Après la ZAD, la laïcité : Macron multiplie les contre-feux face à la grève

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Pierre Plottu
Publié le 10 avril 2018 - 19:11
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Emmanuel Macron prononce un discours devant la Conférence des évêques au collège des Bernardins à Paris le 9 avril 2018
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© ludovic MARIN / AFP/Archives
Il faut "réparer" le "lien entre l'Eglise et l'Etat (qui) s'est abîmé", a déclaré Emmanuel Macron face aux évêques lundi.
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Confronté à une grogne sociale d'ampleur, Emmanuel Macron multiplie les contre-feux. Après l'intervention policière contre la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, le dernier en date, lundi, a été perçu comme une attaque en règle contre la laïcité et déclenché un tollé. Un pari risqué du président car cette stratégie, destinée à diluer les mécontentements, pourrait tout aussi bien les additionner.

Une polémique sur la laïcité, il ne lui manquait plus que ça. En déclarant, lundi 9, à la Conférence des Evêques de France son désir de "réparer" le "lien entre l'Eglise et l'Etat (qui) s'est abîmé" (notre article à lire ici), Emmanuel Macron a déclenché de très vives réactions des défenseurs de la loi de 1905, et notamment au sein d'une large partie de la gauche. Mais qu'a-t-il donc pu passer par l'esprit d'Emmanuel Macron pour aller rajouter une nouvelle couche de mécontentement alors que les cheminots -notamment- mènent une grève dure, que les étudiants occupent les facs, que la fonction publique et particulièrement l'hôpital sont sur les dents... bref, que la grogne sociale se généralise?

Serait-ce une simple faute d'un jeune président inexpérimenté, dont François Hollande, cité par Le Monde, dit qu'il "joue au président" plus qu'il n'incarne la fonction? Faut-il y voir le manque de contrôle des équipes élyséennes sur un discours clientéliste destiné à l'origine à ne pas être repris si abondamment dans la presse?

Rien de tout cela. En bon communicant, Emmanuel Macron savait le poids de ses mots et la répercussion qu'ils auraient lorsqu'il a rédigé puis prononcé son discours. Ses équipes ont même pris le soin de les diffuser sur le compte officiel du président pour être sûr de leur donner le maximum de répercussion.

A lire - Elu par la gauche, gouvernant à droite: Macron condamné à changer?

Aussitôt, les machines politiques et médiatiques se sont emballées. " Macron en plein délire métaphysique. Insupportable. On attend un président, on entend un sous-curé", a tweeté Jean-Luc Mélenchon dans la demi-heure. Dans la foulée le nouveau patron du PS Olivier Faure a aussi réagi: "Mais de quoi nous parle-t-on? L’église catholique n’a jamais été bannie du débat public. Quel lien restaurer avec l’Etat? En République laïque aucune foi ne saurait s’imposer à la loi. Toute la loi de 1905. Rien que la loi". Même son de cloche chez tous les responsables de la gauche, que peuvent résumer les mots de Benoît Hamon qui a dénoncé "une atteinte sans précédent à la laïcité".

Après avoir confirmé sa volonté de continuer à réformer au pas de charge en s'attaquant aux institutions puis réaffirmé l'autorité de l'Etat en lançant les gendarmes mobiles à l'assaut de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, le chef de l'Etat veut désormais diluer le mécontentement, lui substituer un débat de société propre à polariser les passions. Une tentative habile de "détourner le canon", si l'on peut dire, avant le double rendez-vous médiatique qu'il a fixé aux Français jeudi 12 (JT de 13H de TF1) et dimanche 15 (BFMTV, 20h35).

Attention toutefois à ne pas empiler les mécontentements plutôt que de les diluer. L'opinion, surtout de gauche, semble ainsi frémir d'un mécontentement croissant de l'action d'Emmanuel Macron. Les récents sondages montrent ainsi que, outre une côte de popularité en baisse, la confiance dans le chef de l'Etat pour résoudre les problèmes du pays s'érode. Elu en se disant "et de droite et de gauche", le président est également désormais clairement identifié "de droite".

Lire: Macron est "de droite" selon les Français

Aux désillusions, comme sur le pouvoir d'achat (où est le "13e mois" sur la fiche de paye promis par Gérald Darmanin en septembre dernier?), s'ajoutent les décisions qui ont entériné une image de "président des riches" (loi travail, suppression de l'ISF) voire même qui ont achevé la fracture avec la gauche (loi sur les migrants). En s'attaquant désormais frontalement au totem de la laïcité, fondement républicain transcendant largement la gauche et la droite, le président joue gros. Qui plus est en prenant ostensiblement position pour l'Eglise catholique, il risque de provoquer une réaction épidermique des Français de confession juive, musulmane ou protestante, ainsi que des athées et agnostiques.

Que se passera-t-il si certains s'emparent du sujet pour ajouter à leurs revendications la défense de la laïcité? Voire sombrent dans le laïcardisme? Verra-t-on des contre-manifestants descendre dans la rue pour défendre l'Eglise catholique? Autant de question qui posent la question de la responsabilité politique du chef de l'Etat. Attention: à trop vouloir allumer de contre-feux, à ne pas se transformer en pompier pyromane. 

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