Les prêtres catholiques s'interrogent sur le sens de leur engagement, sur fond de crise durable des vocations

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La rédaction de FranceSoir.fr avec AFP
Publié le 07 décembre 2016 - 14:33
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Des mains de prêtres.
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©Lionel Bonaventure/AFP
Il n'y a plus que 15.000 prêtres en France, ils étaient 30.000 il y a 20 ans.
©Lionel Bonaventure/AFP
Plusieurs faits divers impliquant des prêtres visiblement en souffrance ont fait ressortir la question du malaise et du surmenage des officiers religieux. Leur nombre a été divisé par deux en vingt ans.

"Ils n'ont pas donné leur vie pour ça!": sur fond de crise durable des vocations, de nombreux prêtres catholiques s'interrogent sur le sens profond de leur engagement et le poids de leurs responsabilités, entre simple questionnement et crise identitaire.

Mi-octobre, un prêtre du Finistère a interrompu sa messe pour courir jusqu'à un viaduc, faisant une chute miraculeusement sans gravité.

Drame rarissime, aux causes mystérieuses, mais qui a connu quelques précédents tragiques, comme le suicide d'un curé de la Manche en 2013. Des cas qui amènent les évêques à réfléchir aux responsabilités pesant sur des hommes encore jeunes dans le sacerdoce, à leur isolement.

C'est à la mémoire d'un prêtre "qui n'a pas su dire sa souffrance" que le journaliste Jean Mercier a conçu une fiction au succès inattendu pour un tel sujet: écrit d'une plume légère pour déminer un sujet grave, Monsieur le curé fait sa crise (Quasar) s'est écoulé à vingt mille exemplaires ces derniers mois. L'histoire d'un curé qui, ne supportant plus les rivalités entre laïcs, l'hostilité d'un fidèle à son endroit et l'attitude distante de son évêque, s'emmure tel un reclus médiéval.

"Mon livre ne porte pas vraiment sur le burn-out mais sur le blues identitaire", explique à l'AFP l'auteur, qui dit avoir reçu "beaucoup de témoignages de prêtres bouleversés" par son ouvrage.

Pilier du "Padreblog" connecté avec de nombreux confrères, l'abbé Pierre Amar a adoré ce roman "vrai" qui parle de "nos joies, nos peines".

"La figure du prêtre telle qu'on la connaît n'a plus rien à voir avec celles de nos aînés", dit-il. Plus qu'un "célébrant de sacrements", le curé est devenu, pêle-mêle, "manageur, gestionnaire de ressources humaines, animateur de communauté, arbitre, conseiller conjugal...", liste sans fin le père Amar, à la tête d'une paroisse des Yvelines.

La crise des vocations est passée par là, concentrant les responsabilités entre des mains toujours moins nombreuses. Le nombre de prêtres a presque été divisé par deux en vingt ans, passant de près de 30.000 en 1995 à environ 15.000 en 2015, pour 13.000 paroisses à faire tourner. Dix mille d'entre eux ont plus de 65 ans, 7.000 plus de 75. On estime qu'environ 800 meurent chaque année, alors qu'une centaine sont ordonnés.

La vie des prêtres se réorganise pour prévenir la solitude et ses risques. "Le prêtre seul dans son presbytère genre +Journal d'un curé de campagne+, c'est fini", remarque l'abbé Amar. "Chez moi, nous sommes à deux sous le même toit, un troisième prêtre vient régulièrement. Si l'un de nous ne va pas bien, l'autre le sait tout de suite. Nous sommes dans une forme de régulation fraternelle".

Le père Amar pressent que le prêtre va devoir "lâcher prise tout en gardant la main", en déléguant des tâches aux laïcs afin de pouvoir "se consacrer aux gens". Lui veille sur 19 clochers, avale 2.000 kilomètres par mois. "Ce n'est pas possible", souffle le curé, favorable à l'idée d'une paroisse recentrée sur une "église-sanctuaire où on vient boire à la source", sans nier la richesse de son territoire.

Talenthéo, un réseau de coachs chrétiens, a aidé 2.000 prêtres à mieux affronter leurs responsabilités managériales, peu abordées au séminaire.

"Les prêtres en ont marre de passer autant de temps à gérer de l'organisation, alors qu'ils n'ont pas donné leur vie pour ça", souligne le responsable de l'association. "C'est un job hallucinant de complexité: il est plus simple d'être dirigeant d'entreprise que curé d'une paroisse!"

Chargé des vocations des jeunes au sein de l'épiscopat, Mgr Denis Moutel, évêque de Saint-Brieuc, en est convaincu: "Il ne faut pas épuiser la terre, les prêtres, il convient peut-être de renoncer à certains cumuls de charges. Ce qui suppose que la place des laïcs soit bien soulignée".

L'évêque ne s'inquiète pas outre mesure de la crise du recrutement, "durablement bas". "En 1977 quand j'ai été ordonné prêtre, nous étions 99 pour la France, à peu près comme aujourd'hui", note-t-il. "La question qui se pose, c'est celle du désir des communautés chrétiennes d'avoir des prêtres. Si les fidèles les attendent, il les auront".

 

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