"Carnets de profs" : des enseignants face à des élèves aux propos homophobes "récurrents"

Auteur:
 
Par AFP - Nanterre
Publié le 14 janvier 2021 - 13:18
Image
Cours sur la liberté d'expression au collège de la Grange-aux-Belles à Paris le 2 novembre 2020
Crédits
© Thomas SAMSON / AFP
Un enseignant s’adresse à des élèves dans une salle de classe du Collège La Grange Aux Belles à Paris, le 2 novembre 2020.
© Thomas SAMSON / AFP

Depuis des années, de nombreux profs le disent: ils sont "en première ligne". En première ligne et parfois démunis, dans leur salle de classe, pour accompagner leurs élèves.

Après le suicide en décembre d'une lycéenne transgenre à Lille, l'AFP a interrogé ses correspondants réguliers, professeurs en collège, sur les notions de genre et de transidentité. Voici leurs témoignages :

- "Du mieux ces dernières années" -

Céline, 45 ans, professeure d'histoire-géographie d'un collège REP+ du Haut-Rhin:

"Le collège est vraiment la période où ils prennent conscience de leur identité sexuelle.

Sur la transidentité, on est certainement très insuffisamment formé. Si j'étais confrontée à un élève se questionnant sur son identité sexuelle, je demanderais à mon chef d'établissement à qui en parler, quelles démarches mettre en place. On se tournerait peut-être vers des associations.

Concernant l'homosexualité, on est souvent obligé de poser des limites claires à propos de ce qu'on entend en classe. Les élèves comprennent le racisme, l'antisémitisme, mais ils ont beaucoup de mal à comprendre l'homophobie. Une fois, un élève m'a dit: +Je ne comprends pas qu'on soit raciste, mais je n'aime pas les homosexuels, et c'est comme ça+. Il a bien compris que c'était une forme d'exclusion mais pour lui c'était acceptable.

Le contexte familial est le plus important. On ne pèse pas aussi lourd que les grands frères, les responsables religieux...

En tout cas sur ces sujets, transidentité, homophobie, il y a du mieux ces dernières années : tous les débats autour du Mariage pour tous (loi votée en 2013, ndlr) ont été positifs. Les élèves comprennent qu'on en parle en classe, alors qu'il y a 15 ans, c'était tabou."

- Argument religieux -

Camille, 39 ans, enseigne l'histoire-géographie dans un collège classé REP+ des Yvelines:

"Je pense que l'Education nationale ne fait rien pour intégrer des élèves trans. En même temps, je n'ai jamais été confrontée à cette situation.

En revanche, les propos homophobes sont assez récurrents. Dans certaines classes, les élèves ont même l'air de penser qu'être homophobe est la norme. Ils avancent toujours les mêmes arguments : ce n'est pas naturel, c'est contre la religion...

En ce qui me concerne, le sujet est abordé lorsque j'évoque la loi sur le Mariage pour tous. J'ai très souvent des réactions théâtrales de rejet. Je peux mettre rapidement un terme à un débat non constructif en rappelant le sens de cette loi et le principe d'égalité.

Néanmoins, j'ai eu des élèves qui assumaient leur homosexualité.

Ce fut le cas d'un élève de 3°. On sentait que cela troublait ses camarades. Cet élève faisait fi des provocations. Il a fait partie des lauréats du concours d'éloquence. Il est arrivé habillé de manière très colorée sur scène et a commencé à lire son texte. C'était un texte lumineux, sincère, dans lequel il expliquait qu'avant sa vie était en noir et blanc, mais que désormais, il s'acceptait, et que sa vie était très colorée.

Il démontait l'argument religieux en expliquant que, si Dieu l'avait créé ainsi, c'est qu'il ne devait pas être totalement contre et que de toute manière, seul lui était en droit de le juger. C'était aussi fort qu'émouvant et l'ensemble de la salle s'est levée pour l'acclamer."

- "Je ne veux pas m'en mêler" -

Philippe, 54 ans, enseigne l'histoire-géographie dans un village du Puy-de-Dôme:

"Le thème du genre est devenu +à la mode+ au cours des dernières années dans notre pays, mais dans ma classe ce n'est pas le cas. Pourquoi ? C'est un sujet très personnel, donc l'enseignant que je suis ne veut pas s'en mêler.

Au cours de ma carrière désormais longue, j'ai eu quelques élèves dont on voyait qu'ils se cherchaient sur le plan de leur identité sexuelle.

De mon point de vue, les quelques élèves qui semblaient être homosexuels n'ont pas subi de rejet. Pourtant, dans une cour de récréation, les propos homophobes de type +pédé+ sont utilisés, mais pas forcément parce que l'élève visé le serait. Je crains que cela ne fasse partie d'un certain langage courant."

L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.

Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement  car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.

Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.

Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.

Je fais un don à France-Soir

Dessin de la semaine

Portrait craché

Image
Lula
Lula Da Silva : une barbe cache-misère politique ou masque de l’autoritarisme ?
Luiz Inácio Lula da Silva est un personnage simple en apparence mais complexe en substance. Sous sa barbe blanche, ses fossettes et son sourire aux dents refaites, le ...
27 avril 2024 - 14:36
Politique
26/04 à 18:30
Soutenez l'indépendance de FS

Faites un don

Nous n'avons pas pu confirmer votre inscription.
Votre inscription à la Newsletter hebdomadaire de France-Soir est confirmée.

La newsletter France-Soir

En vous inscrivant, vous autorisez France-Soir à vous contacter par e-mail.