Des avocats vent debout contre les box "cages de verre" des tribunaux

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Par AFP
Publié le 16 novembre 2017 - 10:14
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Des avocats dénoncent la généralisation de nouveaux box dans les salles d'audience des tribunaux, es
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© KENZO TRIBOUILLARD / AFP/Archives
Des avocats dénoncent la généralisation de nouveaux box dans les salles d'audience des tribunaux, estimant qu'ils remettent en cause les fondements d'un procès équitable
© KENZO TRIBOUILLARD / AFP/Archives

Ils y voient une "cage vitrée", un "enclos de verre" voire un "bocal": des avocats dénoncent la généralisation de nouveaux box dans les salles d'audience des tribunaux, estimant qu'ils remettent en cause les fondements d'un procès équitable.

"Il s'agit d'une véritable atteinte à la présomption d'innocence, aux droits de la défense": le 16 octobre, lors d'une audience en comparution immédiate, le bâtonnier des Hauts-de-Seine proteste contre la mise en place de deux box vitrés au tribunal correctionnel de Nanterre, "sans aucune concertation".

A l'endroit où se tiennent les prévenus, un cube de verre, fermé, à l'exception de deux ouvertures basses permettant à son occupant de parler et d'une porte menant au dépôt. Un "enclos de verre", une "cellule au sein de la salle d'audience", un "aquarium" pour certains pénalistes.

"Dans un premier temps, ça se présentait très ponctuellement, ici ou là", rappelle Me Gérard Tcholakian, du Syndicat des avocats de France (SAF). "Au fil des années, on s'est fait grignoter sur cette problématique et cet été, lorsque tout le monde est rentré de vacances, on a découvert une généralisation".

Si des box en partie ou totalement vitrés existaient déjà dans les juridictions, une politique de "sécurisation" des tribunaux a en effet été engagée "dans le cadre des mesures exceptionnelles décidées en 2015 pour répondre à la menace terroriste", selon la Chancellerie. Cet été, 18 box ont été transformés en Ile-de-France et 9 autres le seront d'ici fin 2018.

Destinés aux détenus, ils visent à empêcher évasions et violences au cours du procès. Mais ils posent plusieurs problèmes aux avocats, notamment pour communiquer avec leur client.

"Cela nous oblige à des postures tout à fait incompatibles avec une défense libre: les uns sont voutés, d'autres tordent le cou", s'agace Christian Saint-Palais, de l'Association des avocats pénalistes (ADAP). A Evry, "tous les avocats qui font moins d'1,70m n'arrivent pas à discuter avec leur clients parce que l'ouverture est beaucoup trop haute", illustre Me Déborah Meier.

- "Présomption d'innocence" -

Difficile pour les robes noires d'assister leur client, pour les juges d'entendre les accusés quand les micros défaillent, pour les interprètes de traduire correctement les propos, décrivent les avocats interrogés.

Surtout, "symboliquement, il y a une atteinte à la présomption d'innocence: cela installe l'image de la peur que susciterait le mis en cause. Hors, il n'y a pas à avoir peur d'un innocent", insiste Me Saint-Palais.

"La cage de verre porte atteinte à l'oralité des débats" et "à la dignité" en présentant les accusés "dans un bocal", estime Françoise Mathe, présidente de la commission Liberté et droits de l'Homme du Conseil national des barreaux (CNB).

"Quand on a jugé la bande à Bonnot il y a un siècle, quand on a jugé Landru, les pires criminels, ils n'étaient pas dans des cages en verre ni en acier", rappelle le bâtonnier de Strasbourg, Me Pascal Créhange. "On ne peut pas juger les gens comme des animaux".

A Strasbourg, Nanterre, Evry et Versailles, les ordres ont récemment incité les avocats à déposer des conclusions en début d'audience pour que leur client soit jugé hors du box.

Mi-octobre, le barreau des Hauts-de-Seine a saisi le défenseur des droits avant d'assigner en justice, en référé, la garde des Sceaux. Plus récemment, c'est le SAF qui a assigné la ministre au Tribunal de grande instance (TGI) de Paris. Une audience est prévue le 15 janvier.

"La garde des Sceaux est très attentive au plein respect des conditions nécessaires à la bonne administration de la justice, en conformité avec nos obligations européennes", a réagi la Chancellerie auprès de l'AFP, précisant qu'elle avait demandé un renvoi de l'audience prévue à Nanterre le 22 novembre pour "répondre avec toute la précision nécessaire aux griefs" des avocats.

En 2003 déjà, des avocats s'étaient opposés en justice à l'installation de box vitrés à la cour d'appel de Paris et aux assises de Versailles, obtenant finalement gain de cause. Une procédure engagée en 2015 à Grenoble avait en revanche échoué.

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