“On attendait autre chose”. La déception des parties civiles après l’interrogatoire de Monique Olivier

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Laurence Beneux, France-Soir
Publié le 18 décembre 2023 - 12:46
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Monique Olivier Papier 3
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Me Richard Delgenes
Richard Delgenes, l'avocat de Monique Olivier.
Me Richard Delgenes

FAITS DIVERS - C’est une longue journée d’interrogatoire, subie par Monique Olivier, l’ex-épouse de Michel Fourniret, jeudi 14 décembre. L’enjeu ? En savoir un peu plus sur les dernières heures de la petite Estelle Mouzin et recueillir des éléments qui permettraient de retrouver le corps de l’enfant afin de lui offrir une sépulture. Les espoirs de sa famille ont été largement déçus, et au-delà d’une éventuelle mauvaise volonté dont l’accusée se défend, la direction des débats par le président de la cour d’assises, Didier Safar, est pointée du doigt. Les parties civiles ont tout de même eu la satisfaction d’entendre Monique Olivier réitérer ses aveux : elle reconnait être complice des enlèvements et des meurtres de Marie-Angèle Domèce, de Joanna Parrish et d’Estelle Mouzin

Pour interroger Monique Olivier, “il faut être un peu psychologue”, préconise son avocat Maître Richard Delgenes.

 

“Psychologue” ce n’est pas ainsi que l’on peut qualifier l’interrogatoire mené par le président qui n’a eu de cesse d’interrompre l’accusée, de lui rappeler les mensonges qu’elle a égrenés au fil des années et ses déclarations contradictoires. Alors, Monique Olivier campe largement sur les positions qu’elle a adoptées depuis le début du procès, elle “ne sait pas, ne sait plus, regrette, aimerait aider à retrouver le corps de la fillette” et s’auto-flagelle en se traitant elle-même de monstre.

Pourtant, si on la laisse parler, et qu’on lui demande des détails, la complice de Fourniret en donne. 

Monique Olivier affirme que son compagnon a séquestré Estelle dans une maison de Ville-sur-Lumes, héritée d’une tante et inhabitée. Le lendemain de l’enlèvement, le tueur aurait appelé sa femme afin qu’elle vienne garder l’enfant durant les heures où il devait aller travailler. Il était surveillant dans une école communale... 

“Pas très remuante”

Quand le deuxième assesseur demande à l’accusée des détails sur sa rencontre avec Estelle, Olivier parle. L’enfant, séquestrée dans le grenier, est habillée d’un pull rouge et d’un pantalon bleu. Elle décrit une petite fille triste, en pleurs, "pas très remuante” pour une enfant de son âge, assise sur un matelas au sol. Contrairement à ses précédentes déclarations, elle affirme que l’enfant n’est ni entravée, ni bâillonnée, et envisage que Fourniret l’ait droguée. Elle affirme ne pas lui avoir administré elle-même de narcotique.

Olivier explique être choquée par le jeune âge de la victime, et en colère contre son compagnon qui a jeté son dévolu sur cette "belle petite fille”. Pour autant, elle ne va rien faire pour la libérer alors qu’elle est consciente du fait que cette inaction condamne l’enfant à une mort certaine.

La maison, sans électricité, est glaciale, ce 9 janvier 2003. Il fait -10 ° dehors, mais la criminelle n’a pas non plus le réflexe de chercher à couvrir la fillette. Tout au plus, lui donne-t-elle un verre d’eau et l’emmène-t-elle aux toilettes quand Estelle le demande. Elle ne la nourrit pas. 

Quand la petite réclame sa maman, Olivier ment. Elle lui dit qu’elle va la revoir bientôt. Elle sait pourtant qu’Estelle vit ses dernières heures… Elle prétend que ce sont les seuls échanges qu’elle ait eus avec l’enfant. Elle explique être descendue pour faire du ménage au rez-de-chaussée d’une maison qui a des airs de dépotoir. La jeunesse de la victime la mettrait mal à l’aise.

Me Didier Séban, l’avocat d’Éric Mouzin, calcule que la geôlière est restée plusieurs heures avec Estelle. Olivier est arrivée en début d’après-midi et Fourniret ne pouvait être de retour que vers 20 heures. Monique Olivier répète pourtant qu’elle se souvient n’être restée sur place que deux heures, et qu’il faisait jour quand elle est rentrée chez elle, à Sart-Custinne, laissant son époux seul avec sa proie. Ça ne colle pas. Un 10 janvier à 20 heures, il fait nuit. Pourtant, personne ne cherche à creuser ce point durant l’audience.

"C'est terminé"

Quand Fourniret rejoint sa femme au domicile conjugal, il lui dit “c’est terminé”. Pour Monique Olivier, cela veut dire qu’Estelle est décédée. Elle suppose qu’il l’a étranglée. Rien en fait ne lui permet de l’affirmer.

Le lendemain, le couple infernal retourne sur les lieux du crime. Olivier affirme avoir constaté que l’enfant est morte, mais l’avoir à peine regardée parce que la vue des cadavres la mettrait mal à l’aise. Contrairement à ses précédentes déclarations, elle dit aujourd’hui que le tueur n’a pas violé l’enfant qui porte toujours ses vêtements à leur arrivée sur les lieux. Elle affirme aussi ne pas voir de traces de coups. 

Le corps de la fillette est enveloppé dans un rideau de douche, puis transporté en voiture dans un bois. Monique Olivier a pour consigne de rester dans la voiture pendant que Fourniret va enterrer Estelle. Quand elle en sort malgré tout, le tueur se fâche. La cour n’a pas la curiosité de lui demander les raisons qu’elle donne à cet agacement.

“Fourniret a dû déplacer le corps”

Olivier maintient que c’est bien dans ce petit bois qu’elle a emmené les enquêteurs. Si les fouilles n’ont rien donné, c’est sans doute parce que “Fourniret a dû déplacer le corps” ultérieurement, spécule-t-elle. Elle continue à affirmer avec force qu’elle ne sait pas où peut se trouver la dépouille d’Estelle aujourd’hui.

En fin d’après-midi, les avocats des parties civiles insistent pour que l’audience soit suspendue, et qu’une journée supplémentaire soit consacrée à interroger l’ex-épouse de Michel Fourniret. Tout le monde est fatigué, à commencer par l’accusée, âgée de 75 ans, qui s’énerve et ne révèle rien. Les familles des victimes attendent ce procès depuis 20 ans, soulignent leurs représentants. Le président de la cour d’assises refuse. Maître Corinne Herrmann, avocate de familles de victimes, s’énerve. Elle explique son malaise de devoir interroger Olivier en début de soirée, après une journée éprouvante. “On aurait dû reporter à demain matin”, reproche l’avocate. “Ce n’est pas montrer du respect pour les parties civiles, ni pour la défense. Cen ne sont pas des conditions dignes”, s’emporte-t-elle.

Le président Safar reste campé sur ses positions. 

“On est déçus pour le premier procès ‘pôle Cold case’, je dois le dire (…). On attendait autre chose”, déplore Me Séban.

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