Démocratie… en bande organisée

Auteur(s)
Marcel-M. Monin, France-Soir
Publié le 11 octobre 2023 - 18:38
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Démocratie en bande organisée
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Arnaud Jaegers - Unsplash
En France, on a rivalisé d'imagination pour créer des modes de scrutin pour que sortent des urnes certains candidats et pas d’autres...
Arnaud Jaegers - Unsplash

TRIBUNE - Imaginons qu’un jury de concours autorise certains candidats à passer les épreuves munis d’oreillettes et avec des antisèches.

Que diraient les heureux lauréats ? Que le concours, puisqu’il est ouvert à tout le monde, est la meilleure des choses. Et que, puisqu’ils ont été reçus, ils sont les meilleurs. Comme ils sont les meilleurs, ils auront forcément raison. Et, par voie de conséquence, ils seront fondés à jouir à tous égards de leur réussite.

C’est exactement ce qui se passe avec l’usage qui a été fait de l’élection. Et c’est exactement ce que disent ceux qui ont profité des élections - osons le mot - "truquées".

De tout temps, les maîtres du jeu (le jury dans notre histoire, les détenteurs du pouvoir économique dans la vie politique) ont fait en sorte que la multitude (les gens appartenant à la "populace") ne puisse pas jouer de son nombre pour essayer de faire valoir pour eux ce que les Américains appellent le droit au bonheur.

Pour ce faire, l’usage du droit de vote a toujours été peu ou prou  "truqué".

Et parfois, on a fait fort.

Durant la Révolution française, le droit de vote n’a pas été donné aux pauvres.

En 1992, quelques petits malins ont fait plus subtil en maintenant le droit de vote, mais en excluant de ces votes (dans des traités difficilement modifiables) tout ce qui concerne la finance et les affaires. Et ils ont prévu que ces milieux financiers feront ce qu’ils voudront et seront aidés pour le faire. Enfin, pour verrouiller l’affaire, ils ont créé des organes chargés de donner des instructions en ce sens aux assemblées parlementaires nationales et aux gouvernements.

Dans l’intervalle, on a créé (en France) une deuxième chambre à recrutement conservateur assuré et sûr, pour annuler les textes éventuellement trop "rouges" qui auraient pu être votés par les députés.

En fonction de la connaissance de la sociologie électorale, on a découpé les circonscriptions (pour défavoriser la représentation des "masses populaires").

On a imaginé des modes de scrutin pour que sortent des urnes certains candidats et pas d’autres.

Et puis les techniques de manipulation des cerveaux (1) étant de plus en plus sophistiquées, on a su mettre dans la tête des électeurs (en tout cas de suffisamment d’entre eux) ce qu’il fallait pour que leur main mette le « bon » bulletin dans l’urne. On a vu, de manière caricaturale, comment le nom de Macron est sorti deux fois des urnes (Mme Le Pen étant "fabriquée" comme challenger, puis reconvertie en repoussoir entre les deux tours).

Ceux qui ont bénéficié de ces artifices ne manquent pas de vanter la démocratie puisque celle-ci (parfaite sur le plan théorique : "Gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple") fonctionne sur la base de l’élection (parfaite, en théorie). Mais élection que l’on "truque".

On est amusé des cris d’orfraie de certains "élus" occidentaux et d’Afrique qui vilipendent, menacent, et œuvrent à les anéantir, ceux qui, comme des militaires, ont le sens de l’Etat, et osent imaginer le "droit au bonheur pour le peuple". Et qui renversent un chef d’Etat local. Soit abruti, soit corrompu, soit aux ordres de sociétés et de gouvernements étrangers (soit un peu, soit beaucoup des trois selon les cas) qui, sans le processus électoral adéquat, n’auraient pas eu accès au poste de commandement de l’Etat.

On est amusé par le discours de ceux qui, dans nos sociétés, ont été élus après d’intenses campagnes de manipulation de l’opinion, et qui essaient de faire croire, comme il a été dit ci-dessus, que le fait que leur nom soit sorti des urnes, leur a donné une "légitimité". Légitimité qui s’étendrait, selon leurs discours, à ce qu’ils pensent, disent et font (fut-ce n’importe quoi) dans le poste en réalité "mal acquis"...

Mais ce qui est moins amusant, c’est que si l’on se réfère au concept de démocratie, le régime politique qui est pratiqué par le truquage de l’élection n’est pas, ne peut pas être, si l’on s’en tient à la définition, une démocratie.

On pourrait, en s’appuyant notamment sur le CV de nombreuses personnes constituant "l’élite" politico-économique, appeler cela le « gouvernement en bande organisée » (2). Système dans lequel, ainsi que les faits le révèlent, financiers, hauts fonctionnaires, politiciens de carrière forment des réseaux. Réseaux au sein desquels, après qu’ils ont poussé certains d’entre eux dans une élection, ils pourront - grâce au pouvoir de décision conféré par l’élection- organiser leurs affaires pour les uns, le partage des postes (et les "pantouflages") pour les autres.

Il y a évidemment des remèdes. Mais...

(1) On se rappelle l’intervention de Tocqueville qui, déjà en 1848, expliquait que l’on pouvait donner le droit de vote à tout le monde, car, de toutes les façons, « ils » voteront « comme on leur dira » .

(2) Expression empruntée … au droit pénal.

Marcel-M. Monin est maître de conférences honoraire des universités.

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