A Sarcelles, discussions à bâtons rompus entre lycéens et policiers

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Par Maryam EL HAMOUCHI - Sarcelles (AFP)
Publié le 17 février 2022 - 20:34
Mis à jour le 18 février 2022 - 19:04
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Un agent de la police de la sécurite du quotidien en patrouille dans Sarcelles, au nord de Paris, le 3 février 2021
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© ALAIN JOCARD / AFP/Archives
Un agent de la police de la sécurite du quotidien en patrouille dans Sarcelles, au nord de Paris, le 3 février 2021
© ALAIN JOCARD / AFP/Archives

Dans le parking souterrain du commissariat de Sarcelles, jeunes et policiers se font face. Pas d'infraction, lycéens et force de l'ordre discutent, apprennent les uns des autres. "Vous allez contrôler les voitures au hasard?", demande sans détour Ismaila, encore marqué par une récente interpellation.

"Soit, il y a une infraction, soit il n'y a pas de motif", lui répond Clément, policier depuis six ans dont quatre dans l'équipe de motocyclistes de Cergy-Pontoise, dans le cadre d'un programme associatif.

"C'est ça qui énerve les gens, y'a pas de motif", lui rétorque Ismaila.

Avec une dizaine d'élèves du lycée de la Tourelle de Sarcelles (Val-d'Oise), il participe au programme "Ma cité va dialoguer", lancé par l'association Graines de France, avec l'objectif de combattre les stéréotypes qui minent les relations entre policiers et jeunes issus des quartiers populaires.

Séance de boxe, rédaction de nouvelles, visite du commissariat... durant dix mercredis, les lycéens rencontrent des fonctionnaires.

Ismaila, déjà contrôlé une dizaine de fois à 17 ans, profite de la visite pour raconter sa récente interpellation, à un arrêt de bus, alors qu'il retournait dans son établissement après la pause déjeuner.

Après 24 heures de garde à vue à Sarcelles, une veste déchirée et la lèvre ouverte, la plainte pour "outrage" des policiers a été classée sans suite "grâce aux caméras de surveillance de la ville", raconte ce jeune habitant de Villiers-le-Bel.

- "C'est des méchants" -

"Tu peux avoir une mauvaise expérience avec un fonctionnaire mais c'est pas pour autant que tous les fonctionnaires sont mauvais", avance Clément. "Il y a peut-être des policiers qui vont passer une mauvaise journée", confrontés à des personnes violentes, poursuit-il, assurant ne pas avoir d'a priori.

Droit dans ses baskets, Ismaila écoute attentivement le policier. "C'est convaincant", juge-t-il.

Derrière lui, Abdoulaye se retourne et lance avec spontanéité "je la connais cette voiture ! C'est des méchants", alors qu'un véhicule de la BAC s'engouffre dans le parking.

Avec Rayane, son camarade de Seconde STI2D (Sciences et technologies de l'industrie et du développement durable), Ismaila suit la major Virginie Mouillard, correspondante scolaire du commissariat, pour une visite des cellules de garde à vue.

Le lieu est étroit, d'anciens occupants ont gravé leur nom ou celui de leur quartier dans le béton gris. Rayane raconte une rixe dans son quartier, impliquant des amis.

"Si une personne de mon lycée frappe quelqu'un, je ne vais pas appeler la police parce qu'elle va savoir que c'est moi qui ai appelé", avoue l'adolescent.

"Mais tu te rends complice", lui répond Virginie Mouillard.

"Ce truc-là des représailles, on peut pas l'éviter", reprend Rayane.

Pour Réda Didi, fondateur de l'association Graines de France, "c'est toujours utile d'avoir des gens qui se parlent, de créer des ponts", se remémorant une "journée moto avec la police qui l'avait marqué à vie", alors qu'il était encore ado à Meaux (Seine-et-Marne).

"Il n'y avait pas de questions taboues....", se réjouit-il.

- Cliché du "jeune Sarcellois délinquant" -

Sept semaines plus tôt, Ismaila, Dilhan et Lucia enchaînaient crochets droit et gauche lors d'une séance de boxe au lycée, en compagnie de Hugo, policier, lesté de son gilet pare-balle pour l'occasion.

"Mon métier ne concerne que 5% de la population sarcelloise qui a des soucis. Il faut essayer de ne pas tomber dans la généralisation du jeune Sarcellois délinquant", confie ce fonctionnaire de 26 ans, en poste depuis un an, "d'autant plus quand on vient de Bretagne où c'est la seule image qu'on a".

Autre atelier, dans le CDI de ce lycée général et professionnel qui accueille 1.200 élèves, des élèves planchent sur la rédaction de nouvelles sur ...."les liens entre la police et la population".

"On n'est pas là pour leur dire +voilà quoi penser+ mais juste les amener à s'interroger", explique l'écrivain Mabrouck Rachedi. "A partir de l'imaginaire on voit beaucoup de représentations", note-t-il.

Réda Didi aimerait faire de ces récits une pièce de théâtre et assure que "passer par des outils culturels, le sport, la libération de la parole, ça efface la fonction de l'individu et ça humanise la personne qu'on a en face".

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