Emmanuel Macron : l'iconoclaste ministre avance ses pions, la présidentielle 2017 dans le viseur
Dans un paysage politique à gauche complètement fracturé, l'iconoclaste Emmanuel Macron avance discrètement ses pions, soucieux d'incarner une gauche "moderne" dans la perspective de 2017 et au-delà. Selon L'Obs jeudi 3, le ministre de l'Economie réunit régulièrement depuis l'automne à Bercy "quelques conseillers ministériels, son épouse et plusieurs industriels", une équipe qui prépare l'avenir, y compris selon l'hebdomadaire dès la prochaine présidentielle.
Près de deux ans après son arrivée à Bercy, la technique de séduction singulière de Macron, à gauche comme à droite, commence à être bien rodée. Alliance de spontanéité souriante et de condamnation décomplexée de thèmes présentés comme des tabous de la gauche. Mais le fait-il avec l'objectif de concurrencer le président François Hollande en vue de 2017, ou seulement de peser sur les débats en cours dans une gauche explosée, y compris au sein du Parti socialiste?
Après avoir distillé sa remise en cause des 35 heures, du statut des fonctionnaires, du principe d'un mandat électif en politique, il ne s'est jamais privé de critiquer, discrètement, certains choix du couple exécutif. Ainsi l'insertion dans la Constitution de la déchéance de nationalité pour les personnes convaincues de terrorisme ou, plus directement dirigée contre le Premier ministre Manuel Valls, l'idée que la société française a sa "part de responsabilité" dans la radicalisation. Autre pique, il assure à L'Obs qu'il aurait "pu signer en partie" la charge au vitriol de Martine Aubry accusant le gouvernement de mener à l'"affaiblissement" de la France.
Mais, à force de placer l'exécutif en situation inconfortable, il s'est régulièrement fait rappeler à l'ordre. Dépossédé de sa "loi sur les nouvelles opportunités économiques", dont les mesures ont été fondues dans les textes de Myriam El Khomri et de Michel Sapin, il a symboliquement été rétrogradé de deux rangs dans l'ordre protocolaire du gouvernement lors du dernier remaniement.
Jeudi, il s'est invité dans le débat sur le "Brexit", expliquant qu'en cas de sortie de l'Union européenne, le Royaume-Uni ne devrait pas s'étonner que la France ne retienne plus les migrants à Calais. Des interventions qui ont le don d'agacer certains de ses collègues, à commencer par le ministre des Finances Michel Sapin, qui l'accuse d'empiéter sur les plates-bandes de ses collègues. "Les initiatives individuelles, aussi intelligentes soient-elles, on doit les laisser de côté", avait ainsi lâché M. Sapin après que M. Macron eut proposé un fond franco-allemand pour les réfugiés… sans concertation avec le gouvernement.
Petit protégé du secrétaire général de l'Elysée Jean-Pierre Jouyet et proche de François Hollande qu'il a conseillé à l'Elysée les deux premières années du quinquennat, que cherche l'ancien banquier d'affaires?
"A partir du moment où vous avez une fragmentation telle à gauche, dès que vous avez deux élus avec vous, vous êtes le patron d'une grande entreprise", commente un élu proche du Premier ministre. Pour lui, Macron, "c'est l'actualité du jour" qui aura disparu le lendemain. Un constat partagé par un ténor de la droite au Parlement: "Il est là aujourd'hui et il fera sans doute autre chose demain".
Interrogé sur les ambitions du tout jeune ministre, un de ses proches, le député PS Richard Ferrand minimise au contraire. "Il ne faut pas sur-interpréter les choses, différentes initiatives se mettent en place assez spontanément pour soutenir son action ou ses idées, ces initiatives-là sont indépendantes de sa propre action à la tête du ministère", assure-t-il à l'AFP.
Certes, le collectif "Les jeunes avec Macron", qui réunit 2.900 adhérents, a annoncé cette semaine le lancement d'un think tank "la Gauche libre" visant à "peser dans les débats de 2017". Mais il se défend d'avoir des contacts directs avec Emmanuel Macron et ne se veut ni un parti politique ni un fan club. Le ministre accueille "ces soutiens avec sympathie, avec plaisir, toutes les bonnes volontés qui veulent faire avancer le débat, le nourrir, sont les bienvenues, mais il n'est pas à proprement parler à la manœuvre en amont", certifie M. Ferrand.
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