Après un bras de fer de deux mois, la France retire son ambassadeur et ses militaires du Niger, les putschistes saluent un "moment historique"

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France-Soir
Publié le 27 septembre 2023 - 10:30
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Des partisans du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP), au Niger, le 10 septembre 2023.
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INTERNATIONAL - La France cède aux putschistes du Niger. Emmanuel Macron a annoncé dimanche 24 septembre 2023 le rapatriement de son ambassadeur à Niamey "dans les prochaines heures" et le retour des 1.500 soldats avant la fin de l’année en cours. Dans un entretien télévisé aux JT de 20h sur TF1 et France 2, le président a signifié "la fin de la coopération militaire de Paris avec le Niger". Les putschistes, qui ont renversé en juillet le président élu Mohamed Bazoum, ont célébré une "nouvelle étape historique vers la souveraineté" de ce pays du Sahel. La France ne disposera plus que d'une présence dans la région, avec ses 1.000 soldats au Tchad. 

C’est la fin d’un bras de fer, voire d’une impasse qui a duré deux mois. Cible de prédilection des putschistes du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP) et de nombreuses manifestations des Nigériens, la France, son ambassade et sa présence militaire au Niger ont sans cesse été menacées depuis le coup d’état qui a renversé le 26 juillet 2023 le président Mohamed Bazoum.

En réaction à ces menaces, Paris a mis en garde contre toute "attaque ciblant ses intérêts", tout en appelant à la "restauration de l’ordre constitutionnel". L’Élysée et le Quai d’Orsay ont aussi apporté le "plein soutien" de la France "à l’ensemble des conclusions" adoptées par la Cédéao (Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest), qui prévoyait une intervention militaire pour rétablir le président déchu à son poste.

Il s’agit, aux yeux des militaires, d’un "agissement" parmi plusieurs autres, "contraires aux intérêts du Niger". Les putschistes, qui ont toujours dénoncé une "mainmise néocoloniale" française sur Niamey et ses ressources, accusaient aussi la France d’avoir violé l’espace aérien nigérien. Le ministère des Affaires étrangères mis en place par le CNSP a de ce fait convoqué le 25 août 2023 l’ambassadeur Sylvain Itté. 

Un bras de fer perdu d’avance ?

L’ambassade de France a toutefois rejeté cette convocation, suscitant une décision radicale du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie. Les militaires ont annoncé le "retrait de leur agrément à M. Sylvain Itté", "en réaction à son refus de répondre à l'invitation du ministère des Affaires étrangères pour un entretien".

M. Itté a été sommé de quitter le territoire nigérien "sous quarante-huit heures" mais la France a aussi rejeté cette demande. Les putschistes, "illégitimes", "n'ont pas autorité" pour une telle requête, puisque "l'agrément de l'ambassadeur émanant des seules autorités légitimes nigériennes élues", estime-t-on au Quai d’Orsay.

Après deux mois au cours desquels les tensions se sont exacerbées, Paris fait volte-face. Dimanche soir, Emmanuel Macron, dont les déclarations étaient alors jusque-là fermes, a annoncé le rapatriement de l’ambassadeur de France, qui devait être évacué du Niger "les prochaines heures" suivant l’entretien télévisé du président sur TF1 et France 2. Les 1.500 soldats français seront aussi du voyage et devront quitter le Niger avant la fin de l’année en cours.

Ce retrait était prévisible. Les militaires français ne pouvaient plus quitter leur base depuis deux semaines. De son côté, l’ambassadeur Sylvain Itté, "virtuellement pris en otage" dans la base où il s’est retranché, était passible d’une expulsion puisqu’il ne bénéficiait plus de son immunité et de son visa diplomatiques. En outre, fait-on remarquer, les réserves de nourriture et d'eau commençaient à s’épuiser.

"La France a décidé de ramener son ambassadeur" et "nous mettons fin à notre coopération militaire avec le Niger", a déclaré Macron. Il a précisé que ce rapatriement se fera en "concertation avec les putschistes parce que nous voulons que ça se fasse dans le calme". Une concertation plutôt nécessaire car le Niger a interdit, dimanche matin, son espace aérien aux avions français, tout en le conservant accessible aux vols commerciaux des autres pays. 

Les putschistes saluent "un moment historique"

Le locataire de l’Élysée a déclaré que les militaires français étaient au Niger pour lutter contre le terrorisme et non pour "être les otages des putschistes". Ces derniers "sont les amis du désordre", estime-t-il, affirmant que les attaques djihadistes ont repris depuis le coup d’État dans ce pays du Sahel. "Je suis très inquiet pour cette région". Il a également rendu hommage aux soldats français dont "il est fier", affirmant que "la France, parfois seule, a pris toutes ses responsabilités (...) Mais nous ne sommes pas responsables de la vie politique de ces pays et on en tire toutes les conséquences."

Les putschistes se sont félicités de la décision du président français. "Ce dimanche, nous célébrons la nouvelle étape vers la souveraineté du Niger. Les troupes françaises ainsi que l'ambassadeur de France quitteront le sol nigérien d'ici à la fin de l'année. C'est un moment historique qui témoigne de la détermination et de la volonté du peuple nigérien", a-t-on déclaré à la télévision nationale. "Toute personne, toute institution ou structure dont la présence menace les intérêts et les projections de notre pays devront quitter la terre de nos ancêtres qu'ils le veuillent ou non", poursuivent les militaires nigériens.

C’est ainsi la fin d’une décennie d’opérations militaires antiterroristes dans les pays du Sahel. Avant le Niger, le Mali et le Burkina Faso ont mis fin à la présence de soldats français sur leurs territoires. La France ne dispose désormais que d'une présence dans la région, c’est-à-dire au Tchad avec environ 1.000 soldats. Paris est aussi confronté à un autre coup d’État, cette fois-ci au Gabon, considéré "comme le berceau de la Françafrique".

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