Etats-Unis : l'éléphante Happy pourrait être reconnue comme une "personne non-humaine"

Auteur:
 
Jean-Marc Neumann, édité par la rédaction
Publié le 27 novembre 2018 - 13:30
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Les dompteurs du cirque Pinder nourissent deux éléphants le 11 juillet 2013, au zoo du "Parc de la T
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© PHILIPPE DESMAZES / AFP/Archives
Pour la première fois dans le monde, un éléphant pourrait être reconnu "personne non-humaine" (image d'illustration).
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Il pourrait s'agir d'une première mondiale. L'éléphante Happy du zoo du Bronx à New York pourrait être reconnue comme une "personne non-humaine" par la justice américaine. Une décision qui pourrait faire jurisprudence, décrypte Jean-Marc Neumann, juriste en droit de l'animal à l'université de Strasbourg, pour France-Soir

Le "Non Human Rights Project" ("NhRP") dont l’objet est d’obtenir la reconnaissance de la personnalité juridique au profit, notamment, des grands singes et des éléphants, vient d’enregistrer un succès prometteur devant la Cour Suprême de l’Etat de New York (Comté d’Orleans).

En effet, pour la première fois dans le monde, un éléphant, en l’occurrence une éléphante dénommée Happy détenue par le zoo du Bronx à New York, s’est vu délivrer à son profit une ordonnance ("Writ") d’Habeas Corpus.

Lire aussi - Rencontre avec le "Non Human Rights Project"

Les juges ont ordonné au directeur général des zoos et aquariums de la Wildlife Conservation Society et au directeur du zoo du Bronx de s’expliquer sur les raisons pour lesquelles ils détiennent l’éléphante Happy lors d’une audience fixée au 14 décembre 2018.

Il est envisagé par la Cour, après qu’elle se sera prononcée sur la libération le 14 décembre, de transférer le cas échéant l’éléphante dans un sanctuaire (a priori celui de la Perfoming Animal Welfare Society).

Voilà une décision judiciaire que tous les juristes intéressés par le droit animalier attendent désormais avec grande impatience car la juge Tracey A. Bannister devra statuer sur la libération de Happy et son transfert dans un sanctuaire.

La juge n’aura pas à s’exprimer clairement sur la question de savoir si Happy est une "personne" au plan juridique. Il suffit, selon Steven Wise, que la magistrate ordonne la libération de l’éléphante et son transfert depuis le zoo du Bronx vers un sanctuaire pour que cela puisse être interprété, a minima, comme un embryon de personnalité juridique.

En Argentine la Cour de Mendoza avait déjà jugé en novembre 2016 qu’un chimpanzé (Cecilia) était une "personne non humaine" et avait ordonné son transfert dans un sanctuaire que Cecilia a finalement rejoint en avril 2017.

Aux Etats-Unis des ordonnances d’Habeas Corpus ont déjà été prononcées, à la requête du NhRP, par le passé en faveur de deux chimpanzés (Hercules et Leo) par ordonnance du 20 avril 2015 sans toutefois, que la personnalité juridique ait été reconnue à leur profit. Les deux chimpanzés ont été transférés dans un sanctuaire en mars 2018. Steven Wise est cependant assez confiant dans la présente affaire. Il pense qu’il existe des chances raisonnables que la juge reconnaisse que Happy est une "personne".

> Qui est Happy?

Happy est une éléphante d’Asie âgée de 47 ans capturée dans la nature (sans doute en Thaïlande) en 1970 et, après être passée entre les mains de plusieurs zoos et cirques, détenue depuis 2006 par le zoo du Bronx où elle vit seule dans son enclos en raison, selon le directeur du zoo, de sa personnalité "difficile" rendant impossible toute vie commune avec ses congénères.

Happy est le premier éléphant au monde à avoir réussi en 2005 le fameux "test du miroir" inventé en 1970 par le psychologue américain Gordon G. Gallup Jr. afin de vérifier si les animaux non humains possèdent un degré de conscience de soi similaire à celui des humains. L’idée est de placer l’animal devant un miroir afin de déterminer s’il est capable de reconnaître son propre reflet dans un miroir.

Compte tenu de sa vie jugée "misérable" et mettant même en péril sa santé pour les défenseurs des animaux, le NhRP a déposé le 2 octobre 2018 devant la Cour Suprême de l’Etat de New York (Comté d’Orleans) une requête afin d’obtenir une ordonnance d’Habeas Corpus en faveur de Happy, la reconnaissance de sa personnalité juridique ainsi que de son droit fondamental à la liberté et son transfert vers un sanctuaire.

Le NhRP estime en effet que la détention prive Happy de sa capacité à exercer son autonomie de diverses façons (aller où elle veut, faire ce qu’elle veut et être avec qui elle le souhaite). La détention est dès lors jugée illégale par le NhRP.

Par communiqué en date du 20 novembre 2018, le NhRP a annoncé l‘euthanasie de l’éléphante Maxine détenue également par le zoo du Bronx de sorte qu’à ce jour une autre éléphante (Patty) se retrouve désormais seule dans son enclos comme Happy…

Attendons le 14 décembre pour voir si la juge Bannister ordonnera la libération de Happy et son transfert dans un sanctuaire. Ce serait une première mondiale pour un éléphant.

Je ne manquerai pas de revenir plus longuement sur cette affaire dès la décision connue. A suivre, donc.

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