Chez les étudiants, faire une thèse perd de son attrait

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Par Lucie LEQUIER - AFP
Publié le 28 juillet 2023 - 08:45
Cet article provient directement de l'AFP (Agence France Presse)
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F. Froger / Z9, pour FranceSoir
F. Froger / Z9, pour FranceSoir

DÉPÊCHE — Moins de thèses ? Ces travaux au long cours dans lesquels s'engagent des étudiants détenteurs d'un bac+5 attirent moins de jeunes qu'auparavant, notamment dans les filières scientifiques, en raison de salaires plus attractifs dans le privé et d'un manque de débouchés à l'université.

"Le doctorat offre la possibilité d'approfondir ses études, le temps de se former à certaines techniques, de participer à des congrès...", estime Naomi Nieswic, 24 ans, doctorante à l'ICGM, laboratoire de rechercher de Montpellier en chimie et science des matériaux. Même si "le salaire (1.600 euros net par mois financés par une start-up) reste le gros point noir".

En 2022, 15.719 étudiants se sont inscrits en première année de thèse dans les 295 écoles doctorales françaises, une baisse de 4,1% par rapport à la rentrée précédente, indique une note de juin du service statistique (SIES) du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche.

"Il est trop tôt pour parler de tendance", relève auprès de l'AFP le ministère. Le nombre de nouvelles inscriptions retrouve en effet son niveau de 2019 — l'année de la pandémie avait enregistré une chute de plus de 15%.

Pour la totalité des années de thèse, 70.697 étudiants préparaient un doctorat en 2022 et le nombre de diplômés a augmenté de 1,9% sur la même période (13.852 en 2022).

La légère baisse du nombre de nouveaux inscrits cache des disparités entre les matières.

La filière biologie, médecine et santé a attiré 2,2% de nouveaux inscrits en 2022. À l'inverse, "les mathématiques et leurs interactions (-10,1%), la chimie et science des matériaux (-14,7%), ainsi que les sciences agronomiques et écologiques (-13,1%) subissent particulièrement cette désaffection", constate le SIES.

Il note aussi un recul des inscriptions en sciences humaines et sociales en 2022 (de 5,5% par rapport à 2021 et de 15 % par rapport à 2019).

"Pas une plus-value"

Pour les étudiants titulaires d'un master dans les filières scientifiques, il "peut être beaucoup plus intéressant et attractif de travailler tout de suite dans une entreprise privée, avec un salaire souvent très important par rapport à celui d'une thèse ou d'un chercheur", explique Antonin Marquant, doctorant en biochimie et président de la Confédération des jeunes chercheurs.

Valider son doctorat en mathématiques appliquées "n'aurait pas apporté une plus-value exceptionnelle" sur le marché du travail à Elli Tessier, 29 ans, qui a arrêté en 2021 sa thèse à l'École des Mines de Paris, après des difficultés liées à la période du Covid. Aujourd'hui, l'ex-thésard travaille pour une société de conseil en Belgique, où "l'expérience dans la recherche est plutôt bien vue, davantage qu'en France".

Près de 8 étudiants sur 10 inscrits en première année de doctorat en 2022 bénéficiaient d'un financement selon le SIES — et la quasi-totalité des thésards en sciences expérimentales. Les doctorants sans contrat doctoral (donc sans financement) sont souvent contraints de combiner travaux de recherche et activité rémunérée.

Travailler sur une thèse prend plusieurs années : plus de trois ans pour deux tiers des docteurs diplômés en 2022, selon le SIES.

Les diplômés peuvent ensuite continuer en post-doctorat et devenir enseignant-chercheur ou chargé de recherche. Mais "l'enseignement supérieur et la recherche, publics ou privés, recrutent peu et mal ces dernières années", regrette Christophe Bonnet, secrétaire fédéral du Sgen-CFDT en charge de l'enseignement supérieur et de la recherche.

En dehors de l'université, le doctorat reste difficile à valoriser, selon le président de France Universités, qui rassemble les présidents des facs publiques : "Il faut que dans les entreprises et les grandes administrations, les compétences des docteurs soient reconnues, et que les plus hauts postes leur soient accessibles", insiste Guillaume Gellé, qui craint pour l'avenir de la recherche en France.

Promulguée en 2020, la loi de programmation de la recherche visait déjà à renforcer l'attractivité des carrières scientifiques en France, avec une enveloppe de près de 650 millions d'euros consacrés aux hausses de rémunération, répartis sur sept ans, et davantage de possibilités de promotions.

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