Conflits internes, statuts : LREM, un parti comme les autres ?

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Jean-Philippe Morel, édité par la rédaction
Publié le 29 août 2017 - 14:59
Mis à jour le 02 septembre 2017 - 12:26
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La République en Marche, le mouvement d'Emmanuel Macron, est bien parti pour remporter la plupart de
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© VALERY HACHE / AFP
Sur le plan juridique, La République En Marche, n’est pas différente des partis politiques existants.
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La République en Marche se présente comme "un mouvement radicalement différent des partis politiques existants", souvent décriés. Mais qu'il s'agisse de sa forme juridique ou des vicissitudes qu'il connaît, il apparaît bien comme un parti comme les autres, analyse en partenariat avec "FranceSoir" Jean-Philippe Morel, avocat au barreau de Dijon.

En Marche, devenu ensuite La République En Marche (LREM), a été lancé en avril 2016 et a contribué à la prise de pouvoir éclair d’Emmanuel Macron, élu président moins d’un an après.

LREM se définit sur son site officiel comme "un mouvement radicalement différent des partis politiques existants". Sur le plan juridique, il n’est toutefois pas différent des partis politiques existants, même s'il se qualifie de "mouvement". En effet son objectif est celui d’un parti politique, à savoir rassembler des citoyens unis par une philosophie ou une idéologie politique commune, qui en recherchent la réalisation effective, avec comme objectif -atteint très rapidement dans notre cas par LREM- la conquête et l’exercice du pouvoir.

Il est intéressant de se pencher sur les règles juridiques qui organisent la vie des partis politiques.

L’article 4 de la Constitution de 1958 consacre la liberté de création et d’action des partis et précise leur objectif: "Les partis et groupements politiques concourent à l’expression du suffrage. Ils se forment et exercent leur activité librement. Ils doivent respecter les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie.". 

Les partis politiques ne sont reconnus officiellement que depuis 1958 et n’ont pas de statut propre, hormis pour leur financement. En effet ils ne sont que de simples associations et sont régis par la fameuse loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association. Mais une association, pour pouvoir être considérée comme "un parti politique", doit en plus se soumettre à une législation particulière sur son financement si elle veut bénéficier de l’aide publique en fonction de ses résultats aux élections. Le parti doit obligatoirement créer soit une autre association, de financement (c’est là encore une association loi 1901), ayant pour objet exclusif de recueillir les fonds destinés au financement des activités politiques du parti, soit désigner une personne physique déclarée en préfecture comme mandataire financier. Ses comptes doivent par ailleurs être déposés chaque année à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques.

La vie des partis n’est pas un long fleuve tranquille et la justice "ordinaire" peut être amenée à intervenir dans un conflit interne. Un parti politique étant une association de droit privé les litiges juridiques relèvent donc du tribunal de grande instance. Un parti peut cependant prévoir dans ses statuts des voies de recours internes pour le règlement de ses litiges, et dans cette hypothèse ses voies de recours doivent être d’abord épuisées avant que les tribunaux ne soient amenés à arbitrer le conflit.

A l’UMP, on se souvient qu’en novembre 2012 l’élection du président donna lieu à une grave crise entre Jean-François Copé et François Fillon, chacun d’eux revendiquant la victoire. Le Tribunal de grande instance, saisi par François Fillon, avait ordonné la saisie des données électorales du scrutin interne de l'UMP. François Fillon avait donc opté pour la voie judiciaire pour résoudre le contentieux qui l'opposait à son adversaire Jean-François Copé. Les protagonistes trouvèrent ensuite une solution politique à leur différend sans demander au juge d’annuler l’élection, ce qui aurait pu conduire la justice à désigner un administrateur ad hoc pour gérer le parti et organiser de nouvelles élections.

Au cœur de l’été, la République En Marche a poursuivi son évolution avec le vote de ses nouveaux statuts par les militants. Ce parti, qui se proclame différent, a connu alors ses premières contestations sur un supposé manque de "démocratie interne".

Une action en justice a même été intentée par un collectif d’adhérents dit "la démocratie en marche", qui ont saisi le tribunal de grande instance de Créteil. Ces adhérents entendaient invoquer selon eux le non-respect du délai entre l'annonce du vote, le 8 juillet, et la tenue de celui-ci, à partir du 23 juillet. Les statuts du mouvement prévoyaient en effet une convocation d’au moins un mois à l'avance. En choisissant de prolonger le vote de 15 jours, le tribunal de grande instance de Créteil a rallongé le délai sans pour autant annuler le scrutin.

Les militants qui avaient saisi la justice ont ensuite cherché à mobiliser, afin que le vote se solde par un rejet. Les nouveaux statuts de La République en marche furent néanmoins approuvés massivement avec une faible participation.

Cette petite crise de l’été, qui a touché le parti majoritaire, témoigne que la République En Marche, plus jeune formation française, qui exerce déjà le pouvoir, est désormais un parti comme les autres, avec ses luttes d’influence interne, ce qui est sain dans une société démocratique.

Si les partis politiques ont souvent une mauvaise image dans l’opinion publique, ils jouent un rôle majeur et fondamental dans le système politique. Ils garantissent la pluralité des expressions politiques dans le respect des "principes de la souveraineté nationale et de la démocratie" comme le précise notre Constitution. Et même si les partis connaissent des vicissitudes, sont décriés, et font l’objet de conflits internes, n’oublions jamais qu’ils sont indispensables, car l’absence de parti, ou le parti unique, c’est la dictature.

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