Obéir, le pire des gros mots...

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Laurence Waki*
Publié le 18 août 2023 - 14:30
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"L’obéissance va de pair avec la passivité."
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TRIBUNE/OPINION - Alors que les médias parlent du variant Eris... Alors que les masques reviennent sur les visages... Il faut sortir de l'amnésie, cette amnésie qui pousse à l'apathie, afin d'agir, afin d'être acteur politique, pour soi et pour tous. Repérer les mêmes dysfonctionnements, à des fins dites sanitaires, mais aussi climatiques, mais aussi de terreur. Voir ces points communs qui amènent à toujours plus de restrictions, de suppressions des libertés fondamentales, à de plus en plus de contrôles sur tout, même sur les actes les plus quotidiens et anodins, de dématérialisation vers un tout-Numérique pour un mode mécaniste, vers la pensée unique pour ne suivre que les injonctions dénuées de sens et contradictoires ; à devenir obéissants sans conscience, à fonctionner en marionnettes. Première partie : Obéir, le pire des gros mots...

Obéir, n’est-ce pas ce qui est souvent demandé aux enfants ? N’a-t-on jamais entendu des parents se vanter d’avoir des enfants sages et obéissants ? Dénuée de cette "qualité" d’être obéissante, elle n’a jamais pu m’être attribuée, ni par ma mère, ni par l’école, ni par aucun adulte. Quand autour de moi, la grande majorité des enfants semblaient l’avoir intégrée (ce qui n’a cessé de m’intriguer, allant jusqu’à me demander si je venais de la même planète qu’eux). En conséquence, j’ai été estampillée "indisciplinée", comme indiqué dans mon carnet scolaire. Un mot mystérieux, que je prenais pour un compliment malgré les froncements de sourcils des Grands, bien obligés d’admettre ce trait de caractère chez un enfant quand les résultats scolaires sont très bons.

Se méfier des gens obéissants 

Jamais je n’ai su prononcer le mot "obéir" sans une forme de dégoût, comme un mot sale, comme ces gros mots qu’on n’avait pas le droit de dire enfant. Plus tard à l’adolescence, c’est une flopée de gros mots qui sortent de nos bouches, comme une revanche à l’interdit, comme un rite de passage, pour tous. 

Tous ces mots sauf celui-là. Ce mot,l'acte qu’il signifie, continue de me rebuter. Pour moi-même, mais aussi pour les autres, qu’ils soient enfants ou adultes. À dire vrai je me méfie de ces gens obéissants, toujours "trop obéissants", à la manière du "trop poli pour être honnête". 

Trop obéissant pour être sincère. Trop obéissant pour vraiment adhérer. Trop obéissant pour être fiable. Trop obéissant pour avoir réellement décidé… 

Alors pourquoi cette croyance si répandue qu’il faudrait qu’un enfant obéisse ? Que respecter ses parents et les adultes serait de leur obéir ? 

Quel enfant peut-on être, pour devenir un adulte à l’esprit libre, du moins à l’esprit critique? Un adulte qui sait agir en toute conscience, qui se sent responsable des conséquences de ses actes, aussi bien positives que négatives, inventif, audacieux, authentique, à l’écoute de lui-même et d’autrui… ? 

Un enfant obéissant peut-il devenir cet adulte-là ? J’en ai toujours douté. L’obéissance va de pair avec la passivité. On fait, parce que l’on nous a dit de faire, et ce, sans poser de question. On fait, ou on donne l’impression de faire, pour faire plaisir, pour être tranquille, sans s’interroger sur le pourquoi - encore moins sur le bien-fondé de cet acte que nous faisons, comme le ferait un robot. Qui rappelle cette fameuse expérience de Milgram, qui rend compte de la dangerosité de l’obéissance, menant jusqu’au meurtre d’autrui par n’importe qui, bien qu’inoffensif habituellement, dès qu’il en reçoit l’ordre. Et rappelons ici que l’obéissance n’est pas la discipline, celle qui est nécessaire pour réussir ou pour se coordonner en groupe. 

Souvenons-nous des gestes barrières

Sont-ce ce genre de comportements que l’on veut encourager dès la petite enfance ? Quand en ces temps qualifiés de "crise sanitaire", l’école devient, non pas l’école des savoirs, mais le lieu où il faut obéir ? Et obéir à quoi ? Que demande-t-on aux enfants de faire à l’école ? De respecter les gestes barrières, de porter un masque dedans et dehors, de voir les visages des adultes qui les environnent masqués. Tout un protocole fondé sur quelles preuves d’efficacité ? Contre quoi exactement ? Pour permettre quoi ? 

Les empêcher de jouer, les empêcher de courir, les empêcher d’apprendre, les empêcher de comprendre, les empêcher de voir, les empêcher de ressentir, les empêcher de sentir, les empêcher de toucher. Au nom de quoi ? D’une décision politique et de restrictions renforcées qui ont concerné jusqu'aux enfants du primaire (5-11 ans) (1), devant porter le masque même en extérieur, quand déjà en intérieur rien en le justifie, privés de sport dit intensif (?)... Entre autres protocoles anxiogènes sans rapport avec la mission essentielle qu’est l’enseignement public obligatoire, relevant du devoir de notre République d’instruire les enfants. 

Notons le toupet du ministre à l'époque (2) de dire l’inverse de l’effet infligé, à savoir "de préserver l’éducation de nos enfants". Quand, à la rentrée 2020, des classes ont été systématiquement fermées pour cause de Covid, privant les élèves de la transmission des savoirs. Comme si le confinement n’avait pas suffi à faire cesser cet indispensable, ce qui jamais ne s’était produit même en temps de guerre quand les bombardements menaçaient… 

L’école est-elle ce lieu où l’enfant doit apprendre à obéir à des protocoles qui ne sont pas fondés ? L’école doit-elle être ce lieu où l’enfant apprend à nier en lui tout esprit critique, et à se taire devant des ordres ? 

Qu’est-on en train d’apprendre à ces enfants ? Que l’autre est un danger, qu’ils sont eux-mêmes un danger pour autrui. Et le sentiment d’être un poids pour les parents se retrouvant à gérer des écoliers empêchés arbitrairement d’école, pour un virus qui ne les concerne en rien.

Et demain, qu’en sera-t-il de ces enfants qui ont dû obéir ? À s’adapter à toutes ces consignes, changeant en permanence, incohérentes, culpabilisantes, sans pouvoir recevoir d’explications du pourquoi de ces consignes-ordres, vu qu’il n’existe pas. Oui, du pur aléatoire, que d’aucuns nomment de la politique. Mais est-ce même cela de la politique ? 

Sans compter quand ces mêmes enfants finiront par apprendre plus tard que ce virus n’était pas létal, que tout ce quoi qui ils ont dû obéir était non seulement inutile, mais qu’en plus les ont empêché d’apprendre, même de faire des études, donc le choix d’une vie professionnelle… Nous sommes très loin de la déception de certains à apprendre que le père Noël n’existe pas, que les parents leur ont raconté une histoire…

Bond en arrière et négation du droit d'apprendre

Combien vont avoir leurs potentialités anéanties ? Quel adulte vont-ils devenir ? Quel citoyen ? En qui pourront-ils croire ? À qui pourront-ils faire confiance ? Quel parent à leur tour pourront-ils être ? Et quelle société vont-ils instaurer après avoir compris ce gâchis, d’avoir été sacrifiés au prétexte d’une politique sanitaire répondant à un projet politique où l’intérêt de la population n’est pas prioritaire, voire est spolié. 

Cela s’ajoutant au fait d’enfants empêchés d’apprendre, de lire, d’écrire, de compter, de parler, qui fait penser à la mise en place d’un programme d’asservissement, d’ainsi rendre les futurs citoyens d’un pays ignorants, et même analphabètes. Ce contre quoi avait été instituée l’école obligatoire, avec la loi du 28 mars 1882, par Jules Ferry ; pour qu’un minimum d’instruction rende chacun libre.

Le gouvernement du confinement a fait faire à ces enfants un bond en arrière d’avant cette date, quand nombreux étaient ceux qui ne savaient ni lire, ni écrire… 

Ce droit aussi est piétiné, ce droit qui était un droit fondamental donné aux enfants : le droit d’apprendre. 

Et à la place est délivrée l’injonction à être formaté à faire ce qui est ordonné. Qui fait que l’enfant, et donc le futur adulte ne sera plus capable de discerner ce qui est bon pour lui et ce qui est bon pour l’autre. Il fait, il fera, ce qu’on lui dit de faire, qu’importe les conséquences néfastes. D’ailleurs toute empathie disparaît, et si cette soumission lui devient insupportable, seule la violence aura été apprise pour éviter de se sentir anéanti tout à fait.   

Quel est ce futur que ces mal-mesures mettent en place en s’en prenant à nos enfants ? Outre en plus ce fait biologique de base qu’en imposant des masques qui pourtant ne servent à rien contre ce virus-ci, les enfants seraient moins malades d’autres maladies habituelles. Pourtant indispensables à contracter pour leur permettre de se constituer leurs défenses immunitaires. Du simple bon sens. De celui qu’un vrai et bon médecin prodigue, celui de la nécessité de faire les maladies infantiles pour demain en être protégé. Ne pas les faire, rend ces enfants sans protection contre tout virus et bactérie pourtant bénin quand est laissé faire la vie normale. C’est comme rendre nos enfants albinos et les exposer au soleil ensuite. À moins que l’objectif soit que ces enfants ne sortent plus, ou ne le fassent que remplis de médicaments, avec la peur de tomber malades… 

Est-ce de ce genre de protection qu’un parent veut pour ses enfants ? Si tant est qu’il s’agisse de protection d’ailleurs. Qu’en est-il de la réelle protection dont un enfant a besoin pour grandir et être cet acteur responsable et épanoui dans une société qu’il fera évoluer à son image ? 

En résumé, retenons ces trois axes que permet le respect de l’enfant (en récapitulatif inversé) :   

1 – Donc lui permettre de préserver un corps fort et sain. 

2 – Puis recevoir un savoir lui offrant la capacité d’apprendre aujourd’hui et demain, être un citoyen libre, cultivé, et poursuivre à vie durant le chemin de la connaissance. Pouvant ainsi interagir avec autrui en possédant les moyens d’expression le lui permettant. 

3 – Et pour finir, ne plus se soumettre, savoir reconnaître quand ce qui est demandé repose sur des règles de domination ou sur des règles de protection (2). Cet esprit qui fait avoir le droit de s’indigner, le droit d’exprimer son désaccord. Qui constitue le fondement d’une société démocratique, d’un État de droit. 

Qui confirme que, "Obéir est le pire des gros mots."

Pas parce que ce mot serait vulgaire, mais bien parce qu’il constitue ces maux que sont la soumission, la violence, la haine de soi et des autres, la fausseté, le mensonge, la trahison… En conclusion, aider les enfants à ne plus obéir, c’est leur apprendre déjà à se se protéger.   

La meilleure école pour sortir de ce biais, mais aussi pour finir sur une note plus légère, est d’adopter un chat. Un chat n’obéit jamais. Et pourtant, il est possible de l’éduquer, ne serait-ce pour un vivre-ensemble épanouissant pour lui et pour l’humain. Les punitions, les réprimandes, les cris, les privations, rien de tout cela n’est efficace, et pire le chat ne vous ratera pas et se défendra si votre comportement devient agressif. Ce qui marche en revanche, c’est dès lors qu’il fait quelque chose de bien, de l’encourager et de le féliciter. Ainsi il arrêtera de lui-même à faire ce que l’humain aura tendance à qualifier de bêtises. N’est-ce pas ce qui fonctionne le mieux également chez l’humain, chez l’enfant mais aussi chez l’adulte. D’être stimulé à faire le bien… 

*Une première version de ce texte a été publiée sur le site internet de Laurence Waki, écrivain et philosophe, le 12/12/2021.

Notes :

(1) Des décisions prises par le gouvernement en décembre 2021, alors qu'on annonçait une énième fois une nouvelle vague destructrice.

(2) Jean Castex.

(3) Mémento pour faire la différence, reporté ici grâce à cet excellent entretien avec Sonia Delahaigue, psychologue :

Les règles de domination, en vue de la soumission, donc faire obéir, sont : Arbitraires, changent en permanence selon l’humeur et le contexte, incohérentes, pas stables dans le temps, n’ont pas de preuves de leur validité, alternent carottes et bâtons, avec un chantage omniprésent.

Les règles de protection, sont structurantes, fermes et stables dans le temps, justes, bienveillantes, cohérentes, et leur validité sont vérifiables.

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