A Versailles, les vendeurs à la sauvette en deuil après la mort de l'un des leurs

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Par Anne LEC'HVIEN - Versailles (AFP)
Publié le 06 mai 2018 - 11:57
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Un vendeur à la sauvette promène ses grappes de Tour Eiffel deavnt le château de Versailles en 2013
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© KENZO TRIBOUILLARD / AFP/Archives
Un vendeur à la sauvette promène ses grappes de Tour Eiffel deavnt le château de Versailles en 2013
© KENZO TRIBOUILLARD / AFP/Archives

"C'est très dur, c'est la tristesse": les vendeurs à la sauvette près du Château de Versailles sont en deuil après la mort récente d'un des leurs, renversé par un fourgon de police alors qu'il tentait d'échapper à un contrôle.

Tour Eiffel miniatures ou foulards dans les bras, ils proposent des souvenirs bon marché à la foule de touristes qui affluent tous les jours devant les imposantes grilles du château, visité par 7,5 millions de personnes en 2017.

Dimanche 29 avril, l'un eux a pris la fuite en courant pour échapper à un contrôle d'identité. Poursuivi par deux fonctionnaires à pied et un fourgon dans une rue non loin du château, il a "traversé la route subitement" devant le véhicule qui n'a pas pu l'éviter, selon la police.

Ismaëla Deh, 58 ans, a succombé à ses blessures le lendemain soir dans un hôpital parisien. Depuis, une enquête pour "homicide involontaire" a été confiée à l'Inspection générale de la police nationale (IGPN).

"C'est très dur, c'est la tristesse. Et bien sûr, on est en colère, mais on n'est pas des hommes violents", résume un vendeur de 35 ans, sac en bandoulière et grappes de porte-clés à la main, qui parle d'un "choc psychologique."

La victime, de nationalité sénégalaise, avait commencé à vendre sur la place d'Armes, devant le Château de Versailles, depuis "deux, trois mois", estiment les vendeurs.

Selon sa sœur, Aïssata, il était en France depuis dix-huit ans mais n'avait pas de titre de séjour. Il a longtemps été plongeur dans des restaurants, faisant des allers-retours saisonniers entre Cannes et Mantes-la-Jolie (Yvelines), où vit sa famille depuis quarante ans, dit-elle.

Marié, il était père de 8 enfants au Sénégal. "La France a tué leur père", s'emporte-t-elle, "très en colère". "Un enfant de tirailleur sénégalais tué en France, c'est une honte pour la France", lance-t-elle. "Il faut que justice soit faite".

Mercredi matin, elle a rejoint les vendeurs sur les lieux du drame pour un moment de recueillement. Une partie d'entre eux ne sont pas allés travailler ce jour-là et tous vont se cotiser pour aider financièrement la famille.

- "pas des animaux" -

Ils sont un petit groupe à venir de toute la région parisienne tous les jours sauf le lundi, jour de fermeture du château, du matin au soir, pour "gagner pas beaucoup, de quoi manger", racontent les vendeurs rencontrés par l'AFP.

Pour la plupart sénégalais, ils vivent dans des appartements, des foyers, loin de leur famille restée à Dakar ou dans des villages. A Versailles, leurs regards se braquent régulièrement vers l'horizon pour guetter les voitures de police.

"Des fois ils nous laissent travailler, des fois ils nous poursuivent, ils prennent notre +bagage+, des fois, il y a des gardes à vue, des amendes", résume Abdou, l'un d'entre eux.

"Depuis qu'on est là, on a toujours la peur bleue. On est obligé de courir à travers la route, c'est dangereux", reconnaît-il en montrant les rues encombrées autour de la place.

Le vendeur tempère: "La police, ils viennent, c'est normal, ils font leur travail". Mais dimanche, ceux qui sont venus "sont différents, ils sont départementaux. On les appelle les +calots+".

Les policiers qui sont intervenus dimanche appartenaient de fait à des effectifs départementaux, envoyés ponctuellement en renfort sur certaines agglomérations.

Les policiers de Versailles, "ils nous connaissent tous", mais "les +calots+, ils sont trop agressifs", regrette Fall, l'un des plus anciens vendeurs.

"On n'est pas des vendeurs de drogue, des agresseurs, des terroristes", soupire Mbaye, arrivé il y a sept ans d'Espagne, où il travaillait dans l'automobile. "On est des êtres humains, pas des animaux, et on est responsables".

"On a mal. On est vraiment attristés. On ne veut plus que ça se répète", mais "on n'est pas agressifs", insiste Abdou, qui veut surtout "que la justice fasse son travail".

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