Comment l’industrie pharmaceutique a vendu son âme… Acte III

Auteur(s)
Dr Violaine GUERIN pour FranceSoir
Publié le 25 juin 2020 - 12:55
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Coronavirus paper
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Pixabay
Manipulation des publications scientifiques
Pixabay

Voici la troisième et donc dernière partie de l'histoire du parcours d'un médicaments. 

Retrouvez la première partie et la seconde partie

 

LancetGate et NewEnglandGate : focus sur la manipulation des publications scientifiques

Par le passé, la langue française était la langue de communication des scientifiques et la presse médicale française avait pignon sur rue. Elle est aujourd’hui quasiment inexistante, y compris dans le registre des publications en langue anglaise, ce qui est très en défaveur des équipes de recherche françaises.

La presse médicale, comme la presse généraliste, est aujourd’hui aux mains d’industriels et de fonds de pension, ce qui conduit aux dérives comme celles observées pendant la pandémie, à savoir la publication d’articles imposés par les éditeurs, soit dans des pseudo-circuits de reviewing, soit hors procédure.

Au-delà de cela, c’est tout le circuit des publications qui a été perverti, devenant un business extrêmement lucratif où il est nécessaire de disposer de fonds pour que votre publication soit visible, là où par le passé vous postiez votre article à une revue qui vous renvoyait gracieusement un avis et le publiait sans contrepartie s’il était jugé scientifiquement utile.

A titre d’exemple, vous avez aujourd’hui la possibilité de référencer un article dans le système « doi » moyennant un droit d’entrée et une allocation annuelle. Si vous êtes une revue, vous avez intérêt à disposer d’un « impact factor » et donc à payer la société en charge de ce service.  Si vous êtes une structure de recherche française qui souhaite maintenir une dotation de l’Etat, vous avez besoin de rendre compte d’un certain nombre de paramètres et vos chercheurs ont intérêt à collecter un maximum de points « Sigaps », entre autres, à partir de publications à haut impact factor... Certaines revues touchées par la crise du papier et des circuits open source, demandent des honoraires pour soumettre un article, officiellement aussi pour permettre une plus grande indépendance.

Bref, cela veut clairement dire que si vous ne pouvez souscrire à tous ces financements et/ou disposer d’appui dans les revues, vous aurez aujourd’hui beaucoup de mal à publier, à moins de disposer d’un sponsor qui le fera à votre place…

Pire, pendant la crise COVID-19 on a clairement assisté et continue d’assister au blocage de publications desservant les intérêts de certaines industries.

Cela remet en cause l’indépendance des personnes mandatées pour analyser les articles (reviewers) et souligne les conflits d’intérêts.

La presse médicale doit se ressaisir pour être crédible et être également représentative des différents pays. A l’instar du classement des meilleures universités du monde, une presse asiatique est en train de se mettre en place, peut-être cela va-t-il assainir le milieu. En attendant, le système des « preprints » donne une certaine visibilité à des travaux de recherche condamnés par des revues ayant pignon sur rue, dont certaines ont gravement terni leur image avec des rétractations d’articles explosives pendant la pandémie.

 

Citoyens reveillez-vous ! Votre Santé est au coeur de conflits d'intérêts majeurs. 

L’industrie du médicament doit revenir au service de la santé des citoyens et les spéculateurs doivent aller jouer ailleurs.

La rentabilité a conduit à de graves dérives, poussant l’Etat français jusqu’à s’immiscer dans la liberté de prescription des médecins, une première !

On peut se questionner sur nombre de sujets, je n’en citerai que deux pour faire réfléchir les lecteurs de cet article : le vaccin contre la grippe et les hypocholestérolémiants que sont les statines.

Madame Sylvie Briand de l’OMS a affirmé sur un plateau télé où je me trouvais qu’il allait falloir vacciner les gens contre le coronavirus, qu’ils n’arriveraient pas à s’immuniser et qu’en plus il faudrait revacciner tous les ans car les anticorps obtenus par la vaccination ne seraient pas durables. Outre le fait de terroriser les gens, comment cette dame, trois mois après l’identification du génome du virus, pouvait-elle faire toutes ces sombres prédictions avec en corollaire une injonction subliminale de vaccination qui plus est annuelle. Je l’ai bien sûr confrontée sur le sujet.

Les vaccins sont assurément une facette utile de l’arsenal thérapeutique, mais il faut les utiliser avec justesse.

Quelqu’un a-t-il réfléchi deux minutes pour savoir si vacciner tous les ans contre la grippe (pour laquelle on ne fait au demeurant aucune sérologie de dépistage), est pertinent, quand on revaccine avec exactement les mêmes souches depuis plusieurs années ? Quelqu’un a-t-il réfléchi à pourquoi nous avons dû détruire pour 400 millions d’euros de vaccins contre la grippe H1N1 lors de la crise du même nom ? A mon sens, parce que les deux années antérieures, on avait vacciné une grande partie de la population avec précisément un fragment de ce virus H1N1 dans le vaccin antigrippal classique…

Deuxième exemple, celui des statines, prescrites, à juste titre, dans le traitement des hypercholestérolémies mais, de façon plus discutable, en « prévention » des risques cardiovasculaires chez des patients normocholestérolémiques. En vingt ans, on a assisté à une révision drastique des normes des taux de cholestérol, officiellement en raison des tableaux établis par les sociétés d’assurance. Quelqu’un s’est-il penché sur les conséquences de ces taux de cholestérol particulièrement bas chez nombre d’hommes traités ? Pour mémoire, le noyau cholestérol est à la base de la synthèse des hormones stéroïdiennes, dont la testostérone, et cet abaissement excessif provoque chez certains patients des andropauses précoces, entraînant fatigue, troubles de la libido et autres complications dont personne ne se soucie.

Il convient donc de remettre de la compétence et surtout de la lucidité sur les manipulations que nous subissons tous pour changer la situation.

J’en veux pour exemple ce professeur lançant sur un plateau télé n’avoir jamais touché d’argent de l’industrie en ajoutant « pas même un croissant », et dont les déclarations d’intérêt culminent à 3941 euros. Certes, petit montant eu égard aux centaines de milliers d’euros de certains chefs de service ayant copieusement nié les résultats d’études non dénuées d’intérêt scientifique dans le traitement en phase précoce des patients atteints de COVID-19 et menées dans un contexte particulièrement difficile. Pire, ces chefs de service font, pour certains, partie du conseil scientifique et/ou du Haut Conseil de Santé Publique ou du Comité CARE et ont contribué à des avis versatiles ayant mis en danger la santé des citoyens.

Une nouvelle Organisation Mondiale de la Santé doit voir le jour, citoyenne, et non pilotée par les conflits d’intérêt.

Les Etats et leurs représentants doivent être au service des citoyens et non être les agents de groupes d’influence ayant pour seul objectif le profit.

Les médecins doivent être prudents, réaliser ce qu’il se passe et ne pas se ruer sur les nouveaux médicaments, sauf urgence thérapeutique. En effet, en l’état actuel de la recherche, il faut entre 3 et 5 ans pour se faire une idée de la tolérance d’un médicament dont la pharmacovigilance a été bâclée.

Les médecins doivent exiger que la pharmacovigilance post AMM soit correctement organisée et que le travail qui leur est demandé lors des déclarations d’événements indésirables (souvent plusieurs heures, voire plusieurs jours de travail) soit rémunéré afin que les médecins ne sous-déclarent pas les problèmes par manque de temps, et ce même si la création des centres régionaux de pharmacovigilance a contribué à améliorer la situation.

La pharmacovigilance est un métier nécessitant beaucoup de compétences, rarement réunies puisque le profil idéal de l’enquêteur requiert presque un double profil médecin + pharmacien, peu commun !

La pharmacovigilance doit se poursuivre sur des années, car les effets toxiques à long terme sont méconnus en début de mise sur le marché. Ceci est d’autant plus crucial que, dans certains cas, on se met à manipuler dangereusement le fonctionnement du corps humain, comme c’est le cas par exemple avec les anticorps monoclonaux dont certains entraînent, à terme, leucémies, lymphomes et cancers.

L’examen clinique, c’est-à-dire l’examen physique du patient, doit rester au cœur de la recherche, sans nier l’indiscutable intérêt de nombres techniques d’investigation. La télémédecine n’est pas une bonne idée, en particulier pas en R&D. On a vu les dégâts de cette médecine et du « restez chez vous », là où de nombreux patients eussent pu être correctement traités et orientés après une auscultation qui aurait révélé une atteinte pulmonaire ou un frottement péricardique.

Remettons de la qualité dans la médecine, même si cela coûte cher : le retour sur investissement se mesurera à travers le « capital santé » des citoyens.

Arrêtons de fabriquer des e-docteurs élevés aux technologies et aux big data et apprenons la sémiologie aux étudiants en médecine afin qu’ils sachent faire la différence entre des complications liées à des troubles de la coagulation et une pneumopathie.

Cette crise du coronavirus a un avantage, celui de donner à toutes et tous l’occasion de réfléchir à nombre de dysfonctionnements. Les citoyens français doivent mesurer à quel point la destruction de leur système de santé depuis des années a rendu la gestion de cette crise complexe et conduit l’Etat à décréter un confinement qui aurait dû concerner les seuls sujets malades.

Cette crise a révélé des carences multifactorielles et beaucoup d’incompétence. Certains, sidérés, ont brandi l’explication complotiste et d’autres les ont ridiculisés, sans accepter de voir la masse de conflits d’intérêts qui a été démasquée.

En ce qui concerne l’industrie pharmaceutique, assurément, il y a eu convergence d’intérêts entre multiples acteurs à décrédibiliser un traitement mettant en danger leur business plan, chaque émergence de nouvelle maladie infectieuse étant un marché de plus à conquérir, que l’on fabrique des vaccins ou des médicaments.

Or, en situation d’urgence, la pratique d’une médecine de terrain, centrée sur le soin, utilisant des traitements disponibles et dont les données de pharmacovigilance étaient connues, revêtait tout son sens et sa légitimité.

 

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