En Syrie, nouvelles évacuations de l'ultime poche de l'EI

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Par Rouba EL HUSSEINI - Champ pétrolier d'Al-Omar (Syrie) (AFP)
Publié le 27 février 2019 - 14:01
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Un combattant des Forces démocratiques syriennes (FDS) durant l'évacuation de femmes et enfants du dernier réduit du groupe Etat islamique (EI), le 26 février 2019 dans la province de Deir Ezzor
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© Delil SOULEIMAN / AFP
Un combattant des Forces démocratiques syriennes (FDS) durant l'évacuation de femmes et enfants du dernier réduit du groupe Etat islamique (EI), le 26 février 2019 dans la province
© Delil SOULEIMAN / AFP

Massés à bord de camions, hommes, femmes et enfants ont quitté mercredi l'ultime réduit du groupe État islamique (EI) dans l'est syrien, sous la supervision des forces arabo-kurdes qui attendent la fin des évacuations pour donner l'assaut contre le reliquat du "califat" jihadiste.

Ces derniers jours, des milliers de personnes, dont de nombreux étrangers, ont abandonné la petite poche encore tenue par l'EI dans le village de Baghouz, aux confins orientaux de la Syrie, à proximité de la frontière irakienne.

Après des semaines de privation dans le réduit jihadiste, les évacués débarquent affamés à une position des Forces démocratiques syriennes (FDS), près de Baghouz. L'alliance arabo-kurde les soumet à des fouilles et des interrogatoires pour identifier les jihadistes dissimulés parmi la foule.

Parfois en béquille ou en chaise roulante, il y a des centaines de blessés, touchés par des bombardements ou l'explosion de mines.

Mercredi, 15 camions transportant des centaines de personnes sont arrivés à la position des FDS, a rapporté une journaliste de l'AFP. Il s'agit de la cinquième évacuation du genre en une semaine.

Le nombre de personnes à bord des derniers camions était moins élevé que les jours précédents, a constaté la journaliste. Rien n'indiquait les raisons de cette baisse.

Mais, d'après les estimations des FDS, des milliers pourraient encore se trouver dans le réduit jihadiste de moins d'un demi-kilomètre carré, composé de quelques pâtés de maisons accolés à un campement informel.

Soutenus par la coalition internationale emmenée par Washington, les FDS attendent la sortie des derniers civils, principalement des femmes et des enfants de jihadistes, pour relancer leur offensive.

Des images exclusives de la BBC, prises depuis le côté irakien de la frontière, ont révélé mercredi à quoi ressemble ce carré jihadiste: devant des bâtisses ocres, quelques tentes précaires faites parfois de couvertures colorées sont plantées autour d'arbres desséchés.

Le linge a été mis à sécher, quelques femmes en niqab s'activent autour de leurs abris, un homme tout de noir vêtu, peut-être un jihadiste, passe en courant.

- "Détresse psychologique" -

Depuis décembre, près de 50.000 personnes au total, principalement des familles de jihadistes, ont quitté la poche de l'EI, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).

Les hommes soupçonnés d'appartenance à l'EI sont maintenus en détention. Les femmes et les enfants, dont les proches de jihadistes, sont transférés vers des camps de déplacés du nord-est, notamment celui d'Al-Hol.

L'ONG Save the Children a souligné mercredi la "sévère détresse psychologique" dont souffrent "des milliers d'enfants" qui ont fui l'EI.

Certains ont vraisemblablement été témoins "d'actes de brutalité" et vécu sous "d'intenses bombardements", explique l'ONG, précisant que ces enfants nécessiteront un soutien psychologique sur le long terme.

Leurs troubles psychologiques se traduisent par de la nervosité, de l'isolement, de l'agressivité, des cauchemars et une énurésie nocturne, poursuit l'ONG.

L'organisation cite notamment une fillette de 11 ans ayant "assisté à des décapitations". Elle n'a jamais revu son frère, arrêté il y a quatre ans par l'EI, à l'âge de 17 ans.

Selon Save the Children, 2.500 enfants étrangers issus de 30 pays vivent aujourd'hui dans trois camps de déplacés dans le nord-est du pays.

Surpeuplé, le camp d'Al-Hol abrite à lui seul plus de 50.000 personnes, et des milliers continuent d'affluer quotidiennement.

"Des milliers de personnes dorment dans de rudes conditions dans la zone d'accueil, où elles sont exposées au froid, au vent et à la pluie", a déploré dans un communiqué une responsable de l'ONG Comité international de secours (IRC), Misty Buswell.

"Beaucoup d'enfants doivent se débrouiller sans chaussures ni manteaux", a-t-elle ajouté.

- "Que fait la France?" -

Après une montée en puissance fulgurante en 2014, et la proclamation d'un "califat" sur des pans entiers de la Syrie et de l'Irak, l'EI a vu son territoire se réduire comme peau de chagrin.

A son apogée, l'organisation avait attiré des milliers d'étrangers. Des Français, des Britanniques, ou encore des Russes d'origine tchétchène.

Une avocate française, Marie Dosé, qui défend des familles de jihadistes français en Syrie, a accusé mardi Paris de laisser "crever des enfants en zone de guerre".

"Que fait la France pour ces enfants, qui sont ses enfants, depuis 18 mois? C'est un désastre humanitaire", a déclaré à l'AFP l'avocate.

Quasiment rayé de la carte, l'EI a entamé sa mue en organisation clandestine. Ses jihadistes sont toujours disséminés dans le désert central de la Badiya en Syrie, où ils ont formé des cellules dormantes pour mener des attentats meurtriers dans les territoires qu'ils ont perdus.

En l'absence d'un engagement antiterroriste soutenu, il ne faudrait à l'EI que six à 12 mois pour entamer une "résurgence", avait récemment averti l'armée américaine.

La bataille contre l'EI représente aujourd'hui un des principaux fronts de la guerre en Syrie qui a fait plus de 360.000 morts et des millions de déplacés et réfugiés depuis 2011.

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