Jacques Chirac au Quai Branly : un hommage aussi fourni que fouillis (DIAPORAMA)

Auteur(s)
Raphaëlle de Tappie
Publié le 21 juin 2016 - 15:32
Mis à jour le 02 juillet 2016 - 02:54
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Le maire de Paris Jacques Chirac reçoit pour une réception à l'Hotel de Ville des Amérindiens "Haidas" venus de l'ouest du Canada en août 1989.
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©Eric Lefeuvre
En 1989, Jacques Chirac a reçu des Amérindiens "Haidas" venus de l'ouest du Canada à l'Hôtel de Ville de Paris.
©Eric Lefeuvre
Passionné de civilisations étrangères, Jacques Chirac a œuvré toute sa vie pour le dialogue entre les peuples. Jusqu'au 9 octobre, le musée du quai Branly qu'il a créé il y a dix ans lui rend hommage au travers d'une exposition intitulée "Jacques Chirac ou le dialogue des cultures", mettant en parallèle de façon pas toujours cohérente le parcours de l'homme politique et des objets insolites venant des quatre coins du globe.

"En général, les hommes lisent le magazine Playboy en le cachant dans un recueil de poésie. Chirac lit des poèmes en les dissimulant dans un numéro de Playboy", disait Françoise Giroud au sujet de Jacques Chirac. Mais si on a longtemps cru que l'ancien président de la République n'était qu'un bon vivant un tantinet "brut de décoffrage", on sait aujourd'hui que la culture, ou plutôt les cultures, ont eu une place prépondérante dans sa vie. Il a en fourni la preuve ultime en créant le musée du Quai Branly, ou Musée des arts et civilisations d'Afrique, d'Asie, d'Océanie et des Amériques en juin 2006. Pour ses dix ans, l'établissement lui rend hommage jusqu'au 9 octobre au travers d'une exposition intitulée Jacques Chirac ou le dialogue des cultures, mettant en parallèle de façon pas toujours cohérente le parcours de l'homme d'Etat passionné de civilisations lointaines et des objets insolites venant des quatre coins du globe.

Jacques Chirac naît durant l'entre-deux-guerres. A cette époque, le colonialisme est à son apogée et le nazisme renforce encore un peu plus l'idéologie de la suprématie de l'homme blanc. Loin de toutes ces considérations sur les races, le jeune Jacques Chirac découvre avec émerveillement le musée Guimet en 1947. Il a 15 ans et sent naître en lui une passion dévorante pour l'Asie et les civilisations oubliées. Quelques années plus tard, malgré son aversion pour la guerre (il a signé l'appel de Stockholm contre l'armement nucléaire), le voilà envoyé en Algérie en tant qu'officier. Il y développera un attachement profond pour le monde arabe.

Attachement qu'il manifestera des années plus tard dans son action politique, tout d'abord en inaugurant l'Institut du monde arabe en 1987 puis en ouvrant le département des Arts islamiques au Louvre en 2003. Sa fascination pour l'Asie s'illustre quant à elle par de nombreux voyages en Chine et au Japon, aussi bien personnels et professionnels, l'organisation d'une exposition de bronzes chinois au musée Cernuschi en 1998, ou encore celle d'une compétition de sumos à Paris en 1986.

Mais au-delà de l'amour de Chirac pour l'exotisme, c'est surtout son humanisme qui caractérise son approche des cultures étrangères. Proche de grandes figures intellectuelles emblématiques du XXe siècle comme Claude Lévi-Strauss, Léopold Sédar Senghor ou Aimé Césaire, l'ancien chef de l'Etat s'engage pour la reconnaissance des ethnies oubliées, des communautés opprimées. En 1989, il reçoit à l'Hôtel de Ville de Paris Raoni Metuktire, l'un grands chefs du peuple Kayapo vivant au cœur d'une réserve protégée sur le territoire du Brésil, figure internationale de la lutte pour la préservation de la forêt amazonienne et de la culture indigène. Puis, en 1994, lors de l'exposition sur les indiens Taïnos au Petit Palais, Chirac prononce le mot tabou: "génocide". "Plus de vingt millions d'Indiens furent ainsi exterminés en moins d'un siècle", déclare-t-il devant un auditoire stupéfait.

L'année suivante, à l'occasion du 50e anniversaire de la rafle du Vel d'Hiv, il est le premier président de la République à officiellement reconnaître le rôle joué par la France dans l'arrestation et la déportation des Juifs au cours de la Seconde guerre mondiale. Enfin et surtout, Jacques Chirac est un fervent acteur de la lutte contre le racisme. Après avoir reçu Nelson Mandela en grande pompe à l'Elysée en 1996, il décide de faire transférer au Panthéon les cendres d'Alexandre Dumas, petit-fils d'esclave, et annonce la création d'une Cité nationale de l'histoire de l'immigration à Paris dans le cadre d'une "nouvelle politique d'intégration" en 2002.

Ainsi, l'exposition du Musée du Quai Brafnly présente l'image d'un Jacques Chirac ouvert, cultivé, humaniste, pacifiste... l'hommage est bien là. Mais l'ensemble laisse une désagréable impression de fouillis. La chronologie est inexistante et le spectateur passe d'un continent à l'autre sans comprendre comment il en est arrivé là. Autre motif de déception: les objets exposés. Alors qu'on s'attendait à trouver la collection personnelle de Jacques Chirac, seules trois pièces lui appartenant sont exposées, une sculpture zoomorphe bamana du Mali, une coupe wongo-lele (Congo) et une dent de narval. Le reste vient de différents musées. Et si les œuvres prêtées sont rarissimes et pour certaines impressionnantes, comme cette Bible du XVIIe siècle traduite en sept langues ou ce crâne de cristal du Mexique précolombien, impossible de comprendre pourquoi elles se côtoient. L'oeil appréciera l'esthétisme de l'objet en tant que tel mais le voyage culturel sera des plus passifs. 

> Informations pratiques

Jacques Chirac ou le dialogue des cultures

Musée du Quai Branly, du 21 juin au 9 octobre 2016.

37 Quai Branly 75007 Paris (RER Pont de l'Alma, Metro Alma Marceau). 

Ouvert tous les jours sauf le lundi.

Plein tarif: 9 euros. Tarif réduit: 7 euros. 

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