Santé : les bienfaits et les dangers de la numérisation des données personnelles

Auteur(s)
JmC
Publié le 08 juillet 2015 - 19:09
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Metropole Nice Côte Azur Matinale Eco 08.07.2015
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©Maurice Houzard/MNCA
La 7e "Matinale Eco" de la Métropole Nice Côte d'Azur a eu lieu mercredi 8 juillet.
©Maurice Houzard/MNCA
Les nouvelles technologies permettent de rassembler sur des supports numériques quantité de données personnelles, notamment en matière de santé. C'est une avancée considérable pour les individus, mais cela peut être aussi un danger en matière de confidentialité, ont souligné mercredi plusieurs experts réunis par Virginie Atlan en la Maison de la Métropole Nice Côte d'Azur à Paris.

Le numérique, l'informatique, les objets connectés, les nouvelles technologies: aujourd'hui collecter et rassembler des données personnelles en matière de santé est devenu très facile. Mais cette "santé connectée" pose des problèmes juridiques quant à la protection de ces données, pour faire face au risque que celles-ci ne bénéficient pas de la confidentialité à laquelle chacun a droit.

"La technologie dédiée à notre parcours de vie: prospective et limite de mise en œuvre": c'était le thème, mercredi 8 juillet, de la 7e "Matinale Eco" de l'antenne parisienne de la Métropole Nice Côte d'Azur (MNCA), en partenariat avec FranceSoir (et à suivre sur Twitter sous le hashtag #MatinaleecoMNCA). Chaque mois cette antenne parisienne, ouverte fin novembre par Christian Estrosi, président de la MNCA, réunit des chefs d'entreprises, décideurs, experts, innovateurs, fondateurs de start-up, responsables de collectivités locales, d'entreprises privées ou publiques, d'associations, principalement dans le domaine du numérique et des nouvelles technologies.

"On a la morale de notre évolution technologique. On a la santé de notre évolution technologique", a souligné en préambule Michèle Anahory, avocate spécialisée dans le droit de la santé au cabinet DLA-Piper. Aujourd'hui l'évolution technologique permet de surveiller sa santé, de renforcer ainsi la médecine préventive, de rassembler son dossier médical sur des supports virtuels. Mais se pose alors "la question de l'usage de ces données et de leur confidentialité, et se construit dès lors le spectre du Big Data dont les risques comme les bienfaits ne peuvent plus être ignorés".

Egalement avocate spécialisée dans le droit de la santé, Jeanne Bossi, qui fut experte des systèmes d'information de santé pendant 18 ans à la CNIL (Commission nationale de l'informatique et des libertés) et secrétaire générale de l'ASIP-Santé (Agence des systèmes d’information partagés de santé) de 2009 à 2014, a elle aussi reconnu que "la e-santé (…) apparaît comme un formidable levier de qualité, de sécurité et d'efficience des soins, bien identifié par les pouvoirs publics". Grâce aux données personnelles, on surveille sa santé avant de tomber malade: "Avant, le soin produisait de la donnée. Maintenant, la donnée produit du soin", a-t-elle souligné. Mais "les données personnelles de santé qui permettent d'identifier un individu sont toujours susceptibles de révéler l'intimité de la vie privée et, à ce titre, le droit doit continuer à leur reconnaître un statut particulier et imposer le respect de règles ayant pour objectif de garantir la confidentialité", a poursuivi Jeanne Bossi, favorable à une redéfinition de la notion d'"équipe de soins", pour chaque patient, une notion aujourd'hui très restrictive dans le Code de la santé publique.

Plus généralement, on assiste à une "mutation profonde du système de santé", de plus en plus inadapté aux besoins actuels de la population et aux progrès technologiques, a renchéri le gériatre Olivier Guérin, adjoint au maire de Nice chargé de la santé. Aujourd'hui les maladies aiguës, dont on mourrait jadis, deviennent des maladies chroniques, et le numérique doit permettre de remplacer les interventions à l'hôpital par de la médecine ambulatoire et personnalisée, de la prévention, de la surveillance, des soins à domicile –autant de voies qui permettent d'économiser de l'argent. Cette surveillance et cette médecine personnalisée nécessitent la collecte de données personnelles pour lesquelles se posent les questions de confidentialité et de prises de décisions, a-t-il souligné.

Dans ce domaine, la Métropole Nice Côte d'Azur se veut un des pionniers. Elle a facilité la création en 2010, par l'Université de Nice Sophia-Antipolis et par le CHU de la ville, du Centre d’innovation et d’usages en santé (CIU-Santé), une association loi 1901 qui propose à des industriels et des scientifiques d’expérimenter, d’évaluer et de qualifier des solutions innovantes pour la santé à domicile et l’autonomie. "Comment apporter des réponses concrètes en matière de bien-vieillir et d'autonomie à domicile" est l'un de ses objectifs, a souligné son président Stéphane Schneider, et, "au-delà, comment accompagner les personnes âgées dans leur vie de tous les jours, dans la cité, dans leur rapport aux autres".

Renforcer la médecine préventive et la prise en charge de sa propre santé: c'est l'objectif de la société Ignilife, qu'est venu présenter son PDG Fabrice Pakin. Il s'agit d'une plate-forme web de "coaching santé", sur laquelle un premier questionnaire permet de faire un bilan de son état de santé. Dans un deuxième temps, en fonction des réponses, des programmes sont proposés pour surveiller et améliorer sa santé. Ce service n'est pas proposé directement au public, il est vendu à des sociétés d'assurance qui, elles, le proposent à leurs clients, dans un souci de plus grande efficacité de la prévention et de renforcement de la proximité. "La prise de conscience est un élément majeur" d'une bonne prévention, a souligné Fabrice Pakin. Mais le risque existe que des compagnies d'assurance se servent, à terme, de ces données personnelles de santé pour moduler leurs cotisations en fonction des risques, comme elles le font déjà pour les assurances auto (bonus-malus) ou comme le font certaines banques pour les prêts immobiliers.

La start-up Sanoïa, créée en 2010, s'adresse, elle, directement au public. Elle propose une fiche personnelle de santé anonyme et gratuite, a expliqué son co-fondateur, Adam Selamnia: l'utilisateur crée son fichier en quelques clics, en répondant à une série de questions, et est orienté ensuite sur des programmes, conseils et sites sérieux –validés par des professionnels de santé– qui lui permettent de trier le vrai du faux dans la jungle des sites de santé sur Internet. Le système "permet à toute personne de suivre sa santé, stocker ses données essentielles et contribuer à la recherche médicale", et "s'adresse à toute la population et particulièrement aux personnes fragiles et atteintes de maladies chroniques". C'est aussi "un outil de la relation patient-médecin" (les données peuvent être consultées par le second si le premier lui donne son code), mais "son côté anonyme est extrêmement rassurant" pour ses utilisateurs, a ajouté Adam Selamnia, qui assure que l'hébergeur du site et la confidentialité des données ont été agréés par le ministère de la Santé et la CNIL.

Deux autres chefs d'entreprise sont venus présenter des innovations de pointe en matière de santé dans cette 7e Matinale. Christophe Bianchi, PDG de Feeligreen, a expliqué comment sa start-up, aux frontières de l'électronique et de la médecine, propose aux laboratoires pharmaceutiques des techniques de traitement de la douleur et des thérapeutiques innovantes en matière de soins préventifs de l'escarre, d'arthrose, de dermatologie. Installée dans la métropole niçoise, Feeligreen a par exemple développé des patches médicaux qui font office de "seringues intelligentes sans aiguille", les molécules de produits traitants étant diffusés à travers la peau, grâce à des innovations technologues.

Enfin Guillaume Fromental, PDG de Drive Implants, société lyonnaise créée en 2008, a présenté une innovation technologique en matière de soins dentaires: des implants nouvelle génération permettant de gainer et d'isoler le titane des implants classiques, qui ont l'inconvénient de "larguer" ce titane dans le corps humain (par libération de ses ions) au bout de 30 ou 40 ans et sont donc, à long terme, néfastes pour la santé. Ces nouveaux implants, de fabrication 100% française, ont aussi l'avantage d'être 50% moins chers, ce que peuvent répercuter les chirurgiens-dentistes sur leurs honoraires.

(Retrouvez ci-dessous la playlist des interventions)

 

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