Assurance chômage : les syndicats en colère mais sans illusions
Au lendemain du "choc" de la présentation de la réforme de l'assurance chômage, les syndicats, unanimement "en colère", cherchaient comment réagir mais sans se faire d'illusions sur leur capacité à mobiliser l'opinion sur l'indemnisation des chômeurs.
Mercredi, Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, a appelé à un "rassemblement symbolique" la semaine prochaine devant le ministère du Travail "avec des associations de lutte contre la pauvreté, lutte contre l'exclusion, avec d'autres organisations syndicales".
La CGT, avec des associations de chômeurs, a déjà évoqué de son côté un rassemblement devant le siège de l'Unédic le 26 juin, date d'un conseil d'administration du gestionnaire de l'assurance chômage.
Yves Veyrier, numéro un de FO, a plaidé lui pour "une réaction coordonnée entre nos cinq confédérations, puisqu'on est tous les cinq en colère" avec "une action qui ne soit pas simplement pour le symbole".
Reste qu'aucun syndicaliste ne se fait d'illusions.
"Ne rêvons pas, le gouvernement va faire les décrets (cet été), il n'a pas besoin de débat parlementaire", a admis Laurent Berger, pour qui "les chômeurs ont perdu".
En baisse depuis mi-2015, le chômage n'est plus en tête des préoccupations des Français, éclipsé par le pouvoir d'achat. L'emploi n'était pas au coeur des revendications des "gilets jaunes", ni du grand débat lancé par l'exécutif.
Dans un sondage récemment publié par Les Echos, la première raison du niveau du chômage était attribuée "aux règles d'indemnisation n'incitant pas au retour à l'emploi" et la dégressivité pour les hauts revenus était largement approuvée.
"C'est très dur de manifester pour les chômeurs. Les Français ne savent pas qu'un allocataire sur deux travaille... Dans l'inconscient collectif, il y a l'idée que les chômeurs c'est un peu de leur faute. Tant qu'on n'est pas touché, on ne se sent pas concerné", souligne Jean-François Foucard (CFE-CGC).
La CFE-CGC a lancé avec les cadres CGT une pétition contre la dégressivité qui avait recueilli 10.000 signatures en fin d'après-midi. Mais "on est trois millions de cadres", relativise M. Foucard.
En outre, l'entrée en vigueur des mesures sera échelonnée entre novembre (durcissement de l'accès à l'indemnisation et de la prolongation des droits) et avril (nouveau mode de calcul de l'indemnisation). Et ces mesures ne s'appliqueront qu'aux nouveaux entrants, sauf pour les rechargements qui représentent une ouverture de droits sur cinq.
Quitte à faire des entorses à ses principes, le gouvernement a également renoncé à modifier les régimes spécifiques de certaines professions capables de mobiliser, comme les intermittents du spectacle qui auraient pu menacer les festivals de l'été, ou de s'attirer la sympathie de l'opinion comme les assistantes maternelles qui peuvent cumuler indemnisation et salaire lorsqu'elles perdent un de leurs employeurs.
- "Paupérisation" -
Sur le fond, les syndicats ne croient guère à la thèse du gouvernement selon laquelle la modification des règles entraînera "des effets de comportement" massifs vers le retour à l'emploi.
"Une telle logique laisse penser que le chômage est un choix. Il y a des abus mais la très grande majorité des chômeurs aspire à travailler plus et mieux", estime Laurent Berger. En revanche il prédit une "paupérisation des chômeurs indemnisés", notamment parmi ceux qui alternent inactivité et périodes de chômage.
"On parle de gens qui gagnent 800 euros et risquent de perdre 100 à 150 euros", résume M. Foucard.
En outre, selon la CGT et la CFDT, avec le durcissement de quatre à six mois de travail pour l'ouverture des droits, c'est entre 200.000 et 300.000 personnes qui ne rentreront pas dans le système, principalement des jeunes, précaires et saisonniers.
Le gouvernement répond qu'il ne fait que revenir aux règles d'avant la crise de 2009 et que la France gardera un des régimes les plus favorables en Europe pour tous les demandeurs d'emploi.
Seul point positif salué par les syndicats, le renforcement de l'accompagnement des chômeurs à Pôle emploi. Mais, prévient M. Berger, cela ne suffira pas à "faire la vente de cette réforme" qui "va coller aux baskets du gouvernement pendant un moment".
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