Attaque du marché de Konstantinovka en Ukraine : un nouveau mensonge ukrainien ?

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Jean Neige, France-Soir
Publié le 29 septembre 2023 - 21:00
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Polina MELNYK / AFP
Dans un premier temps, la zone du marché impactée par le missile a été interdite aux journalistes, le temps que les services ukrainiens interviennent.
Polina MELNYK / AFP

TRIBUNE/OPINION - Le 6 septembre dernier, un missile s’est écrasé sur un marché dans la ville de Konstantinovka, dans la partie de la région de Donetsk tenue par l’Ukraine. Le drame a fait au moins 15 morts. Le président Zelensky s’est précipité pour accuser la Russie avec force.

Vidéo qui suggère la thèse contraire

Or, une vidéo, diffusée sur les réseaux sociaux le jour même, montre que le missile provenait du nord-ouest, c’est-à-dire du camp ukrainien. Même le journaliste allemand Julian Ropcke, considéré de notoriété publique comme pro-ukrainien, mais qui essaye d’être honnête dans ses analyses, l’a immédiatement reconnu.

On comprend mieux pourquoi, aujourd’hui, diffuser ce genre de vidéos est un crime en Ukraine, car elles peuvent mettre à mal la version officielle des autorités.

Dès lors, certains déplorent un accident malheureux. Mais pour que cela soit un accident, il aurait fallu qu’il y ait en même temps un missile russe à intercepter dans les parages. Or, il n’en est fait mention nulle part. De plus, pourquoi un missile défectueux ou tiré par erreur tomberait-il comme par hasard en plein marché, au milieu de la journée ?

Cet événement rappelle l'attaque du marché de Markale le 28 août 1995, à Sarajevo, capitale de la Bosnie-Herzégovine. A l'époque, les conclusions officielles des Nations unies (ONU) accusaient les Serbes de Bosnie du massacre. Cependant, selon plusieurs militaires français très proches du dossier avec lesquels j'ai pu m'entretenir, l'attaque aurait été perpétrée sous fausse bannière par les forces armées bosniaques, dans le but de placer l'OTAN en situation d'intervenir dans le conflit. Du reste, moins de 48 heures après l'attentat, l'OTAN lançait l'opération "Deliberate Force" pour forcer les Serbes de Bosnie à négocier la paix.  Le rapport accusant les Serbes du bombardement de Markale fut curieusement gardé secret.  

Autre détail troublant à propos du missile tombé sur le marché de Konstantinovka, de nombreux observateurs pro-russes ont noté, à l'instar de la chaîne Telegram Slavyangrad, que l’attaque a eu lieu le jour de la visite d'Anthony Blinken à Kiev. Le Secrétaire d'État américain était venu annoncer la très controversée livraison de munitions à uranium appauvri. Le drame de Konstantinovka aura pu servir à justifier une étape de plus dans l’escalade côté américano-kiévien.

De plus, Konstantinovka est une ville du Donbass, donc une zone où la loyauté des habitants pour l’Ukraine est sujette à caution. Imaginer qu'un gouvernement ukrainien aux abois puisse en sacrifier quelques-uns pour la cause en blâmant l’ennemi n'est pas une hypothèse absurde. Pour rappel, ce régime est né grâce à une attaque sous faux drapeau contre ses propres partisans à Maïdan en 2014, comme l'a démontré la brillante étude universitaire d'Ivan Katchanovski, un politologue ukraino-canadien.

Cela aurait-il tellement bien fonctionné et dupé son monde que les leaders à l'origine de ce conflit soient naturellement tentés de renouveler périodiquement la même recette cynique, pour relancer la machine médiatique russophobe et les appels à recevoir toujours plus d'armes ? Evidemment, cela ne veut pas dire que la plupart des bombardements sur l'Ukraine qui tuent des civils soient des coups montés. Mais d'autres cas on s'est posé de sérieuses questions dans le passé.  Et ces événements furent décortiqués dans ces colonnes (théâtre de Marioupol, gare de Kramatorsk, Boutcha, missile en Pologne...)

Zone interdite aux journalistes

Et puis, le 18 septembre, le New York Times, qu’on ne peut pas accuser d’être pro-russe, a publié un article, résumé ici, validant la thèse d’un missile ukrainien (d’après eux un Bouk) tiré du nord-ouest. Parmi leurs arguments en faveur d’un missile tiré par Kiev, les journalistes américains citent le fait que la zone a été immédiatement interdite aux journalistes le temps que les services de l'État interviennent. 

Même LCI, que beaucoup nomment avec malice "LCU" (La chaîne ukrainienne), a mentionné cet article du New York Times qui accuse Kiev de mensonge. Le vent semble tourner pour le régime de Kiev issu d'une manipulation des plus cyniques avec le coup d’État de Maïdan. Cela dit, la journaliste invitée sur le plateau, Daphné Benoit, chef du pôle international de l’AFP, semble pécher par naïveté et manque de connaissance de l’Ukraine - à moins que ses raisons ne soient autres - quand elle affirme qu'"évidemment qu’on ne peut pas imaginer que Kiev l’ait fait exprès".

C’est tout le problème de la presse mainstream. Soit, elle est tenue, soit elle verse dans l'excès de bien-pensance. Et elle ne creuse pas les dossiers, par exemple le massacre de Maïdan, l’affaire du bombardement de la gare de Kramatorsk, ou d'autres affaires ambigües. Et il faut attendre que ce soit les maîtres américains qui donnent le la. Si on exclut d’emblée les hypothèses les plus déplaisantes, fait-on un vrai travail de journaliste ?  

A minima, on semble être ici face à une bavure qu’on aurait essayé de couvrir en accusant les Russes. D’habitude, la presse occidentale suit sans questionner. Visiblement, les choses changent. S’apprête-t-on à laisser tomber l’Ukraine, elle qu'on a poussé à la guerre totale ?  

Le SBU a beau chercher à entretenir le mythe d’un missile russe, seuls les plus fanatiques pro-ukrainiens y croient encore. Même le conseiller du président ukrainien, Mikhaylo Podolyaksemble avouer ne pas y croire, quand il affirme que, quoi qu’il en soit "c’est la Russie qui a lancé l’invasion de l’Ukraine et c’est la Russie qui est responsable d’avoir apporté la guerre dans notre pays". Une façon de dire que, si l’Ukraine en est réduite à bombarder la population du Donbass, des deux côtés de la ligne de front, c'est à cause des Russes.

Un autre mensonge !

Pour ne rien arranger et enfoncer le clou dans le cercueil de la crédibilité de la communication ukrainienne, le 26 septembre, la nouvelle est tombée selon laquelle des experts polonais confirmaient que le missile qui s'était abattu en Pologne en novembre dernier, tuant deux citoyens polonais, était bien un missile ukrainien, et non pas un missile russe comme Zelensky le clamait haut et fort.  Voilà qui n'est pas de nature à arranger les relations entre Varsovie et Kiev. Du reste, le bureau du procureur polonais a refusé pour l'heure de confirmer l'information, arguant que les opinions des experts étaient confidentielles. L'affaire est clairement explosive, sans mauvais jeu de mots. 

Aux USA, Jack Posobiec, journaliste pro-Trump aux 2,2 millions d'abonnés sur X, rappelle que Zelensky avait tenté d'utiliser cet événement pour convaincre l'OTAN d'invoquer l'article 5 et ainsi entraîner toute l'organisation dans une guerre directe avec la Russie.

Dans Human Events, le média en ligne pour lequel il travaille aujourd'hui, Posobiec revient sur ce scandale.

A la lumière de ce dernier développement, comment ne pas prêter une oreille aux détracteurs de Zelensky et de son entourage lorsqu'ils affirment que ceux-ci sont dangereux pour la paix mondiale ?

Il sera intéressant de voir quel retentissement médiatique sera donné en Occident à ces nouveaux éléments.  Les journalistes bien-pensants, s'ils évoquent l'affaire, pourront répéter "évidemment qu’on ne peut pas imaginer que Kiev l’ait fait exprès". Quand se réveilleront-ils ? Quand il sera trop tard ? 

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