IA générative et antitrust : la Commission européenne examine l’investissement de Microsoft dans OpenAI

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France-Soir
Publié le 10 janvier 2024 - 12:50
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Pour la Commission européenne, il est Microsoft dans OpenAi. Il est question de savoir si la prise de participation de Microsoft dans OpenAI “est susceptible de faire l'objet d'un examen au regard du règlement de l'UE sur les concentrations”.
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TECH - Les investissements de Microsoft dans OpenAI, créatrice de ChatGPT, inquiètent la Commission européenne. Le gendarme de la concurrence de l’UE se demande si l’investissement du géant de la tech d’environ 13 milliards de dollars “peut faire l’objet d’un examen au titre du règlement de l’UE sur les concentrations”. La Commission étudie “l’impact de ces partenariats sur la dynamique du marché”, annonce-t-on dans un communiqué. En d’autres termes, il y a une crainte qu'avec l’accès exclusif de la firme fondée par Bill Gates aux technologies,  la startup californienne renforce sa domination, en capturant les dernières innovations en matière d’intelligence artificielle (IA).

En janvier 2023, soit 2 ans et demi après avoir injecté un milliard de dollars dans OpenAI, Microsoft a annoncé un plan d’investissement pluriannuel dans la startup californienne. Cet investissement de plus de 10 milliards de dollars devait servir à “accélérer les percées de l’IA” en accélérant la recherche et déployer les modèles d'OpenAI dans ses produits grand public et professionnels. Ce financement devait aussi permettre à la société de Redmond, qui a obtenu un poste sans droit de vote au sein du conseil d'administration du champion de l’IA, de consolider sa participation de 49%.

Questionnements de l'UE sur des accords entre grands acteurs du marché numérique

Une année plus tard, la Commission européenne a annoncé mardi 9 janvier 2024 le lancement de “deux appels à contributions sur la concurrence”. Le premier concerne “les mondes virtuels” et le second “l'intelligence artificielle générative”. Le gendarme de la concurrence de l’UE entend ainsi envoyer des demandes d'informations à des grands acteurs du numérique, pour recueillir leur avis sur la manière de préserver la concurrence sur ces marchés.

Le communiqué souligne, dans la foulée, que l’institution “se penche sur certains des accords conclus entre de grands acteurs du marché numérique et des développeurs et fournisseurs d'IA générative” et “enquête sur l'incidence de ces partenariats sur la dynamique du marché”.

Parmi ces “partenariats” figure l’investissement de Microsoft dans OpenAi. Il est question de savoir si cette prise de participation “est susceptible de faire l'objet d'un examen au regard du règlement de l'UE sur les concentrations”.

Qu’est-ce qui inquiète la Commission européenne ? “L'intelligence artificielle a le potentiel de devenir le musée des horreurs de l'antitrust si on ne fait rien. Il y a des raisons d'être inquiets. On risque de voir dans ce domaine tout le catalogue des pratiques anticoncurrentielles que l’on voit dans le numérique également, c'est-à-dire la vente liée, la vente groupée, les obstacles à l'accès aux données, les effets congloméraux et l'auto-préférence. Tout ça peut arriver très vite”, expliquait fin novembre Benoît Coeuré, le président de l'Autorité de la concurrence, lors d'une table ronde sur la régulation du numérique organisée à Paris.

L’un des risques est que l’une de ces pratiques anticoncurrentielles soit un monopole ou un abus de position de la part des géants de la tech, déjà ultra dominants, mais qui, de surcroît, consolident leurs positions en se réservant, à travers leurs investissements et leurs prises de participations, les dernières innovations des développeurs émergents de l’intelligence artificielle générative.

La commissaire à la Concurrence, Margrethe Vestager, se rendra d’ailleurs en Californie la semaine prochaine pour prendre part à une conférence sur l’antitrust. Elle prévoit d’y rencontrer plusieurs personnalités de la tech, dont les dirigeants d’OpenAI. Fin novembre, le conseil d’administration de cette startup avait décidé de limoger de son poste de CEO le fondateur de la start-up, Sam Altman, qui a rejoint Microsoft dans la foulée. Mais cette décision a provoqué du rififi chez l’éditeur de Windows et Sam Altman a vite retrouvé son poste après la nomination d’un nouveau conseil d’administration.

L’investissement de Microsoft scruté à Londres aussi

Avant l’UE, c’est le gendarme britannique de la concurrence, la CMA, qui a fait part de son intention d'examiner le partenariat entre les deux entreprises pour évaluer s'il ne s'apparentait plutôt à une fusion. L’investissement de Microsoft dans OpenAI était aussi scruté par l’Office fédéral allemand des cartels (FCO), qui a conclu que la “coopération” entre les deux firmes n’était “actuellement” pas soumise au contrôle des fusions. Mais “si Microsoft devait accroître son influence sur OpenAI à l’avenir, il faudrait réexaminer s’il existe une obligation de notification en vertu du droit de la concurrence”, a averti l’institution. 

La commission européenne a d’ailleurs mené fin septembre une perquisition chez Nvidia à Paris. Le fabricant de cartes graphiques, déjà perquisitionné par l’Autorité française de la concurrence, est soupçonné de pratiques anticoncurrentielles, précisément d’abus de position dominante. Ce sont ses puces dédiées à l’intelligence artificielle générative qui a suscité les soupçons de l’UE, mais aucune enquête formelle n’a encore été officiellement ouverte.

L’IA générative est au cœur de toutes les craintes des observateurs. L'UE s'est accordée début décembre sur une régulation de cette technologie, à travers son Artificial Intelligence Act (AI Act). Les eurodéputés réclamaient particulièrement plus de transparence sur les algorithmes et les bases de données utilisées par ces systèmes, qui sont capables de générer des textes, des vidéos, des images et des sons. Le texte, inédit au niveau mondial, entend limiter les dérives potentielles de l’IA comme la diffusion de contenus trompeurs et autres deepfakes.

Quant à Microsoft, la société cofondée par Bill Gates a déjà été condamnée en 2013 par la commission pour abus de position dominante et “non-respect de ses engagements concernant le choix du navigateur”. Une amende de 561 millions d'euros a été infligée au groupe.

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