"Continuer à travailler" ou "plumer les réserves" : la "débrouille" des agriculteurs retraités

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Par Elia VAISSIERE - Paris (AFP)
Publié le 18 avril 2018 - 12:35
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Un éleveur de moutons dans la Manche, en mars 2015
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© CHARLY TRIBALLEAU / AFP/Archives
Un éleveur de moutons dans la Manche, en mars 2015
© CHARLY TRIBALLEAU / AFP/Archives

"Faire attention", continuer à travailler, louer sa maison... avec 730 euros par mois en moyenne pour une carrière complète, les anciens exploitants agricoles doivent souvent "se débrouiller" avec des "retraites de misère", "vivre très petit" ou "plumer les réserves".

Patrice, 62 ans, ancien éleveur de brebis laitières (Tarn)

Agriculteur jusqu'à ses 60 ans, à son compte puis associé avec son épouse, Patrice Galinier touche une retraite de 750 euros. Sa compagne, qui prendra sa retraite dans cinq ans, "n'aura pas plus".

"Ca veut dire qu'il faut continuer à travailler ou vivre très petit. Personnellement, j'ai un revenu annexe: je vends des pâtisseries, des spécialités locales. Mais il faudra arrêter, un jour...", explique-t-il.

"Mes voisins touchent à peine 600 euros. Ces petites retraites, c'est une honte".

"On nous dit que les agriculteurs ont un capital. Mais ce capital en 2018, personne n'en veut... Il n'y a plus aucun jeune qui s'installe. Dans mon village au départ, on était 13 éleveurs, aujourd'hui il n'y en a plus que trois".

"Les bâtiments sont chers à entretenir, la location du foncier ne rapporte pas grand chose. C'est comme si on n'avait rien".

Annie, 71 ans, ancienne arboricultrice (Bouches-du-Rhône):

Après avoir été co-exploitante et salariée à temps partiel, Annie Légier touche "autour de 1.100 euros" mensuels, dont 550 de la MSA. Son mari, ancien chef d'exploitation, touche 850 euros.

"On peut vivre mais on fait attention. On a quelques hangars, des terres à louer. Avec le chauffage, les assurances... Il ne reste pas grand chose", détaille-t-elle. "Les femmes ont de très petites retraites. A notre époque, des femmes chef, il n'y en avait pas beaucoup et en tant que conjointe, on cotisait moins".

"Je cultivais des pommes et des poires, on a eu des années en dents de scie, le gel, la grêle... Financièrement, l'exploitation ne peut pas toujours supporter deux têtes".

"Conjointe d'exploitant c'est très bien au début mais les jeunes doivent absolument devenir exploitantes, parce que sinon, en fin de carrière, c'est une catastrophe".

Marie-Thérèse, 69 ans, ancienne éleveuse laitière (Morbihan):

Partie avec une carrière complète, dont 10 ans à la tête de son exploitation et aujourd'hui veuve, Marie-Thérèse perçoit 1.200 euros, dont 850 de la MSA et une réversion pour les années de salariat (non agricole) de son mari.

"Si je n'avais pas la réversion, je toucherais une retraite de misère, à peine plus de 500 euros. J'ai élevé trois enfants, alors avec les aides, j'arriverais à 700, ou 800 à peine".

"C'est compliqué, quand on est seul, les frais sont les mêmes: l'électricité, le chauffage... On fait avec, on se débrouille. Quand on est à la campagne on peut avoir son jardin, les loisirs ne nous coûtent pas cher. Mais on ne peut pas voyager comme certains".

François, 74 ans, ancien polyculteur (Seine-Maritime)

Ancien producteur de lait, de céréales, d'oléoprotéagineux ou de betteraves, François Legras touche 824 euros de retraite.

"Les disparités me révoltent un peu. Mon épouse, ancienne enseignante, touche deux fois plus que moi. Elle a bien sûr mérité ce qu'elle a, mais les agriculteurs sont vraiment les oubliés" du système, confie-t-il.

"On nous reproche d'avoir du foncier mais on devrait nous féliciter. Louer mon foncier, ça a permis à un jeune de s'installer, il n'aurait jamais pu acheter !". Les propriétaires participent "au maillage du territoire, à la création de petites exploitations".

Joël, 65 ans, ancien éleveur laitier (Corrèze):

Salarié agricole pendant 18 ans, puis chef d'exploitation, Joël touche 960 euros par mois "tout compris". Son épouse de 60 ans, qui ne travaille plus, percevra, "d'ici deux ans, autour de 600 euros".

"Heureusement qu'on n'a pas que ça ! On a vendu six hectares et le bâtiment. Il était temps d'arrêter, on en pouvait plus. En attendant sa retraite, on plume les réserves, on n'a pas le choix", décrit-il.

"Si les gens continuent de travailler au lieu de prendre leur retraite, bientôt ils n'auront même plus besoin d'en payer, des retraites ! Les paysans, ils crèveront".

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