, épaulés par trois tuteurs. En difficulté d'apprentissage, parfois livrés à eux-mêmes après la classe, ils ont été orientés par l'école élémentaire.

Le directeur de l'école Eric Rossi salue le "boulot monstrueux" abattu par l'association et l'ambition de donner de nouvelles perspectives aux enfants.

En somme, éviter que les petits ne se fassent happer par le trafic. "J'ai déjà eu un élève de CM2 guetteur, d'autres qui rentrent dans le rayon du deal" en traînant avec les dealers le soir ou en allant leur chercher des sandwiches, relate Eric Rossi.

Le directeur n'a qu'un bémol. Le Joli Mai, monté "par les bobos du coin", doit encore "toucher les autres tranches de population" de cette banlieue populaire.

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